Les consommateurs continuent à réduire leurs achats de produits bio. Jour après jour, Franck Nicklès le propriétaire de la ferme des Trois Chênes en Moselle, s'inquiète. Endetté, il vient de lancer une cagnotte en ligne et arrête le bio.
Franck Nicklès, 46 ans, est le propriétaire de la ferme des Trois Chênes à Wintersbourg en Moselle. Il est en agriculture bio depuis 27 ans. En 2015, il y a neuf ans, il a des soucis financiers. Trop de charges sociales, trop de factures. Un plan de redressement est alors mis en place par la justice. "Un plan de continuation avec un remboursement de 55.000 euros par an".
J'arrête à contrecœur, pas le choix. Je n'arrive plus à faire face aux factures. Le coût des aliments pour compléter mes productions en bio est trop cher.
Franck Nicklès, propriétaire de la ferme des Trois Chênes
Le prêt de redressement est validé par le tribunal. Mais il reste trop lourd à gérer. Franck accumule deux ans et demi de retard de paiement. "On n’a plus de plan de financement. Il faut tout faire en autofinancement". Dans sa ferme, Franck emploie dix personnes. Aujourd'hui, il risque d’être placé en liquidation judiciaire.
Pendant la crise sanitaire, il bénéficie d'un décalage de remboursement qui ne sera pas validé. Et du coup, les retards se multiplient, "je ne peux pas payer". Un mandataire judiciaire est nommé. "Vous vous débrouillez", lui dira-t-il. Mercredi 19 juin 2024 il lui réclame 156.000 euros avant fin du mois, "les banques ne répondent plus. Il n'y a pas d'humanité. Il faut que je négocie un délai". Son exemple illustre bien la crise grave que traverse l’agriculture biologique depuis le Covid.
Du bon, du bio, du local
Depuis la fin de la crise du Covid, sa situation financière se dégrade de jour en jour. "Une perte de 30% de chiffre d’affaires en 2023". Car les consommateurs cherchent à limiter leurs dépenses. Et cela pèse sur les ventes des produits issus de l'agriculture biologique, "nos clients ont moins d’argent". Alors pour sauver sa ferme des Trois Chênes, il vient de lancer une cagnotte sur internet. "On a mis un objectif de 150.000 euros, on va y arriver. On avance petit à petit". La dernière chance.
Le coût des aliments pour compléter mes productions en bio est trop cher.
Franck Nicklès
Entre temps, il a décidé d'arrêter le bio, "à contrecœur, pas le choix. Je n'arrive plus à faire face aux factures. Le coût des aliments pour compléter mes productions en bio est trop cher". Il nous explique, "les protéines sont trop chères. Et c’est au moins 30 % de l’alimentation des porcs".
Désormais, une défiance ou une ignorance se sont progressivement installées dans l’esprit des consommateurs. "Ce ne sont pas les clients qui mangent bio qui sont les plus fortunés. Il n'y a pas beaucoup de différence avec le conventionnel. On n'ose plus augmenter les prix". Franck Nicklès emploie dix personnes. Et à la fin du mois, il risque d’être placé en liquidation judiciaire.Selon les chiffres de l'année 2022 publiés par l’Agence bio en juin 2023, la part du bio dans l’alimentation des Français est passée de 6,4 % (en 2021) à seulement 6 % et les achats de produits alimentaires bio ont baissé de 4,6%.