Les professionnels du secteur manifestaient mercredi 02 décembre dans plusieurs villes de France. A Nancy, le rassemblement a réuni plus de 200 patrons et salariés de la restauration, des bars et du monde de la nuit. Beaucoup craignent de ne pas tenir jusqu'au 20 janvier, date prévue de réouverture.
Mercredi 02 décembre 202, plus de 200 patrons et salariés de la restauration, des bars et du monde de la nuit se sont rassemblés, Place Charles III à Nancy, pour crier leur colère. Beaucoup craignent de ne pas tenir jusqu'au 20 janvier, date prévue de réouverture.
Ils ont fait leurs comptes : au 31 décembre prochain, les bars seront restés fermés 150 jours en 2020 (142 jours pour les restaurants). Presque la moitié de l'année, sans compter les couvre-feux, synonymes de demi-journées de travail. Pour les discothèques, fermées depuis le mois de mars, c'est quasiment une année blanche.
Le besoin de se rassembler
Les professionnels du secteur ne voient pas venir la fin de cette crise hors du commun. Pas de revendications précises, mais "le besoin de se rassembler, que personne ne nous oublie" selon Thierry Vincent, représentant des restaurateurs à l'UMIH 54. C'est l'organisation professionnelle qui appelait à ces rassemblements dans plusieurs villes de France. "On a surtout envie de retravailler", ajoute-t-il.Néanmoins, tous réclament un meilleur soutien de l'Etat. Les aides arrivent, certes, mais au compte-gouttes. Basées sur le chiffre d'affaire de 2019, elles oublient les établissements qui viennent d'ouvrir. Elles laissent de côté, aussi, les fournisseurs qui vivent en grande partie de la restauration.
Restaurants : tambouille de survie
Daniel est patron du "Local", un petit bistrot familial de la rue de la Commanderie, dans la cité ducale. Comme au premier confinement, il continue de cuisiner rognons flambés au cognac et andouillette sauce moutarde, en vente à emporter, six jours sur sept. "J'ai la chance d'être un resto de quartier, la clientèle est fidèle". Mais ça ne lui rapporte que 3.000 € par mois, le quart de son chiffre d'affaire habituel. "De quoi payer le gaz, l'électricité, les charges".Il travaille seul en cuisine, les trois apprentis et la serveuse sont au chômage partiel. "Il faut avancer les salaires, la compensation par l'Etat arrive à la fin du mois". Quant à l'aide promise pour faire face aux frais fixes, elle n'est pas encore arrivée.
Bars : la peur du (co)vide
A Nancy, le Mac Carthy est une affaire qui marche : grosse clientèle étudiante pour ce pub à l'irlandaise, le chiffre d'affaire en année pleine monte à 1,25 M€ et fait vivre 18 salariés. De nouveau en chômage partiel, depuis un mois, ils sont venus à la manif avec Doris, la patronne. Rester à la maison ne leur convient pas, ils ne demandent qu'à revenir derrière le bar aujourd'hui déserté.Là aussi, l'aide de l'Etat arrive au compte-goutte : 2.997 euros depuis le mois de mars selon Doris. "Heureusement que j'avais une trésorerie saine au départ" pour faire face à presque six mois de fermetures cumulées. Elle attend la réouverture promise le 20 janvier avec une grosse appréhension. "Les gens vont se retrouver chez eux pour les fêtes. J'ai peur qu'en janvier on nous dise : l'épidémie repart, il faut rester fermés". Le cauchemar : ce qui est interdit chez eux sera possible, dans les foyers, à Noël et Nouvel-An... Et c'est encore les professionnels qui trinqueraient.
Discothèques : jusqu'au bout de la nuit
La Péniche, une boîte amarrée au port de plaisance, n'a pas chauffé le dancefloor depuis le mois de mars. Cet été, Bertrand a pu faire tourner un peu la terrasse. Mais son truc à lui, c'est la nuit. Pour les patrons de discothèques, celle-ci est, pour le coup, interminable. Et surtout, on n'en voit pas la fin. Le secteur n'a même pas été évoqué par Emmanuel Macron dans son calendrier de "l'Après"."On est sous respirateur artificiel" regrette Bertrand, totalement dépendant du soutien de l'Etat. Là aussi, 15 salariés au chômage partiel. "On n'est pas une profession de nantis... On ne veut pas être sponsorisés par l'Etat pour ne rien faire, on demande juste à travailler". La crise n'est pas seulement économique. "C'est des métiers de passion... C'est des vies, c'est des parties de nos vies qu'on est en train de nous enlever". C'est aussi des métiers où le travail d'équipe est capital, des équipes disloquées par les fermetures prolongées.
Les assureurs n'assurent pas
Les manifestants étaient très remontés contre les assureurs. Alors que les contrats d'assurance sont en cours de renouvellement, les compagnies ont décidé d’exclure le risque pandémie de leurs garanties. Plusieurs d'entre elles ont en même temps augmenté leurs tarifs pour 2021, déclenchant la colère de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie.Or, en raison des confinements, il y a eu moins d'accidents et de sinistres en tous genres. Le secteur de l'assurance a mis de côté des réserves considérables. Bercy leur a donc demandé de soutenir le secteur des cafés, hôtels et restaurants, sans succès jusqu'à présent.
Aujourd'hui, Bruno Le Maire est plus précis et pose un ultimatum : si, d'ici lundi, les assureurs ne font pas un "geste significatif", le gouvernement pourrait procéder à un prélèvement autoritaire de 1,2 milliards sur leurs réserves. Un amendement dans ce sens a déjà été voté par le Sénat dans le cadre du débat budgétaire. C'est du brutal, comme on dit dans les bars. Mais ça pourrait donner un peu d'air à la profession.