Face à la menace de coupes de bois destructrices, cette commune du Pays-Haut a racheté cinq hectares de bois qui étaient à vendre, en usant de son droit de préférence. Le maire interpelle les propriétaires de forêts privées sur la nécessité d'une exploitation forestière durable et respectueuse.
Des forêts rasées pour un profit rapide, sans souci de l'environnement ni du reboisement futur... les "coupes à blanc" se multiplient dans le Nord de la Lorraine.
Avec la mode "écolo" des chaufferies à bois, la demande en plaquettes forestières (bois broyé) est en hausse. Des entreprises sans scrupules y ont trouvé un moyen de s'enrichir.
Demain, on rase gratis
Leur cible : les petits propriétaires forestiers. Beaucoup se désintéressent de ces parcelles, souvent reçues en héritage. Ils peuvent être prêts à vendre le bois, voire le terrain lui-même, pour quelques euros. Et dans certains cas, si le propriétaire est loin ou introuvable, les margoulins n'hésitent pas à passer à l'action sans même son autorisation : du vol caractérisé.Que le bois soit acheté ou volé, le modus operandi est le même : on rase tout. Les plus belles pièces de bois partent pour la scierie. Tout le reste est broyé pour alimenter des chaufferies. Le terrain mis à nu est fragilisé, d'autant que les bûcherons ne prennent aucune précaution. Les lourds engins de chantier labourent le sol en profondeur.
Début 2018, à Montigny-sur-Chiers, une parcelle a ainsi été ratiboisée, à flanc de vallon, dans ce qu'on appelle les "ravins de la Chiers". Un espace boisé humide qui abrite de nombreuses espèces de chauve-souris, oiseaux ou batraciens protégés. Le propriétaire (résidant en Belgique) avait donné son accord pour une coupe... mais ne s'attendait pas à un tel saccage.
A l'automne, des grosses pluies ont raviné le sol mis à nu. Une coulée de boue, de pierres et de racines a emporté la route communale en contrebas, il a fallu la réparer.
Toujours en 2018, le maire de Montigny-sur-Chiers apprend que deux autres parcelles, dans le même vallon, sont prêtes à être cédées à un exploitant forestier. Cette fois, ce n'est pas le bois mais le terrain lui-même - cinq hectares -qui est à vendre. La mairie est obligatoirement informée.
Bien commun
Pour éviter un nouveau désastre, la municipalité a pris les devants. Elle a préféré acheter pour préserver son patrimoine naturel. A l'unanimité, le conseil municipal accepte de débloquer les 20.000 € nécessaires. Propriétaire de 150 ha de bois, la commune est déjà exploitant forestier. Un patrimoine géré par l'ONF dans les règles de l'art.Jean-Jacques Pierret, le maire, souhaite que cette opération serve d'avertissement pour les propriétaires privés. Certes, les terrains leur appartiennent. Mais la forêt est un enjeu qui dépasse la loi de l'offre et de la demande. Outre son intérêt écologique, le site est un lieu de promenade apprécié dans le Pays-Haut. Le paysage est un bien commun pour les habitants de la vallée. Et des arbres qui ont mis 200 ans à pousser méritent d'être exploités dans le respect des générations futures.