Inondations, le cri d'alarme de deux agricultrices : "ça peut être l'année de trop pour certains, c'est sûr"

Cela fait des mois que leurs prairies, champs et terres maraichères sont impraticables. En cause les pluies très abondantes tout au long de l'année 2024. Deux agricultrices de l'Argonne marnaise tirent la sonnette d'alarme. Les pertes d'argent sont importantes et certaines exploitations ne s'en relèveront pas

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Des roseaux poussent à la place des cultures habituelles et des cygnes y ont élu domicile.

Les deux pieds dans le champ de pommes de terre, nos bottes sont submergées par l'eau. C’est du jamais vu sur leurs exploitations. Frédérique Jacquemin et Elodie Huguenin nous accueillent, non loin du village de Chemin, dans la Marne. Nous sommes entourées, de part et d'autre, par l'eau. Les fossés sont pleins et les champs en regorgent. 

Cela fait des mois que les deux agricultrices se démènent pour tenter de garder leurs exploitations à flot. Élodie est éleveuse et maraîchère. Avec son compagnon, ils ont planté pommes de terre, poireaux en plein champ et tout à la main, car aucun engin agricole ne rentre sur les terres. "Nous avons pu récolter une partie de nos pommes de terre, mais malgré nos efforts et beaucoup d'énergie, on ne peut pas entrer dans la parcelle pour terminer de récolter, raconte Elodie Huguenin. On a dû planter et replanter du fait des inondations et des intempéries que nous avons eu tout au long de l'année. On a planté les pommes de terre de mai jusqu’à fin juin, début juillet. Nous ne savons pas quand nous pourrons récolter cette fin de production, en tout cas pour cette parcelle".

Un grand nombre d'éleveurs n'a pas pu réaliser leur fourage cette année.

Elodie Huguenin éleveuse-maraichère à Chemin dans la Marne

Un hectare, ici de pommes de terre. Un peu plus loin, 30 000 poireaux ont été plantés à l'ancienne, sans assistance mécanique et ne peuvent pas être ramassés non plus. Du côté des serres, il a fallu faire preuve d'ingéniosité car, là aussi, le sol est gorgé d'eau. Les plantations de tomates se sont faites en pots et les fraises cultivées en suspension. 

"Pour le moment les pommes de terre sont encore belles et ne sont pas pourries, explique encore Elodie, mais nous ne savons pas la conservation qu'elles auront, si on arrive à récolter le restant de la parcelle". 

Pas de fenaison

"Mais la problématique la plus forte est autour de l'élevage, reprend Elodie. Nous sommes dans une région fortement tournée vers ce système de production où un grand nombre d'éleveurs n'a pas pu réaliser leur fourrage cette année. Nous allons manquer de foin. Nous avons aussi des bêtes qui n'ont pas pu profiter même au pré, car la qualité de l'herbe est dégradée. Les sols sont asphyxiés."

Sans compter la détérioration des prairies. L'eau lessive les sols et quand les prés sont accessibles, les bêtes les abîment, s'enfonçant et labourant véritablement la terre. Il faudra remettre en état, même semer de l'herbe à nouveau, par endroits. Les coûts de remise en état additionnés à l'achat de fourrage et de granulés pour nourrir les animaux seront importants. 

On ne pourra pas être indemnisés et ils ne prennent pas conscience que pour vivre, pour notre élevage, les animaux, faut bien qu'ils mangent. Je ne sais pas comment on va faire.

Frédérique Jacquemin, agricultrice en polyculture

Frédérique Jacquemin a repris, en 1997, la ferme familiale en polyculture élevage. Jamais, elle n’a connu pareille saison. Elle nous emmène dans une de ses prairies dans laquelle aucun engin n'a pu pénétrer depuis des mois. "Voyant que nous ne pourrions pas récolter les foins sur cette parcelle, j'ai dû prendre une décision pour que l'herbe ne soit pas totalement perdue, explique Frédérique Jacquemin. J'ai laissé pâturer mes bovins et maintenant tout est retourné, il y a des trous partout. Je ne sais pas du tout quoi faire. Est-ce que l'an prochain, il y aura encore de l'herbe ? Comment la remettre en état ? Il faudra peut-être herser et ressemer, si on peut y accéder". 

En colère

Frédérique, Elodie et bon nombre d'autres agriculteurs du secteur sont dans un grand désarroi. "Pas de foin de récolter cette année sur mon exploitation, précise encore Frédérique, et chez d'autres éleveurs aussi. Sur cette parcelle de six hectares, je fais habituellement 90 balles de 350 kilos chacune. Je n'ai donc pu rentrer ce foin et c'est une perte sèche de 4000 euros". 

On n'a pas de nourriture, on va devoir racheter et pour certains, ce sera impossible. Ca peut être l'année de trop pour certains, c'est sûr.

Frédérique Jacquemin, agricultrice en polyculture

En Argonne, les terres argileuses ne sont déjà pas simples à cultiver. Et cette année, particulièrement pluvieuse, est catastrophique pour l’ensemble de la profession agricole. "Les aléas climatiques, on les subit, mais que personne ne fasse rien, ne nous vienne en aide, reprend Frédérique. Nous avons déjà fait constater et on ne pourra pas être indemnisés et ils ne prennent pas conscience que pour vivre, pour notre élevage, les animaux, faut bien qu'ils mangent. Je ne sais pas comment on va faire. On n'a pas de nourriture, on va devoir racheter et pour certains, ce sera impossible. Ça peut être l'année de trop pour certains, c'est sûr". 

Si Frédérique dit qu'elle s'en sortira, elle envisage de vendre des animaux si cela lui coûte trop cher en frais d'alimentation. Il faudra des semaines, si la pluie cesse, pour que les sols absorbent l’eau tombée depuis des mois.

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