TEMOIGNAGE. Anne Gintzburger, journaliste et documentariste, donne une voix aux femmes dans un festival pour l'égalité en Lorraine

La documentariste travaille depuis les années 90 en Lorraine. Après avoir porté les combats des femmes à l'écran, Anne Gintzburger a décidé pour la deuxième année d'organiser dans les quatre départements un festival qui porte directement les voix des femmes à travers des spectacles, des concerts et des conférences, notamment pour les scolaires. Elle est l'invitée du "Face à Face" présenté par Valérie Odile sur France 3 Lorraine mardi 16 avril 2024 à 19h07.

Le festival "Toutes nos voix" tient sa deuxième édition en Lorraine. Pendant six jours, l'association du même nom propose des films, des débats, des spectacles dans toute la Lorraine. Le programme est disponible ici. Anne Gintzburger nous explique son engagement.

Qu'est-ce qui vous a incité à organiser ce festival ?

Ce qui m'a donné envie de porter la voix des femmes, c'est de les écouter pendant des années lors des travaux documentaires que j'ai portés avec mes films. J'ai donné la parole à des femmes agricultrices, ouvrières du textile dans les Vosges, femmes de sidérurgistes dont j'ai suivi les combats dans la vallée de la Fensch. Toutes ces voix de femmes ont nourri à la fois mon engagement et ma conviction qu’elles n'osaient pas prendre la parole, qu'elles ne savaient pas comment le faire, qu'il n'y avait pas non plus d'espace pour s'exprimer et pas d'oreille pour les entendre. Donc, je me suis dit : portons un événement collectif entièrement gratuit pour permettre à ces voix de s'exprimer et aux oreilles de les écouter.

La parole se libère concernant le harcèlement dans le cinéma, le sport, dans le milieu hospitalier... est-ce que les choses changent ?

Ces voix font écho à beaucoup de choses qui se passent aujourd'hui. Il y a une chape de plomb qui est en train de se fissurer petit à petit. Ce qui est intéressant à mon sens, c'est de ne pas compartimenter les violences, conjugales ici, salariales là, les violences sexistes et sexuelles… Mais bien de travailler sur une déconstruction globale de tous les stéréotypes, de tous les préjugés qu'on peut avoir dans une société quand même très patriarcale. Pour précisément lutter contre toutes les violences, et donner de la voix pour justement interroger et déconstruire cette place des femmes qui est mal occupée jusque-là.

Ce qui est très intéressant, c'est qu'on se demande pourquoi les femmes acceptent. On se demande toujours comment elles peuvent se défendre. Elles ne disent pas ou pas assez : interrogeons d'abord ce système qui produit de la valeur pas écoutée. Pourquoi, effectivement, elles sont souvent tenues à ce silence ? Parce qu'elles vivent ces violences ou parce qu'elles ne sont pas accompagnées ou parce qu'elles pensent qu’il n'y a pas d'espace pour être entendu.

Pourquoi les femmes acceptent encore aujourd'hui ces violences ?

Ce que j'avais envie de proposer, c'était une variété culturelle autour de toutes ces questions. Donc, on a du spectacle, du théâtre, du conte, de la danse, des concerts, des expositions photos et puis des projections de films documentaires qui permettent finalement à chacune et à chacun de trouver ce qui va lui convenir le mieux. Parfois les mots sont difficiles à écouter, alors on va voir un spectacle de danse et toute la question des représentations du corps, comment on se représente soi-même ou comment les autres nous regardent : les émotions vont passer par ce spectacle qui va être porté par des danseurs. Je fais le pari que la compréhension émotionnelle est absolument universelle. Elle va aussi permettre de l'échange, du partage, indépendamment des mots qui parfois ne viennent pas. Finalement, c'est le corps qui s'émancipe à travers la danse et puis au pire, on a tous un corps et on partage tous un drôle de regard sur notre propre corps et sur le corps des autres. Donc quand ce corps est regardé de manière inappropriée, il faut pouvoir le dire et parfois les mots ne suffisent pas, alors passer par la danse ou par la musique et puis mettre en scène aussi des femmes artistes, c'est important. Il y a aussi beaucoup de spectacles ou d'actions qui s'adressent aux scolaires, à peu près les deux tiers des événements. C’était important pour moi dans le festival de considérer que toutes celles et ceux qui s'engagent sont actrices et acteurs de festivals et pas simplement spectatrices et spectateurs. L'égalité, elle se dessine, elle se travaille, elle se réfléchit dès le plus jeune âge.

 

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