C'est une première dans le département du Nord, au collège Schaffner de Roost-Warendin, les équipes du restaurant scolaire regorgent de bonnes idées pour éviter de jeter de la nourriture. Avec la mise en place de l'assiette unique en octobre 2024, les demi-pensionnaires génèrent dix fois moins de déchets que l'an dernier à la même période. Explications.
Ces dernières années, le restaurant scolaire du collège Dr Ernest Schaffner de Roost-Warendin a mis en place de nombreuses initiatives pour lutter contre le gaspillage alimentaire et la dernière en date fonctionne comme jamais. L'assiette unique a été adoptée le 14 octobre 2024 et deux mois plus tard, le résultat est sans appel : la quantité de nourriture jetée a été divisée par dix. Une première dans le département du Nord, qui pourrait faire des émules.
Le principe est simple. Fini le plateau avec entrée, plat et dessert. Chaque élève a droit à une assiette vide, qu'il remplit lui-même, autant de fois qu'il le souhaite... à condition de la terminer. Et pour éviter que les enfants ne soient tentés de se servir uniquement en pâtes ou en frites, le personnel veille au grain.
Une incitation à prendre des légumes
"Fais-moi plaisir, choisis un légume. Un bol de soupe ? C'est du butternut. Allez, ou au moins une crudité, si ceux des plats chauds ne te plaisent pas." Olivier Duchateau s'adresse aux 400 collégiens qu'il nourrit chaque jour comme s'ils étaient ses propres enfants et c'est sans doute la clé du succès. Voilà 18 ans qu'avec sa collègue Hélène Escher, ce chef de cuisine s'investit à fond dans sa cantine, pour le bien-être des élèves et contre le gâchis de nourriture.
"Par contre, on ne les oblige jamais. Ils ont assez d'obligations toute la journée, de devoir rester assis en cours, en train d'écrire. Ici, non. Je veux qu'ils soient libres de choisir ce qu'ils veulent. De se servir sans obligation, mais en autonomie. Pour éviter le gaspillage, on goûte un peu, on va à table, on aime, on se relève et on va se servir plusieurs fois."
Des astuces antigaspi
Aujourd'hui, Matthieu cuisine du poulet, mais hors de question d'imposer 150 grammes à chaque élève. "On le coupe en quatre, annonce Olivier, comme ça, on divise le poids. La première fois que l'élève se sert, il n'en prend qu'un tronçon et si ça lui plaît, il se ressert. S'il n'aime pas, seul un petit bout part à la poubelle et au moins, je n'ai pas jeté un filet entier !"
Côté pain, Olivier a arrêté de travailler avec une boulangerie industrielle. "Sur 35 pains commandés, j'en jetais 30. Désormais, j'ai créé un partenariat avec les trois boulangeries de la commune. Chacune sa semaine ! On est à quinze pains par jour, et tout est mangé. Le bon l'emporte toujours sur la quantité."
Autre astuce pour éviter le gâchis, mettre à disposition des presse-agrumes et des outils pour peler et couper les pommes. "Vous imaginez ouvrir une orange ou découper une pomme avec un couteau de cantine ? Interroge très justement Olivier. C'est impossible. Et je ne vous parle pas de croquer dedans, avec les appareils dentaires... Avec cet outil, hop, on a huit morceaux et comme ils sont plusieurs à table, ils partagent et tout est consommé, au lieu de voir comme avant des dizaines de kilos de pommes partir à la poubelle."
Des enfants heureux et repus
Contrairement aux idées reçues, c'est fluide et moins bruyant qu'un service classique. Les enfants, qui se sentent responsabilisés, sont ravis. Chacun est libre de ne pas mélanger les aliments ou de manger sans sauce. D'ailleurs, Eva a pris "des pâtes nature avec des légumes et un peu de salade", juste la quantité qu'elle souhaitait. Face à elle, sa copine Mathilde reconnaît qu'elle gaspille "moins qu'avant". "Quand on était servis, ils mettaient la quantité qu'ils voulaient et si on n'aimait pas, on jetait plus qu'aujourd'hui."
Au-delà d'apprécier ou pas la cuisine, il y a la question de manger suffisamment, et pour 3 euros 23 le repas. Victor avoue se servir plusieurs assiettes : "Avant, j'avais faim. Maintenant, vu qu'on peut prendre la quantité qu'on veut, je n'ai plus faim."
"Quand tu prends, tu manges. Il y a des gens qui n'ont pas de nourriture... Ici, c'est très agréable, les entrées sont à volonté, les plats et les desserts aussi et en plus aujourd'hui, il y a des flans et j'adore les flans.", sourit Sean en enfournant une grosse cuillère de dessert lacté, dont le pot vide sera le seul déchet sur son plateau.
Une vraie victoire pour Hélène, seconde de cuisine, dont l'investissement est sans faille. "Il ne faut pas croire que ça se fait en un jour. On a d'abord installé la table de tri des déchets. Ensuite, on a mis en place le choix d'une petite ou grosse assiette, en fonction de la faim des élèves. Puis, on a décidé que les élèves pourraient se servir et on a découvert qu'ils étaient heureux de ça. Et cette année, on en est arrivés à l'assiette unique."
"De 140 grammes de déchets par plateau, détaille-t-elle, on est passés à 60 grammes quand les enfants se sont servis. Depuis octobre, on est à 17 grammes. C'est considéré comme zéro déchet, puisque ça peut être un bout de gras de jambon ou la pelure d'un fruit. Cela s'explique par le fait que, comme ils ont leurs entrées dans l'assiette principale, ils sont obligés de finir ce qu'ils ont avant d'aller chercher leur plat."
Plus loin, une blondinette se ressert de la soupe pour la troisième fois. "Elle est trop bonne. À l'école du centre, on ne pouvait se servir qu'une fois et quand on avait beaucoup faim, c'était pas cool." C'est Aline Bruniaux, aide cuisine, qui a préparé la soupe dès 6h30 du matin et regarde avec fierté les élèves goûter dans un petit gobelet avant de se servir gaillardement. "On voit bien le changement. Je ne suis plus juste une "dame de cantine" qui fait le service. J'ai un vrai échange avec les enfants."
Dans ce restaurant scolaire, avant l'assiette unique, 30 à 40 kilos de nourriture étaient jetés chaque jour. Cette quantité a été divisée par 10. "J'ai pu prendre les quantités que je voulais et j'ai tout mangé, au moins je ne gaspille rien et c'est écolo.", se réjouit une collégienne qui, arrivée au stand du tri, n'a rien jeté du tout.
Un exemple à suivre
Pour Marie Cieters, vice-présidente en charge des collèges et de l'éducation pour le département du Nord, "c'est un bel exemple de ce qu'on pourrait mettre en place ailleurs. Les enfants choisissent ce qu'ils mangent et c'est formidable. On voit aussi l'intérêt pour nos équipes, qui sont engagées autrement dans la relation avec le collégien. Sans compter qu'avec une seule assiette, elles ont moins de choses à porter et moins de vaisselle à faire."
"La cerise sur le gâteau, annonce Michel Morello, le principal du collège Schaffner, c'est qu'au lieu de jeter la nourriture, on a des restes, qui vont passer dans notre cellule de refroidissement et pourront être resservis plus tard. Toutes les économies faites permettent de continuer notre travail sur le circuit court puisque comme dans tous les collèges du Nord, ici, on mange bio et local."
Tout l'argent économisé est réinvesti pour le bien-être des élèves, dans des décorations, des animations et des repas à thème. Bref, une initiative 100% gagnante.