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Les petits commerces spécialisés vont-ils s'en sortir ? Jugés non essentiels par le gouvernement, ils ont dû fermer suite aux mesures de confinement. Christian Arbal témoigne. Ancien salarié, il a repris un magasin de luminaires à Reims, il y a trois ans et craint pour l'avenir.
Les mesures de confinement prévoient la fermeture des commerces non essentiels. Après la fronde menée par des maires et des organisations professionnelles et des parlementaires pour continuer à garder ouverts leurs commerces de proximité, le Premier Ministre Jean Castex a annoncé la fermeture de certains rayons de produits "non essentiels" dans les grandes surfaces. Une demi-mesure pour certains commerçants.
"C'est injuste"
Christian Arbal est depuis trois ans patron d'un magasin de luminaires à destination des particuliers et des professionnels à Reims. L'annonce de la fermeture des commerces "non essentiels", il l'a vécue comme une injustice. Cela va fragiliser encore son entreprise. " Durant le premier confinement, durant huit semaines, on a pris toutes les mesures barrières que le gouvernement nous a imposées et malgré cela on est contraint de fermer. C'est injuste".La proposition du Premier ministre d'interdire certains produits à la vente dans les grandes surfaces ne le satisfait pas. "Le pire, pour nous, ce n'est pas la vente en grande surface, car nous ne vendons pas les mêmes produits, mais c'est la vente en ligne". Les grandes plate-formes de vente en ligne et de distribution type Amazon ne se sont jamais si bien portées.
Le projet d'une vie
Ce magasin de luminaires, situé dans un quartier animé de Reims, a ouvert il y a 34 ans. Depuis trois ans, Christian était salarié. Il décide de sauter le pas, de devenir chef d'entreprise. 300.000 euros d'investis pour un changement radical de vie. Il devient patron, et sa vision du travail change. "Avec mon associée, nous avons mis toute notre vie dans cette entreprise. Nos salaires, notre retraite, nos rêves".
Au départ, tout s'est très bien passé, avec deux types de clientèle, les particuliers, pour les luminaires et les ampoules et les professionnels, pour l'électricité et les architectes d'intérieur. Jusqu'au confinement de mars dernier. Pendant huit semaines, plus rien n'a fonctionné. Christian Arbal se souvient :"l'activité s'est complètement arrêtée. Les particuliers, mais aussi les professionnels puisque plus rien ne fonctionnait. Et on n'a bénéficié que de très peu d'aides. 1.500 euros par mois pour l'entreprise, rien pour nous. Les critères étaient nombreux et il nous manquait toujours quelque chose."
Résultat du premier confinement : plus de 70 % de pertes par mois.
Des investissements gelés
Ce que regrette Christian Arbal, c'est le manque de perspectives. Avec son associée, il avait prévu de changer de local pour la partie professionnelle et de s'installer dans une zone d'activité." Je n'ai plus aucune perspective. Même le maintien des emplois risque d'être compliqué". Pour autant il ne baisse pas les bras car la partie professionnelle, qui représente 70 % du chiffre d'affaires, est autorisée. Cela devrait permettre de sauver l'entreprise. Reste à poursuivre la vente aux particuliers par d'autres moyens.Ce chef d'entreprise a développé son propre site de vente directe en ligne pour les particuliers et de livraison dans un secteur géographique proche. Une façon de contrer la concurrence des géants du web américains."Ça démarre, quelques personnes se connectent, mais cela ne remplace pas le contact direct avec les clients, les conseils, ce qui ne peut être apporté que dans un contact direct." Heureusement, certains fabricants ont décidé de l'aider, en proposant des garanties de cinq ans, au lieu de deux ans, afin de soutenir le commerce local.
Se réinventer
Pour Ricardo Agnesina, président de la CPME, confédération des petites et moyennes entreprises, de la Marne, c'est la seule solution."Après le premier confinement,nous avons fait passer le message à nos adhérents et notamment aux commerçants, qu'il fallait changer la façon de travailler, intégrer le numérique, les visio-conférences, la vente en ligne, en tenant compte des spécificités de chaque entreprise. Bref, se réinventer. Nous proposons des formations aux membres de notre organisme professionnel". Ces formations sont maintenues, et s'organisent en visio-conférences.Restauration, hôtellerie, traiteurs, entreprises liés à l'évènementiel ou à la culture, magasins de vêtements, librairies, coiffeurs, beaucoup de chefs d'entreprise s'inquiètent pour l'avenir. Le président de la CPME de la Marne exhorte ses adhérents à ne pas hésiter à demander des reports de paiement à l'URSSAF, aux banques, aux loueurs privés pour des reports de loyers."Il faut anticiper les difficultés, demander conseil à son comptable."
Pour le moment, la fermeture des commerces jugés non essentiels est maintenue. Mais des maires et des parlementaires ne désarment pas. Ils maintiennent la pression sur le gouvernement afin d'obtenir la levée de cette mesure au plus vite.