Le premier article d’une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel a été rejeté, ce mercredi 27 mars 2024, en commission à l'Assemblée nationale. Une déception pour les députés et maires des Hauts-de-France qui se sont positionnés en sa faveur.
Proposer 13 jours d'arrêt-maladie par an en cas de règles douloureuses, sans carence et pris en charge par l’Assurance maladie, sur présentation d’un certificat médical : tel est l’objectif d’une proposition de loi. Mercredi 27 mars, en commission des Affaires sociales à l'Assemblée nationale, son premier article a été rejeté.
16 voix pour, 16 voix contre
Du côté de ceux qui ont voté pour un congé menstruel, il y a par exemple François Ruffin, député (Picardie debout !) de la Somme : "Pour 2 millions de personnes, ce sont des règles très douloureuses et incapacitantes. Pourtant, il n'y a aucun droit, aucun droit à des protections, aucun droit du travail, aucun arrêt menstruel", a-t-il déploré lors de la réunion.
Charlotte Parmentier-Lecocq, députée (Renaissance) du Nord et présidente de la commission, a quant à elle voté contre : "Je pense que cette proposition part d’une bonne intention mais comporte de sérieux biais, notamment le fait que cela rompt le secret médical puisque la salariée est obligée de communiquer à son employeur sa pathologie pour bénéficier de ce congé. Or, il est déjà possible pour une femme d’obtenir un arrêt maladie pour cela et avec toute l’éthique relative au secret médical."
Des députés testent un simulateur de règles
“Ce n'est pas si surprenant. Dans la majorité, il y a un sectarisme sans nom alors que ce sujet doit être transpartisan”, réagit Maxime Minot, député (LR) de l’Oise. L'élu, qui ne fait pas partie de la commission, confie avoir récemment changé d’avis, après avoir essayé un simulateur de règles douloureuses sur proposition des députés écologistes, Sébastien Peytavie et Marie-Charlotte Garin.
Maxime Minot apparait ainsi visage crispé et laissant échapper un “aïe”, dans la vidéo ci-dessous publiée sur X (ex-Twitter), le 22 mars 2024.
On a fait tester un simulateur de règles douloureuses à des députés.
— Sébastien Peytavie (@speytavie) March 22, 2024
Leur constat est unanime. ↓ pic.twitter.com/QB8DLLVHd8
“Ça m’a fait réfléchir”, confie-t-il. “Avec Pierre Cordier (député LR des Ardennes, Ndlr), en ayant participé à ce test, on s’est rendu compte des douleurs que les hommes ne connaissent pas. Avant j’étais opposé à l'idée d'un congé menstruel car j’avais peur d’une discrimination à l’embauche pour les femmes et de la stigmatisation.”
Ce sujet n’était pas abordé jusqu’ici. Avec plus de 2 millions de vues, cette vidéo a eu le mérite d’amener la réflexion.
Maxime Minot, député LR de l'Oise
Prochaine date importante pour cette proposition de loi : le jeudi 4 avril 2024. Les députés écologistes la présenteront lors de leur niche parlementaire. “Pour l'instant, le texte est en sixième position de l’ordre du jour donc le débat n’aura pas lieu avant 22 heures, il a peu de chances d’aboutir”, estime l'Isarien.
Plusieurs mairies en faveur du congé menstruel
Il y a trois mois, en décembre 2023, la muncipalité d'Arras a adopté le congé menstruel, permettant aux personnes qui le souhaitent de bénéficier de 10 jours par an. “Ça se passe naturellement, on le fait en totale relation de confiance. Les personnes concernées ont fait la démarche. Il s'agit simplement d'une déclaration d'absence avec un avis médical", précise le maire, Frédéric Leturque.
Interrogé sur ce premier rejet de la proposition de loi, l'édile réagit à son tour : "Je trouve ça dommage [...] Notre société a besoin d'évoluer. Il ne faut pas que des femmes soient contrariées ou perturbées dans leur engagement au travail, en devant s'expliquer sur des choses de la nature."
La municipalité d'Abbeville (Somme) souhaiterait faire de même. En juillet 2023, le conseil municipal avait voté à l'unanimité pour un congé menstruel mais, deux mois plus tard, la sous-préfecture s'y était finalement opposée au motif qu'aucune loi n'encadre ce type de congé. "On va continuer à se battre, on a besoin de ce cadre", affirme Michelle Delage, adjointe en charge de la santé et l'égalité hommes/femmes.
Depuis janvier 2024, d'autres dispositifs ont toutefois pu être instaurés comme la possibilité de télétravailler, l'adaptation de certains postes ou l'aménagement du temps de travail. Selon Michelle Delage, il est trop tôt pour savoir combien d'employées en bénéficient. "Un point sera réalisé en fin d'année et s'il faut, on améliorera", précise-t-elle.