Après une nouvelle réunion ce mardi 18 août, les différents acteurs du monde du champagne ont enfin réussi à se mettre d'accord sur les rendements 2020. Après la crise sanitaire, ils devaient décider du nombre de kilogrammes de raisins à récolter par hectare. Un calendrier tardif.
Comme le 22 juillet dernier, la presse avait été convoquée à 11h30, ce jeudi 18 août, devant le bâtiment du Comité Champagne à Epernay pour connaître la décision prise par les différents acteurs du monde du champagne concernant les rendements 2020. Dans un contexte particulièrement pesant.
Une particularité champenoise
C'est ce qui différencie la Champagne des autres régions viticoles. Les négociants participent à la fixation annuelle du rendement. Pourquoi cette particularité ? Parce qu’ils achètent près de 80 % des raisins des vignerons. Et il faut dire que la situation est particulièrement préoccupante cette année. Après des mois de crise sanitaire, ce sont 100 millions de bouteilles qui n'ont pas été vendues, soit une perte estimée à 1,7 milliard d'euros. Alors comme rarement les discussions ont été tendues.Car le Syndicat général des vignerons et de l’Union des Maisons de Champagne n'avaient pas les mêmes exigences. Des enjeux radicalement opposés. C'est pourquoi les discussions avaient échoué le mercredi 22 juillet. Avec un stock déjà très important avant le début du confinement (presque 4 ans de stocks), les maisons de Champagne redoutent qu'un haut rendement entraîne la baisse des prix du breuvage. De leur côté, les vignerons indépendants craignent que des rendements trop faibles aient de lourdes conséquences sur les ventes à venir.
Un accord enfin trouvé à 8.000 kilos l'hectare
Pareil bras de fer n’est pas unique dans l’histoire de la Champagne, mais cela faisait plusieurs dizaines d’années qu’on en n'avait pas eu écho. Maisons de Champagne et vignerons se sont donc rencontrés une nouvelle fois ce mardi 18 août dans un contexte d'urgence. Les vendanges ont commencé dans l'Aube. Et dans la Marne, elles sont imminentes. Les viticulteurs ont vendangé sans même savoir combien ils pouvaient ramasser de raisins cette année. Les discussions se sont donc poursuivis en coulisses ces derniers jours et on attendait avec impatience le fruit de leurs échanges, souvent musclés d'ailleurs."On comprend bien que les uns et les autres ne sont pas d'accord sur les objectifs recherchés au travers de la fixation du rendement" avait écrit Maxime Toubart, président du SGV dans un courrier adressé à ses adhérents à l'issue de la première réunion. Heureusement cette fois, la raison l'a emporté.
D'ailleurs, les sourires étaient de retour à l'occasion de cette conférence de presse. Jean-Marie Barillère, président des Maisons de Champagne et Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons ont enterré la hache de guerre. Ce sera bien 8.000 kilos à l'hectare. C'est un rendement bas dont l'objectif est de passer la crise. Les vignerons et maisons de Champagne se sont accordés sur un rendementéquivalent à 230 millions de bouteilles pour la vendange 2020. "Considérant les incertitudes qui pèsent sur la filière, les Champenois ont adapté les modalités de tirage et de paiement de cette vendange, en fonction des performances qui seront constatées sur les marchés en 2020," explique Thibaut Le Mailloux, du Comité Champagne.
Un rendement ajustable en fonction du marché
Reste que le vin de Champagne a pris une décision historique. L'interprofession a choisi de fixer un rendement 2020 qui s'ajuste en fonction du marché. Elle propose un mécanisme inédit. Il permet de s’adapter au mieux à l’incertitude économique actuelle. Les vignerons vont cueillir 8.000 kg/ha mais ils seront certains d’être payés sur 7.000 kg/ha.En janvier 2021, le bureau exécutif du Comité Champagne se réunira de nouveau pour statuer sur le niveau définitif de la vendange 2020, au regard des ventes de l’année 2020. Comme l'explique le site spécialisé vitisphere.com : "Si les ventes sont inférieures à 200 millions de cols, le rendement sera de 7 000 kg/ha. Les 1 000 kg/ha en « excédent » seront une avance sur la récolte 2021. Si les ventes sont de 215 millions de cols, la récolte pourrait être de 7500 kg/ha et l’avance sur 2021 de 500 kg/ha. Et si, d’aventure, les ventes reprennent des couleurs et dépassent les 230 millions de cols, un déblocage de la réserve individuelle des vignerons sera envisagé."
Situation très incertaine malgré tout
"Un bon compromis même si cela reste un crève-coeur" selon les deux hommes. "Les ventes de proximité sont de bonne tenue," a rappelé Maxime Toubart, "en juin et juillet, les français ont continué à boire du champagne et le confinement nous a moins affecté. Mais il n'y a jamais eu autant d'incertitudes. Nous avons travaillé sur des scenarii dont nous ne sommes pas certains qu'ils se réalisent. J'espère vraiment que tous les marchés vont repartir à la hausse."En revanche, les ventes à l'étranger sont en forte baisse. "Des expéditions de -25%, à -30%," a expliqué Jean-Marie Barillère, président des Maisons de Champagne. "On craint pour les expéditions vers les Etats-Unis, le Japon et l'Angleterre, des marchés habituellement porteurs. C'est une chute drastique. le champagne a une image de fête, de convivialité et cela ne correspond pas à la crise sanitaire que nous traversons. Il nous faut limiter la casse. Le maître mort : c'est incertitude."
A titre de comparaison : en juillet 2019, le rendement avait été fixé à 10.200 kilos à l'hectare