"Demain il n’y aura plus de pharmacies !" les officines alertent avant une grève massive dans les Hauts-de-France

Nouvelles missions peu rémunérées, incivilités en nombre, fermeture des officines et pénurie de médicaments : les pharmaciens “sont à l’os” selon l'Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Pour crier leur colère, les professionnels se lancent dans une série d’actions.

“On se fout de nous, il faut bien qu’on puisse s’exprimer !", argue Grégory Tempremant, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) des Hauts-de-France. Il relaie le mot d’ordre national : une journée de mobilisation et de fermeture des officines le jeudi 30 mai 2024, et une grève des gardes le week-end de Pentecôte du 18 au 20 mai.

Un “coup de semonce” qui pourrait devenir pérenne. “On continuera jusqu’à ce qu’on soit entendu”, assure Grégory Tempremant. Une détermination partagée par ses collègues, qu’il attend nombreux. “On table sur les mêmes chiffres, voire plus, qu’en 2014”, dernier mouvement de mobilisation de la profession. Soit 99% de pharmacies en grève, en raison de la réquisition, par le préfet, d’un établissement par secteur pour tenir une garde essentielle.

Vers un "Amazon du médicament" ?

Bis repetita pour les pharmaciens. À dix ans d’écart, la goutte d’eau qui fait déborder le vase de leur colère est la même. Le projet de dé régularisation, soit la perte de leur monopole de délivrance des médicaments. Proposé en 2014 par Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, il est remis sur la table en 2024 par un rapport du député Renaissance Marc Ferracci.

La libéralisation de la vente de médicaments sur Internet proposée dans le texte inquiète la profession. Derrière l’invention du “Amazon du médicament”, Grégory Tempremant voit “la mort des petites officines”. “Il n’y a déjà plus de médecins, demain il n’y aura plus de pharmacie !”, s’indigne-t-il.

Installé à Comines (59) depuis 2006, ce pharmacien reconnaît une fragilité, surtout économique, du secteur. Avec un peu plus de 2 000 établissements en 2017 contre environ 1 800 en 2024, “les Hauts-de-France ont perdu 10% de leurs officines en 7 ans”. Une accélération des disparitions qui détériore le maillage territorial, déjà largement impacté par les déserts médicaux.

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Pourtant, même quand les patients ont accès à une pharmacie, rien ne leur garantit de ressortir avec leur médicament. La faute à une pénurie massive, de près de 4 400 références selon l’USPO. Un manque d’approvisionnement dû à la baisse continue du prix des médicaments en France selon Grégory Tempremant, “le moins cher d’Europe”.

Face à la pénurie, les pharmaciens improvisent et perdent du temps, “trois heures par jour pour la recherche de médicaments”, selon le président de l’USPO des Hauts-de-France. En plus de remplacer le traitement en rupture, les professionnels tentent de s’entraider. “On fait le tour du secteur le dépannage d’une boîte d’un côté ou d’un autre, mais les gens ne comprennent pas qu’on n’arrive pas à avoir leurs médicaments”, se désole-t-il.

Violentés et peu rémunérés, les pharmaciens "à l'os"

En bon dernier maillon de la chaîne, on en prend plein la tête par des gens exaspérés”, poursuit Grégory Tempremant. Un constat que le baromètre de la sécurité du conseil national de l'ordre des pharmaciens confirme. Avec 475 faits recensés en 2023, contre 366 en 2022, les violences à leur encontre ont bondi de 30%.

Avec plus d'un pharmacien victime de violences par jour, la profession “est à l’os”, reconnaît le nordiste. Une pression que n’est pas venue alléger l’apparition de nouvelles missions. “Un mirage” depuis l’épidémie de Covid-19, avec les tests et les vaccins. Des actes peu rémunérés, “au-dessous du seuil de rentabilité”, détaille Grégory Tempremant.

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Comme le test angine, rémunéré 7€, pour lequel l’établissement dépense 3€ dans son achat. Un reste de 4€ qui imposerait au professionnel, pour respecter son seuil de rentabilité, “de ne passer que quatre minutes avec le patient”. Il en va de même pour les entretiens de prévention à quatre âges de la vie, promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Les pharmaciens sont rémunérés 30€ pour un échange de 45 minutes, “incohérent avec [leur] taux horaire”, dont un tel montant couvre 20 à 30 minutes de travail maximum. Des difficultés financières et de rentabilité “difficile à faire comprendre car les pharmaciens sont vus comme des nantis, des personnes qui gagnent bien leur vie”, reconnaît Grégory Tempremant.

Le début d'une large contestation

Plus que de la considération populaire, les pharmaciens “osent espérer une prise de conscience.” Une réaction attendue du côté du gouvernement mais aussi du député Marc Ferracci et de l’assurance maladie. Les deux premiers pour “assurer qu’il n’y aura pas de libéralisation de délivrance des médicaments”, et le dernier pour mener à bien les négociations conventionnelles “qui piétinent”, détaille le président de l’USPO des Hauts-de-France.

Représentant d’une “profession très résiliente”, il défend cette mobilisation, rare mais nécessaire. “Quand on se mobilise à cette échelle, c’est que les enjeux sont vraiment importants”, insiste-t-il. D’autant que les pharmaciens ne sont pas les seuls à manifester leur colère. Les infirmiers libéraux, les médecins et le personnel des cliniques privées se sont récemment mobilisés. Des mouvements qui tendent à une convergence pour une journée “santé morte, où on ne pourra plus compter sur nos professionnels de santé”, anticipe Grégory Tempremant.

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