Protections hygiéniques et anatomie féminine, des sujets tabous ? Si c'est le cas, l'équipe de la médecine préventive du campus Croix-Rouge de l'Université de Reims (URCA) a cassé les codes. Des étudiants et étudiantes ont bénéficié de la distribution gratuite de culottes menstruelles et ont participé à une conférence sur le clitoris le 8 mars 2023. Ils nous en parlent.
Il aura suffi d'un mail. Peu avant la fin des cours, le 7 mars 2023, les étudiants de l'université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) ont reçu une notification sur leur boîte e-mail universitaire. En l'ouvrant, ils y ont lu : "distribution de culottes menstruelles sur les campus de l'URCA". C'est comme ça que la grande majorité des étudiantes ont été informées et se sont rendues à "l'amphi 8" du campus Croix-Rouge le 8 mars 2023.
Munies d'une carte étudiante, elles passent une par une devant le stock de 5 000 culottes pour choisir la taille qui leur convient. "Je n'avais jamais essayé les culottes menstruelles parce que c'était trop cher. Ça peut coûter 30 ou 40€. Alors c'est toujours intéressant, en tant qu'étudiante, de pouvoir bénéficier d'offres gratuites. Je n'en aurais jamais acheté sinon", témoigne Lenna Deboves (20 ans), étudiante en langue étrangère appliquée. "D'ailleurs, je trouve que ça devrait être gratuit", ajoute-elle après avoir choisi sa taille.
Gratuit, ou du moins remboursée par la Sécurité Sociale. C'est ce qu'a annoncé Elisabeth Borne pour toutes les femmes de moins de 25 ans, à partir de 2024. "Cette opération ne sera certainement pas renouvelée sous cette forme, puisqu'elle ne sera bientôt plus utile. Mais on mettra en place d'autres choses pour lutter contre la précarité menstruelle", précise d'ailleurs Marie-Odette Victor, responsable communication à l'université de Reims (URCA).
L'URCA organise ce type d'opération depuis 2020. Elle distribuait gratuitement des protections hygiéniques jetables avant de passer, cette année, aux culottes menstruelles. "Je suis venue parce que je me suis dit que c'était l'occasion d'essayer, et d'en parler aussi. C'est de l'utilité basique. En tant que femme, on a toutes besoin de protections hygiéniques", témoigne Lolita Coopmann (28 ans) en étude de langues. "J'ai déjà essayé des alternatives, mais je n'ai jamais été très convaincue. Les serviettes par exemple, engendrent beaucoup de déchets. Les culottes menstruelles, je ne connais pas encore. Je me suis dit que c'était l'occasion de tester. Ça peut être cool!"
Parler des sujets féminins tabous
"C'est ce genre d'initiative qui peut faire avancer les choses, complète Lolita Coopmann. Je trouve que parfois, en tant que femme, on est négligé. Mais les douleurs de règles ou l'endométriose par exemple sont des problèmes. Si l'endométriose avait été une maladie d'hommes, je me demande si elle serait considérée avec plus d'égards?"
"Se recentrer sur nous", "rompre les tabous", "parler des sujets touchy (délicat, NDLR)". C'est ce que demandent les étudiantes présentes sur le campus ce jour-là. Il en est d'ailleurs question quelques mètres plus loin, à l'amphithéâtre 9. Christelle Rémion, sage-femme exerçant au SUMPPS, donne une conférence "à la découverte du clitoris".
"Le but est de rassurer les étudiantes sur cette notion de plaisir et de rendre le sujet un peu rigolo."
Christelle Rémion
"J'en parle aujourd'hui parce que c'est la journée internationale des droits de la femme et j'ai trouvé que c'était un bel hommage!", commence la sage-femme. Si l'atmosphère est d'abord tendue, le ton devient plus léger quand elle lance : "Est-ce qu'on entendrait davantage parler du clitoris s'il nous pendait entre les jambes et que l'on pouvait faire l'hélicoptère avec?" L'assemblée d'une centaine d'élèves -dont quelques jeunes hommes- rigole instantanément. "Il y a une forte méconnaissance sur le sujet, explique Christelle Rémion après la conférence. Le but est de rassurer les étudiantes sur cette notion de plaisir et de rendre le sujet un peu rigolo."
Une étudiante en droit témoigne : "C'est encore un sujet tabou mais c'est plus facile d'en parler sur le ton de l'humour. J'ai trouvé ça bien amené." Aline Pachot (22 ans), Sarah Pastant (23 ans) et Thibaut Bosselier (23 ans) ont assisté à la conférence eux aussi. En master métiers de l'enseignement, ils se destinent à être professeurs de SVT. "Bien en parler devant des élèves, c'est quelque chose qui me fait peur. C'est pour ça que j'ai voulu venir", explique Thibaut. "Je trouve ça bien de s'y intéresser en tant qu'homme aussi" ajoute-il.
Après une rapide explication sur les différentes parties de l'organe féminin "exclusivement consacré au plaisir", Christelle Rémion rappelle aussi qu'en tant que référente écoute et signalement des violences sexistes et sexuelles au sein de l'établissement, tous les étudiants peuvent s'adresser à elle, via le SUMPPS, s'ils le souhaitent.
Contact : aide-vss@univ-reims.fr
(Avec Prunelle Menu).