86% des maires ont été élus dès le premier tour des élections municipales, en France. Parmi eux, des petits nouveaux dont les débuts ont été bouleversés par le coronavirus. Certains ont été carrément mis sur la touche jusqu'à leur installation fin mai, avant de devoir gérer des dossiers compliqués.
Alors que le deuxième tour des élections municipales se tiendra le dimanche 28 juin 2020, plus de deux tiers des maires français sont déjà en plein travail depuis plusieurs semaines. Mais les nouveaux élus ont connu un baptême du feu difficile, dans un contexte de crise sanitaire pesant.
A 59 ans, Valérie Ruscher a eu envie de s'engager dans la vie politique de son village de Niedernai, dans le Bas-Rhin. Sa liste est arrivée en tête lors du premier tour des élections municipales, le 15 mars, devant celle menée par la maire sortante. Mais après cela, un long tunnel. Elle a dû attendre plus de deux mois avant d'être installée avec son conseil municipal, le 25 mai. Une énorme "frustration" pour elle.
C’était une grande frustration d’être mis sur la touche
"Je me suis présentée à la mairie pour apporter mon aide, je voulais m'investir pendant cette période de coronavirus. Mais la maire sortante ne voulait pas de nous. Elle nous a dit que nous n’étions pas les bienvenus et nous a renvoyés chez nous. C’était une grande frustration d’être mis sur la touche car pendant la campagne, on était très proches des habitants. Ils attendaient beaucoup de nous. On a dû se contenter de communiquer via les réseaux sociaux", explique-t-elle, regrettant aussi de n'avoir pas pu célébrer sa victoire avec ses colistiers et les électeurs.
A Gundershoffen, l'ancien maire a convié Victor Vogt à toutes les réunions pendant le confinement. Le jeune homme de 31 ans, au conseil municipal depuis deux mandats, a ainsi pu découvrir progressivement sa nouvelle fonction. Mais une fois installé, il a été confronté du jour au lendemain à de lourdes responsabilités à endosser. Le déconfinement a placé les maires en première ligne. A commencer par l'épineuse question de la réouverture des écoles.
J’ai passé quelques nuits blanches, à me demander si je prenais les bonnes décisions
"J’ai passé quelques nuits blanches, à me demander si je prenais les bonnes décisions, si je devais rouvrir l’école comme le demandait le gouvernement, confie-t-il. Il m'était impossible de le faire aussi rapidement qu’il le souhaitait. J’ai refusé plusieurs fois mais on me l'a imposé". Il admet n'avoir pas imaginé auparavant se retrouver dans une telle situation, mais "quand on a pris la décision de s'engager, qu'on est à un tournant de sa vie, il ne faut pas reculer et assumer les conséquences."
Le coronavirus a renforcé leurs convictions
Les maires affirment d'ailleurs que le coronavirus les a confortés dans leurs convictions. Ils souhaitent permettre à leurs habitants - 1.300 à Niedernai, 3.600 à Gundershoffen - de changer leurs habitudes de consommation.
Valérie Ruscher a ainsi encouragé un agriculteur, qui n'est autre que son premier adjoint, à lancer un marché de producteurs dans sa ferme, et le projet a séduit d'entrée. "Cela faisait partie de notre campagne. On réfléchit à développer tout cela car on ne peut toujours pas acheter de pain à Niedernai, il n'y a pas d'épicerie non plus. Nous voulons laisser notre empreinte", insiste cette responsable formation, qui souhaitait devenir maire pour sortir son village de sa "léthargie", et soutenir les associations en train de disparaître.
Je veux rendre au village tout ce qu’il m’a donné
Victor Vogt, lui, ambitionne de créer un marché couvert au cœur de la commune, pour attirer davantage de producteurs et de clients que ceux déjà présents sur le marché en place. Il veut aussi installer une gare multimodale, convaincu que "la mobilité à la campagne est la première des injustices sociales. Les citadins peuvent facilement se déplacer à vélo d’un point a à un point B, mais à la campagne, on a encore besoin de la voiture. Si demain on nous dit d’abandonner la voiture, comment fera-t-on ici ? Ferons-nous tous nos déplacements à pied ? Nous devons développer d’autres moyens de locomotion : la trottinette, le vélo, entre autres."
Il se dit prêt à tous les efforts pour sa commune, maintenant qu'il a réalisé son rêve de petit garçon : devenir maire de son village. Il en avait fait la promesse à ses proches, à l'âge de six ans, déjà.
"J’ai perdu mon père quand j’étais enfant et tout le village a été là pour moi : les parents de mes copains, ma famille… Ça m’a beaucoup aidé pendant mon enfance. Ensuite, j’ai fait partie du club de foot et des pompiers. Ils sont devenus ma deuxième famille. Je veux rendre au village tout ce qu’il m’a donné", assure-t-il, très ému, et toujours aussi déterminé malgré une prise de fonction difficile.