Vol de bébés busards, espèce protégée, dans des champs : "il n'y a plus de respect pour rien"

Onze bébés busards cendrés (une espèce protégée) ont été enlevés de leurs nids dans un champ de la Marne. Leur protecteur depuis toujours, le photographe animalier Alain Balthazard, s'en émeut ce jeudi 30 juin.

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L'incompréhension la plus totale devant les nids vides. Alain Balthazard, photographe animalier et grand ami des oiseaux, n'en a pas cru ses yeux quand il a découvert l'absence de onze bébés busards cendrés dont il avait la garde.

Ces onze petits oiseaux sont toute la progéniture de trois couples de busards nichant côte à côte dans un champ de céréales de la Marne. Alain Balthazard a découvert cette disparition inqualifiable le lundi 27 juin 2022, et a poussé un énorme coup de gueule sur les réseaux sociaux dans la foulée.

Le busard cendré est une espèce de rapace strictement protégée. Autant que kidnapper ses bébés est très fortement puni. Alain Balthazard, qui s'en occupe depuis 1994, s'en est ému auprès de France 3 Champagne-Ardenne alors que la Ligue de protection des oiseaux (LPO) a officiellement porté plainte ce jeudi 30 juin. C'"est désormais un symbole des plaines céréalières : il est donc indispensable de les sauvegarder chez nous."

Copine des agriculteurs

"Cet oiseau de plaine régule les populations de rongeurs. C'est un précieux auxiliaire naturel de l'agriculteur, qui n'a maintenant plus le droit de traiter. C'est un régulateur naturel de ces rongeurs qui peuvent décimer une récolte."

"Beaucoup d'agriculteurs ne sont pas encore au courant de ce que sont ces oiseaux et de ce qu'ils font. Mais quand ils le sont, ils sont contents d'en avoir. Ils n'ont aucun problème d'avoir ces oiseaux vu qu'ils mangent les campagnols." (voir la photographie Facebook ci-dessous pour un exemple)



D'autant que c'est tout bénéf' : Alain Balthazard et ses comparses s'occupent bénévolement de signaler et protéger le nid sur deux mètres carrés de céréales (soit "une perte de deux euros" pour empêcher bien plus de pertes dues aux rongeurs). Avec plus de communication, moins de temps serait perdu à localiser les nids dans le département, et plus de busards cendrés échapperaient aux moissonneuses-batteuses.

Dévouement d'un passionné

"Il faut consacrer une vingtaine d'heures par nid. Et on s'occupe de quinze nids. Je vous laisse faire le calcul... Ça fait entre 200 et 400 heures par an, réparties sur trois mois : mai, juin, et juillet. C'est un boulot de dingue, hyper hyper prenant, très chronophage, compliqué." Mais il fait ce qui doit être fait, envers et contre tout.

"Je suis photographe maintenant, donc j'ai beaucoup de temps libre." La photographie animalière rencontre d'ailleurs un grand succès. "Quand j'étais opticien, je faisais 70 heures par semaine, mais j'arrivais quand même à protéger les busards en me levant à 05h00 et en y retournant à 20h00." Un véritable sacerdoce. "Forcément, pour ceux qui travaillent et ont des enfants, c'est plus compliqué." Une partie des personnes acquises à cette cause sont retraitées, "mais elles vieillissent" et il faudra un jour qu'elles passent le flambeau. L'"appui absolument inexistant de l'État" n'aide pas.

Mais d'où vient au juste cet amour des oiseaux ? "Quand vous voyez cet oiseau-là, à partir du moment où vous êtes proche de la nature, et que vous le voyez évoluer : c'est grâcieux, habile, très beau à voir en vol. En 2021, quand j'ai rencontré madame Griffon et monsieur Caruel [les journalistes qui ont réalisé un beau reportage télévisé sur le sujet; ndlr], ce dernier était fou, il disait que c'était génial et qu'il était super content de pouvoir filmer ça. Ce sont vraiment des oiseaux magnifiques." (voir la vidéo ci-dessous) 

Vol inexplicable

"C'est particulier, cet enlèvement d'oiseaux. Ils ont disparu de leurs cages protégées. On a constaté que ça ne pouvait être que des humains qui ont fait ça, et pas des animaux. Les oiseaux étaient protégés, le champ était fauché, les petits grandissaient, bien nourris par les parents... Et ils ont tous disparu d'un coup. On aimerait bien savoir pourquoi : sur ça, je ne peux pas vous répondre. On va essayer d'investiguer, mais on ne trouvera probablement rien."

C'est une première depuis 2007, année où il a commencé à utiliser des cages de protection. Si l'on excepte l'année 2020, sur un autre secteur, où il a retrouvé ses cages saccagées et les oiseaux massacrés.  Même s'il est "de temps en temps" confronté à ces "gens qui viennent tuer les oiseaux - dont je ne vais pas citer la corporation - et qui se disent amoureux de la nature mais qui ne l'aiment pas et tuent ce qu'ils dérangent. Qui sont ignares et ne connaissent pas les oiseaux."

Le cas s'est présenté dans plusieurs régions françaises, notamment en Charente-Maritime. Alain Balthazard s'implique pour que ça n'arrive pas dans le département de la Marne (voir sur la carte ci-dessous).

Des pertes dites "naturelles" (intempéries, oeuf cassé parent attaqué par un prédateur, etc.) surviennent tous les ans : "ça fait partie du jeu". Mais pas ces disparitions sans traces qui ne laissent aucune piste pour expliquer le vol.

Résultat, adieu les parents "qui n'avaient rien demandé à personne. Avec cette femelle très dévouée, et ce mâle qui devait nous apporter des données scientifiques sur la nidification car il est balisé." Esseulés, perturbés, ils "sont en échec" et ont donc pris leur envol après la disparition de leurs petits, pour ne jamais revenir.

"Il n'y a plus de respect pour rien [...] C'est complètement délirant." Des rondes de surveillance 24 heures sur 24 (très compliquées à mettre en place) pourraient être envisagées comme dans d'autres régions. En attendant, il y a peu d'espoir de retrouver les bébés oiseaux dérobés. Mais leur ami Alain continuera à se battre. 


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