Diana, sa sœur Inessa et leur amie Lkhamaa ont fui la guerre en Ukraine dimanche, à bord de la voiture de Didier Blanchard, un Marnais qu'elles ne connaissaient pas. Depuis Mancy, près d'Epernay, elles reviennent sur les épreuves qu'elles ont subies.
Lorsqu'elles évoquent le pays qui les a vues grandir, leurs yeux s'éteignent et leur voix se brise. Diana, Inessa et Lkhamaa sont Ukrainiennes. Depuis Mancy, près d'Epernay dans la Marne, elles voient défiler sur un écran de télévision les images glaçantes de leur terre natale, déchirée par la guerre. Un mélange d'angoisse, de tristesse et de profonde reconnaissance vis-à-vis de la France.
Nous nous sentons en sécurité ici. Il n'y a pas d'avion, pas de bombe. C'est un grand soulagement d'être en France. Il n'y a pas de menace pour nos vies ici.
Diana, réfugiée ukrainienne
Depuis dimanche, elles logent chez Didier Blanchard, un particulier marnais installé à Mancy, avec Marc, le petit garçon d'Inessa. Il n'a que trois ans.
"Il ne comprend pas ce qu'il se passe, raconte Didier, nous lui avons donné des jouets et il s'occupe."
Marc fait résonner les roues en plastique de ses petites voitures sur le carrelage de la maison. Un moment d'innocence presque incongru, après un parcours du combattant pour arriver jusqu'ici.
Un geste de solidarité fou
C'est grâce à un geste insensé de Didier que le petit Marc, sa mère, sa tante et leur amie, sont désormais en sécurité. Sans prévenir personne, pas même sa fille, le Marnais a pris la route vendredi, direction Krakovets, à la frontière entre l'Ukraine et la Pologne. Plus de 3000 kilomètres au volant de sa voiture.
Au bout de la première heure de route, je me suis demandé ce que j'étais en train de faire. Je ne suis jamais parti à l'étranger, c'était la première fois. Mais je ne regrette rien.
Didier Blanchard
Ses nouvelles colocataires étaient jusqu'ici de parfaites inconnues, rencontrées au hasard des réseaux sociaux.
"J'ai fait la route depuis Odessa jusqu'à Lviv, où j'ai rejoint Diana et Inessa, qui venaient de Kiev, raconte Lkhamaa, la cinquantaine. Puis nous avons traversé la frontière avec la Pologne à pied. Cela nous a pris plus de dix heures. Il y avait beaucoup de gens, nous avons dû nous frayer un chemin. Puis nous avons retrouvé la voiture de Didier, nous avons toqué à la fenêtre et nous sommes parties."
Les trois Ukrainiennes et le petit garçon, épuisés et sous le choc, ont donc pris la route aux côtés de Didier. Quinze heures de trajet sans pause et dans un long silence, avant de poser leurs petites valises à peine remplies dans une chambre aménagée à la hâte chez leur bienfaiteur.
"Nous sommes vraiment reconnaissantes, sourit Lkhamaa, Didier en fait beaucoup pour nous. Même si nous ne parlons pas la même langue, nous essayons de nous comprendre. Tout le monde ne ferait pas ce qu'il a fait."
Entre Didier et ses trois nouvelles colocataires, la communication se fait par téléphones interposés. Quelques mots échangés à travers un traducteur en ligne. Trop peu pour saisir toute la détresse de ces Ukrainiennes. "Je ne comprends pas toujours tout, avoue Didier, et j'ai du mal à savoir exactement d'où elles viennent et quel est leur parcours. Mais nous faisons au mieux pour nous comprendre."
Un avenir encore incertain
Père, mari, ami : tous les hommes de la vie des trois réfugiées sont restés en Ukraine, pour se battre et défendre leur pays contre les Russes. Une source inépuisable d'angoisses et de nuits blanches.
C'est extrêmement dur à vivre. Nos amis, toujours sur place, ne cessent de pleurer. Tout le monde est terrifié. C'est impossible de ne pas avoir peur.
Lkhamaa, réfugiée ukrainienne
Seules avec leurs bouleversants souvenirs, les trois réfugiées peinent à entrevoir clairement leur avenir. Didier les aidera à prendre contact avec les autorités, pour leur trouver un logement plus durable. Toutefois, rester en France à vie n'est pas envisageable pour Diana : "J'aimerais rentrer un jour en Ukraine, c'est mon pays et ma maison" certifie-t-elle avec force.