ENTRETIEN. Élections européennes 2024 : polarisation des villes, mainmise du RN, LFI à Lille et Roubaix... Les Hauts-de-France plus bleu marine que jamais

Les résultats des élections européennes sont tombés ce dimanche soir. Malgré une percée historique du Rassemblement national dans les Hauts-de-France, une forte polarisation subsiste entre les grandes villes qui ont largement voté à gauche, notamment LFI, et la campagne.

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Le politologue Tristan Haute nous prête son regard pour analyser la répartition des votes dans la région.

Il n'y a pas beaucoup de surprise dans ces résultats. Le Rassemblement national a atteint des scores historiques, dépassant même les 50% dans l'Aisne. Est-ce que notre région est définitivement tombée sous le joug du RN ?

Tristan Haute : Les Hauts-de-France sont devenus l'une des zones de force du Rassemblement national, on le savait déjà. Pour ces élections, le RN a très bien réussi à retrouver ses électeurs de 2022 et à grignoter la droite, même avec une mobilisation plus faible qu'à la présidentielle, qui reste cependant plus forte qu'aux autres scrutins européens. Et puis le parti a fait de bons résultats dans des anciens fiefs socialistes et des territoires traditionnellement de la droite - c'est par exemple le cas dans l'Oise où le RN a dépassé les 40% - et dans les zones rurales. Il y a une force significative du Rassemblement national hors des villes, où il prend la place que l'UMP occupait à l'époque.

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Le RN a donc fait table rase et convaincu l'ensemble des habitants des Hauts-de-France ?

TH : Oui et non. Ce qu'il faut surtout retenir de cette élection, c'est qu'il y a de grosses disparités entre les grandes villes et le reste du département. Même si le RN a fait une percée historique par chez nous, il y a des zones très ciblées qui restent à gauche. C'est un phénomène extrêmement visible dans le Nord sur la métropole de Lille, à Marcq-en-Baroeul, Bondues ou à Roubaix où la France insoumise (LFI) est en tête avec des scores au-dessus des 40%. Et puis dans certaines zones où le RN est en tête, l'extrême gauche ou la gauche peuvent être très haut. À Tourcoing par exemple, où LFI est passé deuxième avec 26 %.

C'est une montée spécifique aux territoires urbains et aux grandes villes. On voit dedans l'effet d'un vote "utile" porté par des électeurs qui ont voulu voter à gauche, ce qui s'est traduit par un vote LFI. Mais dans d'autres territoires moins populaires, plus âgés, le Parti socialiste résiste beaucoup mieux. La force du PS ce n'est pas sa capacité à se reposer sur des bastions, mais sa capacité à maintenir un résultat correct partout... C'est bien pour un scrutin proportionnel, mais pas pour un scrutin majoritaire comme les législatives.

Il y a des polarisations territoriales qui correspondent à des zones où votent beaucoup de jeunes en proie à la précarité, à des discriminations et donc attirés par la gauche.

Tristan Haute, politologue

Il y a des polarisations territoriales qui correspondent à des zones où votent beaucoup de jeunes en proie à la précarité, à des discriminations et donc attirés par la gauche. Et d'autres zones avec des populations âgées, concernées par des enjeux d'immigration, chez qui le RN a fait une percée. Ces élections sont plus une percée pour les retraités qu'une percée dans la jeunesse, chez qui le vote à l'extrême droite a été plus faible que prévu.

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Concernant la majorité présidentielle, deuxième dans chaque département mais loin derrière le RN, comment analyser sa présence dans la région ?

TH : Dans la région la majorité est extrêmement loin et très faible. Il n'y a pas de zone de force, si on excepte dans le Nord le traditionnel "triangle BMW" : Bondues, le Marcquois et Wasquehal ou Wambrechies, les autres bastions ne sont pas au rendez-vous. Le score en région est terrible.

