Suite à l'annonce du couvre-feu dans la Marne, à partir de samedi 24 octobre 21h, pour freiner le Covid-19, le président de l'union des métiers de l'industrie de l'hôtellerie restauration (UMIH) estime que cette deuxième vague va laisser des traces dans la profession.
Le téléphone portable de Joël Oudin est en surchauffe depuis le 16 mars. Et il chauffe encore rouge en cette fin octobre 2020 à la mairie de Reims où nous le rencontrons, à l'occasion de la conférence de presse du maire de Reims pour annoncer le couvre-feu et l'annulation du marché de Noël de Reims. Le président de l'UMIH (union des métiers de l'hôtelerie-restauration) de la Marne tente de faire face aux conséquences de la pandémie pour sa profession du mieux qu'il peut. Mais cette annonce du couvre-feu l'a laissé en état de sidération.
"J'ai appris la nouvelle ce jeudi 22 octobre à 8h15, par un sms du maire de Reims. Là, je me suis dit en voyant le message pour que je le rappelle : ça sent pas bon. Je n'y croyais pas trop, à ce couvre-feu. Suite à ça, on a pris un café ensemble, avec le président des vitrines de Reims, puis on a eu un échange avec la police, et la préfecture pour une réunion fixée à vendredi 23 octobre à 10h à Châlons-en-Champagne". Un échange pour fixer les détails du couvre feu.
Livraisons le vendredi, pour un samedi soir sans service ou presque
Joël Oudin vit presque 24 heures sur 24 au chevet de la profession des restaurateurs, gérants de bars et d'hôtels dans la Marne, depuis des années. Ce virus leur est tombé dessus, comme le ciel qui s'abattrait sur leurs têtes. "On avait espéré que le couvre-feu n'aurait pas lieu chez nous à Reims et dans la Marne, puis, on le sentait venir, je ne suis pas médecin...""Mais est-ce qu’on n'aurait pas pu fermer une journée plus tard ? Se désole-t-il. Les professionnels vont être livrés le vendredi matin, pour tout le week end. Or, le samedi, c’est un gros service, et il n'aura pas lieu. C’est moins grave que la première fois pour le confinement total, car on va ouvrir le midi, à l'époque ça avait tout foutu en l’air, mais quand même, là je suis dépité pour les collègues, j’en ai eu plein depuis ce matin, au moins 200 appels". Les deux secrétaires de l'UMIH peinent à recevoir tous les appels.
"Certains n'avaient pas refait leur trésorerie"
Un coup de bambou, car ouvrir seulement le midi, pour ceux qui font 70% de chiffre d'affaire le soir, ne sera pas une solution durable. "Ils ont presque intérêt à fermer le midi", conseille Joël Oudin. Certains établissements n'avaient pas refait leur trésorerie. "On espère que pour les commerces en décembre le mois ne sera pas raté. On parle des dépôts de bilan, ça va être dramatique au printemps pour rembourser les PGE (prêts garantis par l'Etat). Même le directeur de la BPI (banque publique d'investissement) annonce plus de 20% de casse". Cet homme d'expérience tente de répondre aux inquiétudes, de faire l'interface, d'écouter une profession à cran. "C’est dramatique, y a des gens qui ne dorment pas bien, je peux vous l’assurer, confie-t-il derrière son masque dans l'Hôtel de Ville de Reims. Les restaurateurs sont inquiets, et d'autres cherchent des solutions pour ouvrir des manière légale les bars le soir, mais y en a pas…Faut être dans le bon code pour avoir le droit d’ouvrir. La police est au courant. Ils vont passer pour faire respecter l’ordre, ils vont faire leur travail". Le maire de Reims l'a confirmé, il n'y aura pas de cadeau. La loi sera respectée.
En mars déjà, au début du confinement, Joël Oudin alertait sur la situation. "Sur la situation des professionnels du secteur de la restauration actuellement, je n'ai jamais vu ça. En plus, racontait-t-il, écoeuré, des banques se servent de l'argent versé aux professionnels par l'Etat pour combler les découverts. On fait croire qu'on donne des primes, des aides, et en fait les banques les bloquent. On nous dit : faut changer de banque, mais on ne change pas de banque en deux secondes, ni même en deux jours."
La situation est difficile à tenir pour cette profession souvent en tension en matière de trésorerie. C'est peu dire... Joël Oudin sait que les bars ont moins de frais de personnels que les restaurants, mais il y a les charges qui continuent. Des nouveaux prêts vont être proposés. "Moi je dis aux collègues, calmez vous, ces prêts, faudra les rembourser. Va y avoir des pleurs et des grincements de dents. Les restaurants ont maintenu la tête hors de l’eau pour vivre. Ils ont essayé de payer les loyers, mais après, un nouveau PGE, je leur déconseille. C’est dur. Même en remboursant sur quatre ou cinq ans. Surtout pour ceux qui avaient déjà de gros emprunts".
Faut calculer, si ça leur coûte plus cher d’ouvrir que de fermer, vaut mieux fermer. Ils gagneront pas plus, ils perdront moins.
Le chiffre d’affaire des bars et restaurants est plus important le soir. "Avec 30% de recette à midi, vous n’assurez pas les charges, les locations de terminaux, les redevances. Tout ça cumulés, ce sont des sommes colossales", poursuit le président de l'UMIH de la Marne. Six semaines de fermeture, cela va sembler long poiur ces professionnels. Ils espèrent maintenant rouvrir en décembre pour les fêtes. "Que les gens puissent aller dans les magasins, acheter des cadeaux, consommer. Ne pas perdre trop de salaires, ce serait bien. Le marché de Noël sera annulé, c’est un gros marché en terme de fréquentation. Un coup dur. Décembre, c’est un gros mois, plus que juillet et août, tout va de mal en pis".
Le regard perdu, Joël Oudin répète en boucle la phrase qui le hante, "six semaines, c'est long, mais c’est pas moi qui commande". Pour lui le virus a déjà touché le métier. Durement. Le printemps s'annonce désenchanté. C'est à cette période, estiment les professionnels, que la casse sera visible.