Vols, dégradations, insultes, coups, armes... 242 agressions ont eu lieu dans les Hauts-de-France en 2023, dont 168 dans le Nord. Un chiffre qui place la région et le département en tête du classement délivré par l'Ordre des médecins dans son rapport d'octobre 2024.
"Je suis en colère." Jean-Philippe Platel, président de l'Ordre des médecins du Nord, ne mâche pas ses mots. Le professionnel de la santé réagit au rapport d'observation publié par son ordre, sur la sécurité des médecins en 2023.
Une étude alarmante pour les professionnels, qui ont connu au moins 1600 incidents l'année passée. À la fois vols, dégradations, menaces physiques et verbales, parfois à l'arme blanche, voire violences directes. Un chiffre qui a bondi de 27% par rapport à 2022.
168 déclarations dans le Nord
L'observatoire de l'Ordre des médecins révèle également que la région Hauts-de-France a répertorié le plus de violences en 2023, avec 242 déclarations enregistrées. Un résultat particulièrement appuyé par le Nord, arrivé en tête du classement des incidents par département (ex aequo avec les Bouches-du-Rhône), qui totalise 168 déclarations. Le Pas-de-Calais arrive en 10e position avec 37 agressions, l'Aisne 16e avec 24 dépositions, puis l'Oise 28e (7) et la Somme 29e (6), en fin de classement.
242 déclarations, cela signifie que 242 personnes ont fait l’effort de remonter leur agression. Pas que chaque incident ait été déclaré malheureusement.
Jean-Philippe Platel, président de l'Ordre des médecins du Nord
Le dépôt de plainte, pas si automatique
Une première place qui s'explique par plusieurs facteurs selon Jean-Philippe Platel. Pour lui, il faut rapporter le nombre d'incidents dans le Nord au nombre d'habitants et de médecins. "C'est un gros département, doté de plus de 10 000 médecins en exercice. Il faut donc faire le ratio mais malgré ça, le département arrive tout de même dans le tiercé de tête."
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Le docteur Platel souligne également l'impact du travail de sensibilisation mené par l'Ordre des médecins du Nord pour inciter les praticiens à dénoncer toute forme d'agression. Il peut donc y avoir plus de déclarations dans le département du Nord que dans d’autres, où la prise de parole se ferait plus rare.
Malgré tout, le travail est loin d'être achevé. Pour le docteur Platel, les chiffres du rapport sont forcément sous-évalués : "242 déclarations, cela signifie que 242 personnes ont fait l’effort de remonter leur agression. Pas que chaque incident ait été déclaré malheureusement."
Le plus dur est de déposer plainte. Surtout lorsque l’agresseur est également un patient venu chercher des soins.
Jean-Philippe Platel
Seuls 31% des médecins porteraient plainte en cas d'incivilité ou de violence verbale et physique. Pourtant, le signalement auprès de l'Ordre n'est pas compliqué. Le plus dur est plutôt de déposer plainte. "Surtout lorsque l’agresseur est également un patient, venu chercher des soins", fait savoir Jean-Philippe Platel.
Des patients trop exigeants
Derrière les incidents recensés par l'Ordre des médecins, plusieurs phénomènes politiques se distinguent. Le désert médical qui touche certaines parties des Hauts-de-France crée par exemple une tension entre professionnels de la santé et habitants. L'étude publiée le 8 octobre montre que les agressions en zone rurale, territoires dépourvus de médecins, ont augmenté en 2023.
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Le docteur Platel, lui-même victime d'un incident par le passé, voit surtout les circonstances d'un point de vue sociologique : "Il y a un manque de respect qui grandit, une défiance. C'est le même combat que pour les enseignants, les maires… J’attribue ça à un changement sociologique, un peu en lien avec la Génération Z, qui vit dans l’instantané."
J’attribue ça à un changement sociologique, un peu en lien avec la Génération Z, dans l’instantané.
Jean-Philippe Platel
Des patients qui désirent donc tout, tout de suite, et qui ne tolèrent plus aucune frustration. Par exemple lorsqu’un médecin leur refuse un examen ou un arrêt de travail.
Et les choses ne semblent pas aller en s'améliorant. Selon le président de l'Ordre des médecins du Nord, 2024 sera encore pire. "On est en octobre et on a déjà atteint les chiffres de 2023."