"On tend le dos par peur" : les vignerons de Champagne face à la menace de la flavescence dorée

Cette année, comme les précédentes, les vignerons de Champagne redoutent la contamination de leurs ceps par la flavescence dorée. Il s'agit d'une maladie qui peut causer des pertes de récolte importantes et avoir des conséquences sur la pérennité du vignoble.

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“On tend le dos par peur de trouver un pied contaminé. C’est pesant”, déplore Barbara Primault, vigneronne et gérante de l’exploitation Champagne Berger à Trélou-sur-Marne. Son pire ennemi (commun à tous les vignerons) : la flavescence dorée, une maladie de la vigne causée par un phytoplasme, une petite bactérie sans paroi transmise par un insecte qui se nourrit des feuilles ou par du matériel infecté. 

“On est stressés car ça peut aller très vite. Si rien n’est fait, on peut arracher un vignoble entier”, assure Arnaud Vrayet, viticulteur à Passy-sur-Marne. Jusqu’alors épargné, il redoute une mauvaise nouvelle puisque des pieds symptomatiques ont été observés. “On est dans l’attente des résultats d’analyse. Il peut y avoir 10 plants infectés comme aucun”, analyse-t-il. 

Un doute permanent

En effet, il est possible qu’il ne s’agisse pas de la flavescence, mais d’une autre maladie classée parmi les jaunisses, le bois noir, dont les symptômes sont identiques : grappes désséchées, feuilles enroulées, nervures jaunissantes ou rougeâtres…

Dans le cas où les analyses seraient positives, l’exploitant aurait alors l’obligation de marquer la zone contaminée en créant une délimitation, géolocalisée. Puis d’arracher l’ensemble des pieds avant le 31 mars de l’année suivante, délai qui s’explique par l’interruption du risque en hiver, en l’absence de feuilles. C’est ce qu’a vécu Barbara Primault, gérante depuis dix ans de l’exploitation familiale, qui raconte avoir négocié avec les services compétents pour arracher davantage que nécessaire par prévention : 

10 ares, soit 1 000 mètres carrés en 2021 et 18 ares, soit 1 800 mètres carrés en 2023, sur une parcelle totale d’environ 10 hectares. “Ça rompt l’équilibre”, commente la vigneronne : 

C’est compliqué car on ne peut pas replanter en milieu de foyer mais si on ne le fait pas, on risque de perdre les droits de plantation à utiliser dans les trois ans. Ce sont aussi des coûts conséquents de surveillance, d’arrachage et de replantage. Surtout, la complexité de notre cuverie peut en pâtir.

Barbara Primault, gérante de l’exploitation Champagne Berger

Urgence à se mobiliser... collectivement

D’après les dernières données du Syndicat des Vignerons et du Comité Champagne, 14 communes avaient été concernées par des pieds infectés en 2023, dont 6 pour la première fois, preuve de l’expansion de la maladie. Pour l’année 2024, il est encore trop tôt pour le savoir puisque les plans sont analysés et observés à partir du printemps, période de développement de la maladie. 

En Champagne, où la flavescence est apparue pour la première fois de manière isolée en 2005, une inquiétude toute particulière est de mise depuis 2021 puisqu’un variant a été détecté. Il s’agit du M54, plus épidémique, qui peut se multiplier de 2 à 10 fois en un an si rien n’est fait. 

Pour contrer l’épidémie, la filière cherche à endiguer la propagation, principalement grâce à la prospection, qui consiste à passer dans les rangs de vigne en observant attentivement le moindre signe de symptômes. Le but ? Vérifier l’ensemble du vignoble de Champagne en cinq ans, soit environ 10 000 hectares par an. 

Préoccupation d'avenir du vignoble

La maladie a connu ces dernières années une recrudescence en Champagne, touchée bien après les régions du Sud de la France, elles-mêmes contaminées après une importation de la maladie depuis l’Amérique du Nord. 

Afin d’atteindre l’objectif fixé, deux méthodes de prospection ont donc vu le jour : une prospection collective obligatoire, organisée chaque année par le SGV et le Comité en août et septembre 2024, ainsi qu’une prospection volontaire gérée par chaque commune du vignoble via des “référents jaunisses”. Des insecticides peuvent également être utilisés. 

“On est vigilants mais on ne peut pas faire de miracle”, regrette Barbara Primault. Difficile, donc, de se départir de la crainte d’un nouveau foyer, ainsi que du regard des autres lorsque l’on est concerné. “On tient à ne pas être montré du doigt, souligne l’exploitante. Nous sommes tous concernés donc si on est tous intelligents, on avancera ensemble”. 

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