C'est d'ailleurs un peu la même chose pour les Républicains. Leurs zones de force ne sont plus leurs zones de force. Ils ne sont pas en tête au Touquet ni à Bondues, qui sont grosso modo les derniers fiefs LR du Nord-Pas-de-Calais. Au contraire, ce qu'on constate c'est un score qui se tasse dans certains espaces faibles et marginaux. Du point de vue des législatives ce sera dur de sauver quelques sièges LR.

Comment aborder les Européennes sans parler des écologistes, qui avaient fait une percée considérable en 2019 à Bruxelles. Mais cette année, les scores n'ont pas été au rendez-vous, notamment dans la région.

Traditionnellement, le score écologiste est plus faible dans la région qu'au niveau national. Mais là c'est la dégringolade. La dégringolade non pas dans les espaces où le vote n'était pas énorme, mais dans les espaces urbains, où le déclin est très fort. Il y a eu une inversion faite au profit de la France insoumise et encore plus au profit du parti socialiste avec le profil de Raphaël Glucksmann. À Lille, où les scores étaient très bons aux dernières Européennes, le vote écologiste dépasse à peine 10%.

Traditionnellement, le score écologiste est plus faible dans la région qu'au niveau national. Mais là c'est la dégringolade.

Tristan Haute

EELV (Europe-Écologie les Verts) était complètement désavantagé lors de ces élections, avec la question environnementale qui n'était pas au centre de la campagne. Et puis ils ne sont plus propriétaires de la question écologiste. Mais surtout ils n'ont pas su être en mesure d'incarner le rassemblement, ils étaient plutôt vus comme des diviseurs. D'ailleurs les leaders des Verts ont fait une forme de mea culpa en expliquant qu'ils auraient pu jouer l'union pour éviter la dissolution.

Surtout, c'est un déclin qu'on voit au niveau européen. Dans d'autres pays on voit un effondrement complet, avec plus de 20 sièges perdus.

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Au niveau de l'abstention, avec 49%, les Hauts-de-France ont suivi la tendance nationale. Comment expliquer le fait que les citoyens ne se soient une nouvelle fois pas rendus aux urnes ?

De façon générale, les jeunes ont moins voté que le reste de la population pour ces élections. Ce matin on n'a pas encore eu les chiffres en région, mais généralement les données nationales reflètent le vote dans les Hauts-de-France. Pour la présidentielle on avait observé un parallèle entre la tendance nationale et celle de la région.

Donc si on en croit cette logique, on note une démobilisation des jeunes, des personnes précaires et des personnes mal inscrites. C'est d'ailleurs auprès de ces personnes qui sont loin de chez elles - comme les étudiants ou les habitants d'Outre-mer - qu'il faudra faire campagne ces prochaines semaines pour sensibiliser à la procuration et préparer les législatives du 30 juin.

On note une démobilisation des jeunes, des personnes précaires et des personnes mal inscrites. C'est d'ailleurs auprès de ces personnes qui sont loin de chez elles (...) qu'il faudra faire campagne ces prochaines semaines.

Tristan Haute

Justement, comment se profilent les nouvelles législatives convoquées par Emmanuel Macron, après la dissolution de l'Assemblée nationale ce 9 juin ?

Le scrutin risque d'être en partie similaire aux résultats des Européennes. Dans le nord de la France les votes étaient déjà favorables au RN aux dernières élections, avec des victoires surprises du RN dans pas mal de territoires. Le 7 juillet on risque de retrouver des députés du Rassemblement national, mais à l'inverse, il pourrait y avoir des victoires surprises d'autres partis dans des zones inattendues.

Mais ça, ça dépend de trois facteurs. Tout d'abord, si l'union de gauche est complète ou pas, sinon il risque d'y avoir une majorité absolue de l'extrême droite. Ensuite, la question de si l'électorat de gauche se remobilisera ou non. Et enfin, la question de savoir ce que feront les électeurs Renaissance en cas de duel gauche - RN ? Dans tous les cas, vu que les élections se joueront dans à peine un mois, on sera rapidement fixés.

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