Il y a cinq ans, l’histoire faisait la Une des journaux. Un bébé retrouvé mort sur un trottoir de Cappelle-la-Grande après avoir été jeté par sa mère depuis le premier étage. La jeune femme, alors âgée de 21 ans au moment du drame, va être jugée durant 3 jours devant les assises du Nord. Elle risque la perpétuité. Le verdict est attendu ce vendredi 23 septembre 2022.
Samedi 4 novembre 2017. Cette nuit-là, il fait froid dans le dunkerquois. Moins de 10 degrés au thermomètre. Un homme promène son chien route de Bourbourg à Cappelle-la-Grande, une commune accolée à Dunkerque. Il est un peu plus de minuit lorsqu’il tombe nez-à-nez avec le corps inanimé d’un nourrisson sur le trottoir.
Le passant appelle immédiatement les pompiers, mais il est déjà trop tard. Le bébé se trouve là depuis plus de deux heures.
Que s’est-il passé ?
Un peu plus tôt dans la soirée, Louna* est prise de contractions violentes. Habitant au domicile de ses parents, cette jeune femme de 21 ans monte dans sa chambre et accouche, seule, dans sa poubelle de bureau.
"Alors qu’elle pense que son père s’apprête à entrer dans sa chambre, elle ouvre la fenêtre et lâche le bébé", raconte maître Emmanuel Riglaire, son avocat. Il poursuit. "Les parents arrivent ensuite dans la chambre et découvrent des traces de sang. Ils pensent qu’elle a un problème de santé, la douchent, la couchent mais n’appellent pas les pompiers".
Alertés deux heures plus tard par le passant qui a fait la macabre découverte, policiers et pompiers arrivent devant le domicile familial. "Quand la maman aperçoit le gyrophare des pompiers par sa fenêtre, elle demande aux secours d’examiner sa fille", explique l’avocat. Louna est dans un état catastrophique, n’a pas perdu le placenta. Elle est emmenée aux urgences entre la vie et la mort.
Des mensonges en cascade
Aux enquêteurs, l’étudiante en droit à la faculté de Lille explique dans un premier temps qu’elle ignorait qu’elle était enceinte et que le bébé était mort-né lorsqu'elle a accouché. Mais très vite, les investigations mettent à mal sa version.
L’autopsie a permis de déterminer que le nourrisson était vivant à la naissance et que sa mort était dûe à la chute. Des échanges de mails survenus plus tôt entre Louna et le père du bébé ont prouvé que la jeune femme savait pour la grossesse. Concernant sa scolarité à la fac de Lille, les enquêteurs ont découvert qu’elle n’avait en réalité jamais assisté à un seul cours.
Mise en examen pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans et placée durant une année en détention provisoire, Louna a par la suite été libérée sous contrôle judiciaire.
Aujourd’hui âgée de 26 ans, elle a tenté de reconstruire un semblant de vie loin du Dunkerquois, en s’installant dans le Midi. Maître Riglaire l'assure : Louna se dit "impatiente" d’être jugée et de "passer à autre chose, quelle que soit l’issue".
"Ça s’appelle un déni d’accouchement"
Les interrogations, multiples, vont être au cœur de ce procès devant les assises du Nord. Comment justifier l’injustifiable ? Quelle ligne de défense adopter ?
"L’acte n’est pas discuté, contesté, contestable, rappelle Emmanuel Riglaire, avocat de Louna. L’objectif est de comprendre comment cette jeune fille a menti pendant plus d’un an, dans quelle détresse psychiatrique et psychologique elle s’est retrouvée à ce moment-là. Ce qui s’est passé, ça s’appelle un déni d’accouchement, c’est une forme de déni de grossesse. La personne a conscience de ce qu’elle a dans son corps, mais celui-ci continue de fonctionner comme s'il n’y avait pas de grossesse".
L’objectif est de comprendre comment cette jeune fille a menti pendant plus d’un an, dans quelle détresse psychiatrique et psychologique elle s’est retrouvée à ce moment-là.
Me Emmanuel Riglaire, avocat de la Défense
Trois petits jours de procès à peine pour tenter de comprendre ce geste de désespoir et la souffrance de cette mère. Seront notamment entendus à la barre le père de l’enfant, les frères et sœurs de Louna, ses parents – un temps placés en garde à vue car soupçonnés d’avoir participé au meurtre mais disculpés de tous soupçons – ses amis à qui elle avait confiée être enceinte. Mais aussi les policiers qui se sont rendus sur place le soir du drame, les médecins légistes, les psychologues et psychiatres qui ont rencontré la jeune femme.
Viendra enfin le temps du réquisitoire de l’avocat général et la plaidoirie de maître Emmanuel Riglaire. Le verdict sera rendu vendredi 23 septembre en toute fin de journée. Louna risque la réclusion criminelle à perpétuité.
*Nous avons décidé de ne pas dévoiler l'identité de l'accusée, actuellement placée sous contrôle judiciaire. Celle-ci comparaît libre.