Plusieurs syndicats d’internes et d’étudiants en médecine appellent à une mobilisation vendredi 14 octobre 2022. Ils entendent protester contre le projet du gouvernement d’allonger d’un an les études des futurs médecins généralistes afin de lutter contre les déserts médicaux. A Nancy, un rassemblement aura lieu devant le CHRU à 16h30, « tous les étudiants en médecine sont concernés ».
Ne leur parlez pas de déserts médicaux. Les professionnels de santé préfèrent parler de "zones sous-denses". L’Agence Régionale de Santé (ARS) du Grand Est en a dressé une carte précise. Surprise : ils ne se trouvent pas qu’à la campagne. Le secteur de Vandoeuvre par exemple, deuxième ville de Meurthe-et-Moselle en nombre d’habitants, figure sur cette carte. Le départ en retraite en 2021 de trois médecins généralistes a laissé plusieurs milliers de patients sur le carreau.
On voudrait forcer les jeunes médecins généralistes à s’installer là où l’Etat se désengage depuis des années, c’est hallucinant!
Un médecin installé près de Lunéville depuis six mois
Pour tenter de repeupler en professionnels de santé ces zones sous-denses, l’ARS a mis en place plusieurs dispositifs afin d’inciter les médecins à venir s’y installer. "Mais ils sont lourds, et ne répondent pas à toute la problématique" estime Rayan Deriche, étudiant en 3è année à la faculté de Nancy, et vice-président chargé de la représentation étudiante à l’association nationale des étudiants en médecine de France.
L’autre volet est gouvernemental, et c’est en réaction à ce projet que les étudiants et internes en médecine entendent se mobiliser vendredi 14 octobre. Dans son projet de loi de budget 2023 présenté lundi 24 septembre dernier, le gouvernement Borne envisage d’ajouter une quatrième année d’internat aux futurs médecins généralistes, contre trois actuellement.
Ceux-ci seraient incités à aller s’établir dans les déserts médicaux, ce qui contrarie la liberté d’installation revendiquée depuis toujours par les médecins. "Nous ne sommes pas opposés sur le principe à cette quatrième année, mais en l’état le projet est mal ficelé, et ne permettra pas de bien nous préparer à exercer dans ces secteurs" poursuit Rayan Deriche, "nous manquons déjà de moyens, avec la diminution des budgets pour les maîtres de stage, nous ne voyons donc pas comment le gouvernement va pouvoir garantir que cette quatrième année permettra d’assurer une formation de qualité".
L’étudiant détaille les propositions de son association, mises sur la table du ministre François Braun : un renforcement du contrat d’engagement de service public, qui verse une allocation en échange de la promesse de travailler pendant deux ans dans une zone sous-dense, une meilleure formation à la pratique en libéral afin de faciliter les installations, ainsi que la mise en place d’un guichet unique dans le même but.
Médecins des villes versus médecins des champs ?
Installé près de Lunéville depuis six mois, ce médecin de 45 ans partage l’inquiétude des étudiants : "on voudrait les forcer à s’installer là où l’Etat se désengage depuis des années, c’est hallucinant!". Il travaille quatre jours et demi par semaine, de huit heures du matin à vingt heures : "j’ai choisi de m’installer à la campagne, je veux pratiquer la médecine de famille, je n’aime pas la patientèle de la ville".
Il ne se plaint pas, son cabinet se trouve dans une maison médicale, qui regroupe en tout quatorze professionnels de santé : "on était cinq au début, d’autres nous on rejoint". Ses confrères et consoeurs ont conscience des efforts à fournir pour attirer des jeunes à la campagne : "nous avons un studio qu’on met à disposition des remplaçants. Nous avons une cuisine, une terrasse, et même une borne pour recharger les véhicules électriques ! Pas le choix, dans deux ans, deux généralistes vont nous quitter, nous sommes obligés d’être attractifs dès aujourd’hui pour les remplacer demain. On travaille sur la formation, on confie des remplacements, on est très motivé".
Issu du monde rural, ce médecin comprend la réticence à venir s’y installer : "mais ça passe par la formation. Il faut attirer vers les études de médecine les jeunes de la campagne. Avec le système actuel des prépas médicales, si on n’est pas en ville, c’est très compliqué de passer la première année. Si les jeunes de Bar-le-Duc ou de Stenay viennent se former à Nancy, il faut les inciter à y retourner pour exercer une fois leurs études terminées. Mais sans coercition…"
L'association des maires ruraux de France, qui vient de rendre un rapport sur le manque de médecins de campagne, rappelle que la campagne regroupe 30% de la population française, mais seulement 25% des médecins généralistes. Elle formule quatre propositions qui vont dans le même sens que celles des étudiants en médecine : mieux former les étudiants, rapprocher les médecins des patients, mieux répartir les professionnels de santé sur le territoire national et assurer une prise en charge de proximité.