Témoignage. Prix de l'énergie : la maison en paille, une solution économique et écoresponsable

Depuis une dizaine d'années, les constructions qui utilisent la paille comme isolant se multiplient. Le matériau, qui protège aussi bien du froid que de la chaleur, a aussi une durabilité exceptionnelle. Sourcée localement, la paille est aussi à l'abri des risques de pénurie.

 "On voulait une maison écologique, biosourcée et j'ai étudié toutes les possibilités pendant 3 ans. J'ai vu beaucoup de documentation sur la paille, je me suis dit que c'était un très bon isolant, produit localement. On est donc partis sur ce projet" retrace Dominique Bernard. Avec son épouse, ils ont fait construire leur maison à Templeuve-en-Pévèle, dans le Nord, en 2019.

Chez les Bernard, l'ossature de la maison est en bois, et les ballots de paille intégrés qui assurent l'isolation sont placés sur la façade extérieure de la construction. "Ce n'est pas le plus courant sur les constructions paille", précise le retraité.

Dominique Bernard est dithyrambique sur le choix de son isolant. "On a un confort naturel qui est extraordinaire dans cette maison, je crois qu'on dit Feng Shui en japonais ? (rires) Et en plus de ça, c'est génial en termes d'économie d'énergie."

Sur l'an dernier, je n'ai même pas dû consommer trois stères de bois. Cette année, on n'a pas encore allumé le chauffage.

Dominique Bernard, propriétaire d'une maison isolée avec de la paille

En 2021, le chauffage d'un logement comptait pour près de 30% de la consommation d'électricité, selon des données de l'Ademe compilées par France 3. Cette facture d'électricité est en hausse constante depuis 2006, et a augmenté de près de 240 euros en 16 ans. Avec la flambée des prix de l'électricité et du gaz, la maison en paille est une alternative de plus en plus séduisante. 

La facture de Dominique Bernard, elle, a réduit depuis qu'il s'est installé dans sa nouvelle maison. "On a un tout petit feu à bois pour chauffer toute la maison, c'est le plus petit modèle. Je précise que nous avons un étage. Sur l'an dernier, je n'ai même pas dû consommer trois stères de bois. Cette année, on n'a pas encore allumé le chauffage. Je regarde désespérément le thermomètre en me disant que dès qu'on descendra sous 19 degrés, je ferai un feu. Mais ce n'est pas encore arrivé !" plaisante-t-il.

Un secteur encadré, des performances impressionnantes

Le Centre de développement des éco-entreprises (Cd2e), basé à Loos-en-Gohelle dans le Nord, mise énormément sur cette alternative pour accélérer la transition écologique dans les Hauts-de-France. Vincent Thellier, consultant spécialisé dans les filières biosourcées :

"La paille apporte une très bonne isolation et peut tendre vers le label Bâtiment Passif, si elle est associée à de bon matériaux. Cela veut dire que le bâtiment consomme moins de 15kW/h par an et par mètre carré" explique le spécialiste. Pour une maison de 100m² carré qui se chauffe au gaz, cela représente une facture d'énergie d'à peine 120 euros par an. 

Des constructeurs autodidactes et passionnés ont essuyé les revers de la construction en bois pendant plusieurs dizaines d'années. Ce savoir-faire accumulé a permis d'aboutir à des règles professionnelles de la construction en paille. "On a une base qui, si elle est suivie à la lettre, assure la réussite", résume Vincent Thellier. 

"On utilise de tout petits ballots de paille, environ 36 cm sur 46. Avec deux petits ballots, on a une résistance thermique au top du top ! Maintenant, on a des artisans qui le font en préfabriqué, ils préparent des pans de mur. Avec ça, selon la taille de la maison, l'ossature bois et paille peut être assemblée en moins d'une semaine. On gagne du temps et on a des chantiers propres."

La paille doit être une paille de blé, récoltée par des agriculteurs formés et qui utilisent des presses spécialisées. Le pressage assure une paille dense, sans aucun vide d'air. C'est cette densité qui assure une protection complète contre les aléas climatiques. Le froid, bien sûr, que l'on peut redouter tout particulièrement dans les Hauts-de-France, mais aussi la chaleur.

"Plus on va vers un réchauffement climatique avec des pics thermiques longs, plus c'est intéressant, plaide le consultant spécialisé. Quand on a des épisodes climatiques comme cet été, c'est très efficace.  La paille permet un déphasage thermique de 12h à 16h. Cela veut dire que, lorsque la chaleur va atteindre l'intérieur de la maison, la nuit sera déjà tombée à l'extérieur."

Les Hauts-de-France, premier gisement de paille de l'hexagone

Le matériau présente de multiples intérêts en plus de la préservation de la température. La paille est un excellent isolant phonique et un régulateur d'humidité naturel, un atout notamment pour lutter contre le développement d'une maladie respiratoire. 

Le confort de l'habitant est donc assuré et la facture allégée. La paille présente un autre avantage majeure, celui d'être une ressource locale dont le bilan environnemental est sans faille. 

Dans les Hauts-de-France, premier gisement du pays, 7 millions de tonnes de paille sont produites annuellement. "Avec 1 % de cette quantité, on pourrait isoler plus de 25000 appartements de 60 m² chaque année" concluent les études du Cd2e. La paille est issue de la photosynthèse, "donc la production de ballot de paille stocke le carbone au lieu d'en émettre. On est à l'inverse de la production de la laine de verre, qui est obtenue en chauffant du silice, par exemple" illustre Vincent Thellier. 

Le composant est également biodégradable : à la fin de son cycle de vie, il peut être transformé en compost. Cette fin n'est pas prévu de sitôt, assure le spécialiste. "Il existe en France une maison près de Montargis, la "maison feuillette". C'est la plus ancienne maison construite en paille que l'on connaisse. Elle a été isolée avec ce matériau dans une armature bois. Elle a fêté ses 102 ans et les ballots de paille qui ont été utilisés lors de la construction n'ont pas bougé, il n'y a pas eu besoin d'y toucher." Classé mais toujours fonctionnel, le bâtiment abrite aujourd'hui les bureaux du Centre National de la construction paille. 

Un surcoût de construction vite amorti

Y a-t-il alors des inconvénients à l'utilisation de la paille comme isolant ? Pas vraiment, à en croire Dominique Bernard, propriétaire de la maison de Templeuve-en-Pévèle. "Au niveau du prix de la maison, comme on a utilisé beaucoup de matériaux biosourcés, on a quand même eu un surcoût de 20% à 30% du prix d'une maison classique. Mais au final, on est très satisfaits de notre choix. Ces 30%, on va les récupérer plus vite que prévu ! On compte amortir sur moins de 10 ans, c'est vraiment extraordinaire" s'enthousiasme le retraité. 

Il n'a pas non plus eu de mal à faire assurer sa maison. "Il y a dix ou quinze ans, on pouvait avoir des problèmes pour assurer une maison en paille à cause du risque incendie, ce n'est plus du tout le cas. Maintenant, la tenue au feu est équivalente à celle d'une maison classique en brique."

En 2021, selon le Cd2e, 27 projets de construction en paille ont été achevés ou entamés dans les Hauts-de-France et 23 autres étaient à l'étude. Le centre de développement, qui sortira en décembre les chiffres de l'année 2022, parlent d'une année "de montée en puissance". Si vous êtes curieux ou intéressés, les Rencontres régionales bois et paille se dérouleront le 29 novembre, à Lille.