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"On a des choses à faire ensemble", mais que fait-on exactement dans un tiers-lieu ?

Les tiers-lieux se sont multipliés partout en France depuis dix ans, souvent mobilisateurs et rassembleurs, mais suscitant parfois l'incompréhension, voire le rejet. Un documentariste, Pierre Verdez, a voulu aller y voir de plus près, à l'Hermitage d’Autrêches, dans l'Oise. Il nous livre un documentaire en immersion, à ne pas manquer jeudi 26 septembre 2024 à 22h50.

Société
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Autrêches est un petit village de l'Oise de 700 habitants, à la frontière de l'Aisne, entre Compiègne et Soissons. Sur ses hauteurs se trouve un groupe de bâtisses abandonnées, l'Hermitage. L'ensemble comprend une vingtaine de bâtiments, pour 2 500 m2 de surface, dont plus des trois-quarts doivent être rénovés et réhabilités. Les terrains concernent 4 hectares de terres cultivables et 24 hectares de forêts. Le tiers-lieu rural, vaste de près de 30 hectares, pourrait devenir le plus grand territoire de transition en France.

Le lieu, anciennement domaine agricole puis hôpital, fut un temps abandonné et fermé au public. Depuis 2017, il reprend vie, petit à petit. Au village, il n'y a plus aucun commerce, la vie sociale est limitée, hormis l'école. Alors, ce tiers-lieu, c'est un moyen d'innover, pour faire le pont entre ville et campagne, tisser du lien en s'occupant d'agriculture et d'éco-rénovation, avant tout. 

Revitaliser la ruralité en voie de désertification 

Certaines personnes ne font que passer, tandis que d'autres s'installent pour y développer des projets à long terme. Pas pour investir dans une affaire, mais s'investir, personnellement et collectivement, pour imaginer et mettre en œuvre, concrètement, d'autres manières de vivre ensemble et faire renaître de l'activité sur un territoire en déshérence. À Autrêches, il y a autant d'habitants aujourd'hui qu'en 1900. 

Les participants au tiers-lieu, qu'ils soient des néoruraux ou des enfants du pays, ont tous une ambition commune : rendre le domaine et ses alentours de nouveau attractifs par l'innovation sociale, écologique et entrepreneuriale. Les fondateurs ont pour certains abandonné leur carrière pour revenir aux fondamentaux : échange, transmission, action. Jean Karinthi, maître d'œuvre du projet, a eu auparavant une riche expérience dans l’humanitaire. Son frère, Frédéric, cofondateur et directeur administratif et financier de l'Hermitage, était ingénieur en travaux publics. Latifa Danfakha a quitté son activité de conseil à Paris pour accompagner les collectivités et PME de la région dans leurs projets de transition vers le développement durable.

Ancien fonctionnaire de police à Paris, Guillaume Bourgeois, a co-créé une société d'aquaponie en 2017, une activité qui recoupe l'aquaculture et le maraîchage autour de trois organismes vivants, les poissons, les bactéries et les plantes. Il aurait pu créer son activité n'importe où, mais c'est "tout le cocon humain" qui l'a attiré à l'Hermitage, assure-t-il. Économie de l'eau, circuits courts, mieux consommer, sont autant de problématiques autour desquelles il peut rencontrer des interlocuteurs au sein du tiers-lieu et résume-t-il, "dialoguer pour trouver des solutions pour l'avenir". 

"Qu'est-ce qui va nous faire vivre ? Qu'est-ce qui va nous permettre de gagner notre vie ? C'est des activités d'accueil, de séminaires, d'entreprises qui sont assez rentables. Il y a des coûts d'investissement pour remettre les locaux aux normes qui sont significatifs. Mais quand tout ça est prêt, c'est extrêmement rentable."

Jean Karinthi, cofondateur, directeur du développement

À l'heure du renouvellement de la ruralité et des mutations de l'emploi, l'Hermitage se veut un laboratoire de transitions adaptées aux défis énergétiques, environnementaux et sociaux actuels. Ainsi, 20 emplois ont été créés depuis 2017 et une trentaine de personnes se retrouvent tous les jours à l'Hermitage, aidées par un collectif de 150 bénévoles lors des animations festives ou des chantiers participatifs.

Habitat, alimentation, emploi, vie culturelle et sociale, l'Hermitage s'est transformé en un laboratoire des transitions. On y vient aussi pour se mettre au vert, à l'occasion de "séjours inspirants".

Concilier accueil de groupes et activités utiles pour les habitants du territoire

Forcément, il y a des sceptiques. Les paysans, les chasseurs et parfois les pouvoirs publics n'ont pas vu le déploiement du projet d'un bon œil. Le maire, Michel Potier, est agriculteur, comme une grande partie des habitants. L'acceptation du projet a été difficile, mais il est devenu aujourd'hui un soutien du projet.

Alors, les membres du collectif vont régulièrement à la rencontre des habitants. Ils participent parfois aux battues avec les chasseurs, histoire de se comprendre. Armelle de Vismes, directrice de l'association depuis 2022, fait en sorte que tout le monde puisse se parler et se rencontrer. Tout simplement, assure-t-elle, en disant aux chasseurs : "on a des choses à faire ensemble". Elle sait qu'ils ont grandi ici, à la campagne. Ils connaissent parfaitement la nature, mais pas forcément tous les enjeux liés au réchauffement climatique. Pour elle, tous ont besoin de progresser dans la compréhension de toutes les problématiques, et cela commence par le partage et l'échange.

La plupart des fondateurs ont grandi à Autrêches. C'est à la fois un avantage et un inconvénient, il peut y avoir des amitiés ou bien des inimitiés. Mais le collectif reste, pour Armelle De Vismes, le fruit d'un attachement profond à cet endroit-là. "Parce que tout le monde en parle, du milieu rural, mais personne n'y investit", argumente la jeune femme.

"Je trouve que c'est beaucoup plus idéaliste de s'accrocher à un monde et à des modèles de production qui sont moribonds que d'essayer de s'organiser concrètement au quotidien pour se préparer à une réalité qui est très proche, qui va nous toucher concrètement dans nos vies. Ces difficultés-là, soit on les vit dans la souffrance et la douleur, soit on les vit dans l'entraide et la solidarité"

Armelle de Vismes, directrice de l'association

Selon Jean Karinthi, cofondateur et directeur du développement, "la problématique du modèle économique et de l'autonomie financière va être déterminante". Il souhaite développer des activités lucratives, comme l'accueil de groupes pour des séjours en immersion et des séminaires et formations d’entreprises, pour équilibrer les activités qui ne le sont pas ou pas encore. Mais d'abord, il faut réparer, rénover et remettre les locaux aux normes.

Fresque murale sur un bâtiment de L'Hermitage @ France Télévisions

"Les transitions qu'on questionne, nous, qui seront parfois plus des chocs que des transitions, sont des sujets extrêmement difficiles à assumer. Ce n'est pas parce que vous avez une proposition à faire que les gens vont vous dire : "génial, je vous attendais !"

Jean Karinthi

L'Hermitage, pari de campagne
Jeudi 26 septembre à 22h50 sur France 3 Hauts-de-France et en replay (30 jours) sur france.tv
Réalisation : Pierre Verdez 
Production : Real Productions / France 3 Hauts-de-France

"Loin des villes", une collection documentaire sur le monde rural en mouvement

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les tiers-lieux : 

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