Stop Rockwool, collectif opposé à l'implantation d'une usine de laine de roche, mobilisé la veille de la venue du Président de la République dans l'Aisne

Mobilisé depuis trois ans pour s'opposer à l'implantation d'une usine de laine de roche près de Soissons, dans l'Aisne, le collectif Stop Rockwool organisait dimanche 29 octobre 2023 un happening devant le futur site industriel. Objectif : profiter de la visibilité accordée à l'Aisne le lendemain, où le Président de la République sera présent à Villers-Cotterêts pour inaugurer la Cité internationale de la langue française.

Devant le terrain du futur site industriel de Rockwool, à Courmelles près de Soissons, une vingtaine de militants déposent des croix pour signifier la mort de la biodiversité et des habitants de la commune qui seront, d'après eux, impactés par les rejets polluants de l'usine de laine de roche.

Ces opposants au projet font partie du collectif Stop Rockwool, formé en 2020 pour lutter contre l'implantation de l'industriel danois, leader mondial de la production de laine de roche.

"On ne va pas perturber sa belle cérémonie, mais nous voulons attirer l'attention"

Après l'organisation de nombreuses marches dont la dernière en date le 7 octobre 2023, le choix du 29 octobre pour cette action sous forme de happening artistique ne doit rien au hasard. Lundi 30 octobre, le Président de la République se déplace en effet dans l'Aisne pour inaugurer la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts

"Nous pouvons imaginer que ce qui se passe ce dimanche peut avoir un peu d'écho le lendemain, espère Nicole Gastel, membre du collectif. On ne veut pas le faire le jour même par principe, on ne va pas perturber sa belle cérémonie, mais nous voulons attirer l'attention pour dire que pas si loin de cela, il se passe des choses négatives. Et comme il y aura de la pollution, quinze kilomètres à vol d’oiseau, ce n'est pas grand-chose !"

Car, d'après les opposants au projet, les émissions polluantes de l'usine impacteront la "cuvette soissonnaise", bassin de vie de plus de 50 000 habitants.

Un avis partagé par Thomas Le Roux, chargé de recherches au CNRS et spécialiste de la pollution industrielle, qui écrivait dans une tribune de 2020 : "(...) cela est inévitable : l’air de la ville va être dégradé par les microparticules et poussières. Par définition, ce genre d’usines devraient être proscrites en tout lieu, étant donné qu’elles contribuent à la destruction des ressources, l’altération des milieux, enfin au réchauffement climatique. Dans le monde actuel, il devient aberrant de les concevoir."

Bataille d'arguments et feuilleton judiciaire

En 2020, un commissaire enquêteur avait également rendu un avis défavorable sur le dossier Rockwool, évoquant, entre autres, les vents dominants orientant les fumées industrielles vers l'agglomération de Soissons. 

"Il n'y a pas de risque pour la santé, encore plus que des suppositions, je prendrais notre expérience : cela fait 80 ans que nous faisons fonctionner des usines de laine de roche dans le monde, 40 ans à Saint-Éloy-les-Mines, il n'y a pas d'impact santé sur nos employés et nos voisins" assurait cependant à nos équipes Matthieu Biens, directeur marketing de Rockwool, en décembre 2022.

"Nous voulons attirer l'attention du Président avec une action forte, mais légale."

Nicole Gastel, membre du collectif Stop Rockwool

Une étude réalisée par ATMO Rhône-Alpes en 2017 autour du site Rockwool de Saint-Éloy-les-Mines ne relève pas de franchissement des seuils de pollution atmosphérique autorisés. Ses auteurs précisent néanmoins en conclusion que "ces résultats ne sauraient donc être généralisés et présentés comme révélateur d’une absence d’impact du site sur son environnement. Une surveillance continue pourrait donc être envisagée pour mener une évaluation plus fine de l’impact des activités de Rockwool."

Arnaud Svrcek, maire de la commune de Courmelles où l'usine doit s'implanter, est quant à lui fermement opposé au projet. Il a initialement refusé le permis de construire à l'industriel, mais a été contraint par le tribunal administratif de l'accorder en décembre 2022. Le maire de la commune a ensuite fait appel, l'industriel a pour sa part été sommé par le tribunal de compléter son étude d'impact.

La question de l'eau 

En juin 2023, lors d'une consultation populaire, les habitants de Courmelles se sont exprimés en majorité contre le projet. Une enquête publique avait déjà recueilli de nombreux avis négatifs en 2020. Une nouvelle consultation officielle est actuellement ouverte.

"Une consultation publique est en cours sur le complément d'étude d'impact, elle court jusqu'au 6 novembre, souligne Nicole Gastel. C'est juste une consultation par internet, ensuite, le préfet décide de modifier l'arrêté d'exploitation ou de le supprimer. On ne rêve pas, à mon avis, il va compléter l'arrêté. Sauf qu'ils vont peut-être se rendre compte que l'étude d'impact complémentaire est légère."

C'est notamment la question de la consommation d'eau de l'usine qui inquiète les opposants. "Nous n'avons pas d'information sur le débit horaire des entreprises du plateau, le syndicat des eaux ne le connaît pas. Cela pose question. On ne sait pas quelle part pourrait rester à ce nouvel industriel qu'est Rockwool et dont les fours ne pourraient pas s'arrêter, sauf cas exceptionnel", constate Nicole Gastel.

D'après un document de la DREAL daté de 2019, l'usine utiliserait au maximum 20 mètres cubes d'eau par heure. L'analyse des effets cumulés datée de septembre 2023 indique quant à elle qu'"un avis favorable a été émis par le Syndicat des Eaux du Soissonnais et du Valois le 28/10/2019, celui-ci confirme que la capacité du réseau d’eau potable est suffisante pour l’alimentation du projet ROCKWOOL. Cette capacité a été reconfirmée en mars 2023."

L'espoir présidentiel 

Les membres du collectif Stop Rockwool gardent un mince espoir que la préfecture annule l'arrêté d'exploitation du projet, mais c'est maintenant le Président de la République qu'ils souhaitent interpeller.

L'objectif de Nicole Gastel et de ses camarades est simple : "nous voulons attirer l'attention du Président avec une action forte, mais légale. Nous avions sollicité une rencontre avec la présidence de la République à Villers-Cotterêts. Évidemment, nous n'en sommes pas surpris, cela ne peut pas se faire. Mais nous avons été informés qu'un conseiller doit nous recevoir en sous-préfecture, même si nous n'avons pas plus de détails pour l'instant. Nous espérons qu'ils nous comprennent, car il y a des choses très concrètes dans ce dossier".

D'ici là, les militants du happening s'attendaient à être rapidement rejoints par la gendarmerie, mais aucun uniforme n'est intervenu. Avec malice, les membres du collectif parlent dans leur lettre ouverte au gouvernement de "Cité Multinationale de la Double-Langue Française".

L'État tiendrait un double langage d'après eux, car "la loi sur la transition énergétique nous dit qu'il faut privilégier les filières de production locales, les matériaux biosourcés (...) et ici on pactise avec une industrie où tout vient de loin, rien n'est biosourcé, et où le produit final n'est ni renouvelable, ni recyclable". Si le collectif est réellement reçu par un conseiller du Président le 30 octobre, la discussion s'annonce animée.

Avec Paul-Guillaume IPO / FTV 

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