Alors que la candidate RN a battu des records dans les anciens bastions industriel, Roubaix a placé Emmanuel Macron en tête du second tour de la présidentielle dans l'ensemble des bureaux de vote. Au 1er tour, c'est Jean-Luc Mélenchon qui était sorti largement premier.
Sur la Grand Place de Roubaix, à côté de la mairie qui a servi de bureau de vote, on peut lire un tag, apparu entre le 1er et le 2nd tour de l'élection présidentielle : "Marine vous aime". L'inverse n'est sans doute pas vrai. Lors du second tour, le 24 avril, aucun bureau de vote de Roubaix n'a placé Marine Le Pen en tête.
Dans les Hauts-de-France, c'est pourtant la candidate du Rassemblement National qui sort victorieuse de cette confrontation présidentielle, avec quelque 52% des suffrages. Le rapport de force s'est inversé depuis 2017, où Emmanuel Macron affichait le score actuel de son adversaire. Dans le département du Nord, le président sortant emporte de peu la victoire, avec 53%. C'est dans les villes de la métropole lilloise qu'il réalise son meilleur score : la barre des 70% est passée à Hem, Marcq-en-Baroeul, et Lambersart. Ce vote n'est pas une surprise : les urbains aisés sont une forte composante du vote Macron.
Roubaix, anomalie au milieu des anciennes terres industrielles
La barre des 70% est aussi atteinte à Roubaix, une anomalie lorsqu'on la compare aux villes qui ont le même profil. Dans les anciens bastions industriels, souvent fortement touché par la pauvreté, le Rassemblement National a fait carton plein. A Hénin-Beaumont, Denain, Fourmies ou Cartignies, Marine Le Pen enregistre plus de 60% des voix. Plus proche encore, la ville de Wattrelos est un intéressant point de comparaison.
"Le score du RN à Roubaix est à 30%, je trouve que 30% ça reste très élevé au regard des propositions, du programme (...) Ils font en revanche 55% à Wattrelos, alors que les deux territoires ont des points communs : ce sont deux territoires industriels, qui appartiennent à la même zone géographique. Pourquoi l'une des deux villes a basculé à l'extrême-droite et pas l'autre ?" interroge Guillaume Couvreur.
"Pour le Roubaisien, l'étranger n'est pas un inconnu"
Ancien candidat aux législatives, à Roubaix, il est animateur pour le Cercle Roubaisien, un collectif qui œuvre pour l'éducation populaire. Pour cet habitué de la politique locale, il y a deux facteurs d'explications. D'abord, il faut d'abord chercher dans la tradition politique roubaisienne. "La ville a une histoire politique assez centriste, plutôt à la modération, à un attachement à la République. A Roubaix, le vote de gauche s'est reporté sur le barrage républicain, qui a plutôt bien fonctionné." D'après Guillaume Couvreur, la diversité des populations sur le territoire roubaisien est aussi un élément déterminant.
Pour le Roubaisien, l'étranger n'est pas un inconnu. L'étranger, c'est son voisin, il a l'habitude de le côtoyer et d'échanger avec lui.
Guillaume Couvreur
"Et je pense que quand on côtoie quelqu'un, on en a moins peur. Ce métissage, ce mélange des cultures - sans vouloir faire d'angélisme - fait aussi que ce discours sur la haine de l'immigré fonctionne moins bien", poursuit-il. Ensuite, comparé à sa voisine Wattrelos, plus enclavée, Roubaix est plus intimement implantée dans le tissu métropolitain. C'est une constante à ne pas négliger : partout en France, les grands pôles urbains ont massivement voté Macron. "Roubaix, c'est par exemple une ville qui possède plusieurs arrêts de métro. Dans la métropole lilloise, aucune des neuf villes connectées par le métro n'a placé le RN en tête. Le fait d'appartenir à un espace urbain dense, où on a une politique culturelle assez avancée, semble faire davantage barrage au front national" observe Guillaume Couvreur.
Comme ailleurs, un taux d'abstention massif
Seule constante à laquelle Roubaix n'échappe pas, le taux d'abstention extrêmement fort, puisque seuls 52% des Roubaisiens sont allés voter pour le second tour. "C'est un sujet qui doit tous nous interroger : les gens qui sont le plus concernés par les politiques publiques sont ceux qui se sentent les moins concernés voire les moins légitimes, les plus résignés, s'émeut Guillaume Couvreur. D'autant que ça n'a pas toujours été le cas. Dans les années 80, des départements plus ouvriers comme le Nord étaient parmi les départements de France où on votait le plus".
Pour les élections législatives à venir, on anticipe de nouveau une importante abstention. En 2017, ce chiffre était monté à 54% au premier tour.