En cause, les débuts très chaotiques de l'enquête.
Un sac de vêtements qui disparaît au commissariat, une lettre anonyme introuvable au bureau du procureur... Quatre ans après la mort de Kamel Kerrar, retrouvé noyé dans la Scarpe, ses proches craignent plus que jamais que la disparition de ces preuves ne porte préjudice à l'enquête.
Sa famille a porté plainte contre X lundi pour "destruction ou modification de preuves d'un crime", a indiqué son avocat Me Damien Legrand.
Le 26 décembre 2014, au lendemain de Noël, le corps de Kamel Kerrar est retrouvé dans la Scarpe, les mains liées derrière le dos et les pieds attachés par les lacets. Mais les débuts de l'enquête sont chaotiques : un sac contenant les vêtements de la victime mis à sécher disparaît du commissariat de Maubeuge.
Des preuves qui disparaissent
"Les vêtements qui avaient été appréhendés au cours de l’examen du corps de Monsieur Kamel Kerrar, placés au commissariat de police de Douai [dans une chaufferie faisant habituellement usage de salle de séchage], y ont été perdus", peut-on lire dans la plainte que nous nous sommes procurée. "Seuls quelques effets demeurent ainsi exploitables, ce qui prive l’enquête de moyens de preuve tout à fait essentiels."
En même temps, une lettre anonyme dénonçant un meurtre – et assurant qu'il ne s'agit pas d'un suicide – disparaît du bureau du procureur. Deux faits qui, pour la famille, risquent d'entraver l'enquête. "On aurait pu, par exemple, trouver du sang sur les vêtements ou sur la lettre", confie Me Damien Legrand. Et une analyse ADN aurait accéléré l'enquête.
"Engager la responsabilité de la justice"
D'autant plus que la police avait rapidement classé l'affaire sans suite, concluant à un suicide. Une aberration pour la famille, pour qui il était impossible que le jeune homme noue quoi que ce soit. "Mon petit frère avait une grosse maladie : la sclérose en plaques. Son bras droit, il ne pouvait pas l'utiliser, il ne savait pas manger avec sa main droite", soulignait son frère Abdelhadif en 2016.
Mais les Kerrar n'abandonnent pas et, en 2016, l'enquête est ré-ouverte. Pourtant, la famille et son avocat craignent que la disparition de ces preuves ait "beaucoup entravé l'enquête".
Une plainte a donc été déposée contre X lundi, avec deux objectifs : d'abord, "pour engager la responsabilité de la justice" dans l'hypothèse où l'enquête n'aboutirait pas, mais aussi pour demander au procureur de la République de Douai de faire en sorte que la juge d'instruction – déjà chargée de l'enquête sur l'homicide – se voit confier celle portant sur les preuves.