Alors que toutes les personnes vivant sur le sol français sont appelées à rester chez elles, à Calais, les camps des exilés continuent d'être démantelés. Une situation inacceptable pour l'association Salam qui dénonce l'acharnement du procureur de la République.
Dans un communiqué de presse, ce vendredi 20 mars, l'association Salam qui vient en aide aux personnes migrantes dans le Nord et le Pas-de-Calais a alerté sur la poursuite des démantèlements des camps. Et ce, malgré la mise en place des mesures de confinement depuis le mardi 17 mars.
"Ce vendredi matin, le président de l'association Jean-Claude Lenoir a assisté à deux démantèlements. Il n'y en avait pas eu depuis la mise en place du confinement. On espérait qu'ils aient eu pitié, mais finalement non", déplore Claire Millot, secrétaire générale de l'association.
A Calais, ils sont environ 800 à avoir planté leurs tentes en espérant pouvoir passer rapidement en Angleterre. Ils sont répartis dans six camps. Le camp des Huttes rassemble lui plus d'une centaine de personnes.
La décision du démantèlement revient au procureur de la République de Boulogne. Celui-ci assume totalement : "On réalise des démantèlements depuis quatre ans motivées par des constatations d'occupations illégales du terrain d'autrui. Ces occupations sont tout à fait en contravention avec le droit des propriétaires qui ont porté plainte."
L'entrée de la France dans une période de confinement n'altère pas sa décision : "Rien ne me prouve que ces gens sont malades. On invite les gens qui occupent illicitement un terrain à le quitter."
"Des populations entières sont abandonnées"
Loin de lui l'idée donc de renforcer la précarisation des personnes migrantes : "Au contraire, on est dans l'obligation de nettoyer les espaces après l'évacuation. Dans une période comme celle-ci, il vaut mieux nettoyer les terrains plutôt que de les laisser envahis de détritus et de rats, d'autant que les migrants reviennent les occuper quelques instants plus tard."
Pour Claire Millot, le constat est radicalement différent : "On veut que les Français se rendent compte que des populations entières sont abandonnées. Si une seule de ces personnes était contaminée, ils seraient tous malades car ils vivent forcés, les uns sur les autres."
Le démantèlement des camps renforce selon elle le risque de contamination : "Parfois certaines tentes sont prises par les forces de l'ordre. Quand elles ne sont pas prises, elles sont déplacées, ce qui oblige les exilés à devoir tout remettre. C'est épouvantable quand on sait que le moindre contact peut permettre la transmission du virus. En attendant de les mettre à l'abri, il faut au moins les laisser tranquille", implore Claire Millot.
Des exilés déjà "oubliés du plan de confinement"
Dans une lettre adressée aux préfectures du Nord et du Pas-de-Calais ainsi qu'aux maires de Grande-Synthe et de Calais, les associations ont décrit une situation "innommable". Les réfugiés, pour beaucoup "vulnérables", sont "confinés à plusieurs", "parfois quatre ou cinq dans des tentes de deux places", donc "si un virus se déclenche dans un campement ça va être horrible", dénonce Antoine Nehr, coordinateur d'Utopia 56 à Calais.
Ce vendredi 20 mars, dans un communiqué de presse, la maire de Calais, Natacha Bouchart, a dit avoir "proposé aux services de l'Etat de réquisitionner des bases militaires désaffectées dont les casernements pourraient être rapidement réaménagés pour accueillir, dans de bonnes conditions de confinement - mais aussi d'accompagnement humanitaire -, la population migrante".
Mais selon elle, cette proposition est restée sans réponse. Pour l'instant, les préfectures du Nord et du Pas-de-Calais ont annoncé une série de mesures : communication en plusieurs langues, garantie de l'accès à l'eau et au savon, repérage et prise en charge des personnes présentant des symptômes, maraudes sanitaires assurées par la Croix-Rouge.
Ces mesures restent "insuffisantes" pour Claire Millot alors que "400 personnes entassées doivent se regrouper sur une seule citerne d'eau."
Contactée, la préfecture du Pas-de-Calais rappelle que "tous les jours de la semaine, les migrants qui le souhaitent peuvent être mis à l'abri dans les centre d'accueil et d'examen des situations (CAES)" et que, "depuis août 2017, 4 087 migrants ont été pris en charge dans ce cadre."