Le marché des boissons sans alcool est en pleine expansion, avec une croissance moyenne de 10% par an. Une croissance poussée par un changement de société et une révolution technologique qui permet de proposer des produits très semblables aux originaux. Une aubaine pour les industriels, mais aussi pour les personnes souffrant d’alcoolisme.
C’est un rendez-vous incontournable des amoureux du brassin : le salon des brasseurs à Nancy ces 17 et 18 octobre 2024. Là où se rencontrent tous les professionnels du milieu, pour échanger leurs dernières créations, mais aussi les dernières trouvailles techniques. Et parmi les nouveautés, une machine en particulier a attiré notre attention : l’osmoseur. Un outil qui permet de désalcooliser la bière.
"Le principe d’un osmoseur c’est la filtration moléculaire, explique Jean-Sébastien Laronche, responsable produit de Paetzold Equipement. Un osmoseur va permettre d’extraire d’une bière, uniquement de l’eau et de l’alcool. Donc au fur et à mesure qu’on va retirer l’eau et l’alcool, qu’on va remplacer par de l’eau osmosée, on va diminuer le degré alcoolique de la bière, pour atteindre un objectif inférieur à 0,5 degrés, et tout cela en préservant les arômes de départ et la couleur du produit."
Produire de la bière pour finalement la désalcooliser : ce qui peut apparaître comme un paradoxe est en réalité une véritable tendance, et un marché en pleine expansion. Quasi inexistantes il y a 10 ans, ces bières représentant 3.6% du marché total. En 5 ans, les bières sans alcool ont ainsi enregistré une croissance de 147%, soit la plus forte croissance du secteur.
"Aujourd’hui, seuls les grands groupes en proposent avec des unités qui coûtent des millions d’euros. Cet équipement permet de produire de façon artisanale de la bière sans alcool, à dimension d’une brasserie" affirme Jean-Sébastien Laronche.
Un marché en pleine expansion
Et si même les petites brasseries s’en emparent, c’est que la demande est forte.Car les Français, et spécifiquement les jeunes, boivent de moins en moins. En 1960, la consommation moyenne d’un Français était de 200 litres d’alcool par an. En 2018, elle n’est plus que de 80 litres par an selon l’Insee. C’est principalement le vin que les consommateurs délaissent. Sa consommation a été divisée par 3,5 ces 60 dernières années.
"Moi qui suis du monde du vin, on voit qu’il y a grande tendance à avoir du vin à zéro degré", affirme Jean-Sébastien Laronche. Mais pour la bière, c'est la même chose : de plus en plus de personnes veulent avoir des solutions pour boire des produits sans alcool."
Depuis la loi Evin de 1989, les actions de prévention pour alerter la population sur les dangers de l’alcool et ses effets néfastes sur la santé se sont multipliés. Ainsi, selon un sondage Yougov de 2020, 68% des Français estiment que ne pas boire d’alcool pendant le Dry January est une bonne chose. La répression contre l’alcool au volant s’est aussi beaucoup durcie.
Un changement de mentalité
Les produits sans alcool offrent donc la possibilité d’éviter l’alcool, sans renoncer pour autant au caractère festif et convivial, souvent associé aux boissons alcoolisées. Un atout de taille qui permet de conquérir une nouvelle clientèle, comme les femmes enceinte, certains croyants, ou encore les sportifs de hauts niveaux.
Mais les bières sans alcool séduisent également les amateurs de bières, car en dix ans, les progrès technologiques ont permis de créer un produit aux qualités gustatives surprenantes. Elie Montanera, est le gérant d’Hyperboissons à Nancy et il l’affirme : "Aujourd’hui ce n’est absolument plus choquant de dire que l’on boit de la bière sans alcool. Ça s’est beaucoup démocratisé. On a atteint un niveau qualitatif très élevé. Moi-même, entre deux, trois bières, j’aime bien en boire une sans alcool." Un moyen pour lui de limiter sa consommation tout en retrouvant les saveurs de la bière…
Et c’est certainement là, un intérêt sous-estimé de ces produits sans alcool. Car en dessous du marketing agressif des grands groupes, les boissons sans alcool, peuvent effectivement permettre à des personnes dépendantes de sortir de leurs addictions. C’est le cas de Gilles, un retraité messin de 68 ans. Après des années de dépendances à l’alcool, il décide d’arrêter de boire, mais la démarche s’avère très difficile. "Avant, je buvais trois bouteilles de vin par jour. J’ai découvert le vin sans alcool par hasard, en faisant mes courses dans un supermarché. Ça m’a vraiment beaucoup aidé."
Un outil face à l'alcoolisme
Aujourd’hui cela fait 15 mois que Gilles n’a plus bu d’alcool, et il ne ressent pas le manque. "Là, j'ai une bouteille de rosé sans alcool devant moi, mais pour moi, c'est une bouteille normale. Elle a la même couleur, et au goût aussi, j'ai l’impression de boire une bouteille classique, je retrouve des choses." Cette bouteille est donc un supplétif très utile pour Gilles, qui lui a permis d’en finir avec son alcoolisme, sans pour autant bouleverser totalement ses habitudes. "J’ai envie de dire aux gens de faire comme moi, je le conseille à 100%."
Son seul regret est de ne pas pouvoir prendre du vin sans alcool au restaurant. "C’est dommage, ça devrait être obligatoire. Si on veut lutter contre l’alcoolisme, il faut offrir des solutions aux clients." Un message de bon sens, et une possibilité de plus pour les promoteurs du sans alcool, d’étendre encore leur marché, en poussant la porte des restaurateurs.