Le tribunal administratif de Lille a annulé des arrêtés de la préfecture du Pas-de-Calais interdisant aux associations non mandatées par l'Etat de distribuer repas et boissons aux migrants dans le centre de Calais, a annoncé mardi l'avocat des associations.
"Cela fait jurisprudence", assure l'avocat, Me Patrice Spinosi. "Si la préfecture du Pas-de-Calais prend un nouvel arrêté, on en demandera la suspension par une action en référé sur le fondement de cette décision." Contactée, la préfecture a répondu ne "jamais" commenter les décisions de justice.
Dans un jugement du 12 octobre, le tribunal administratif, saisi par des associations (Secours catholique, Médecins du Monde...), estime que les interdictions édictées par trois arrêtés préfectoraux de septembre, novembre et décembre 2020, "sont disproportionnées par rapport aux finalités poursuivies", notamment parce qu'elles affectent "les conditions de vie de populations particulièrement vulnérables".
Les distributions assurées par l'Etat "insuffisantes"
Le tribunal souligne que "les distributions assurées par l'État", via une association mandatée, La Vie Active, "sont quantitativement insuffisantes" pour "assurer trois repas par jour à chaque personne", étant donné le nombre de migrants sur place. "Conformément à ce que nous lui demandions, le tribunal juge que tant que les autorités ne garantissent pas un accès effectif suffisant des migrants à la nourriture et à la boisson, l'interdiction de distribution ne peut persister aux abords des lieux de vie", a précisé Me Patrice Spinosi. .
Invoquant des "troubles à l'ordre public" et des "risques sanitaires", la préfecture a pris des arrêtés interdisant aux associations non mandatées par l'Etat de distribuer nourriture et boissons dans certaines rues du centre de Calais entre septembre 2020 et avril 2022, puis à nouveau en août 2022 pour une zone moins étendue.
Me Spinosi a salué ce mardi "une grande victoire", estimant que le tribunal administratif condamnait "une pratique particulièrement attentatoire aux droits fondamentaux de ces étrangers, qui limitait leur droit a recevoir l'aide humanitaire qui leur était proposée".
La préfecture attendait cette décision pour savoir si elle pourrait reprendre un nouvel arrêté. En l'état de la décision rendue, cela semble pour le moins improbable.
Me Patrice Spinosi, avocat au conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Les associations avaient d'abord saisi en référé le tribunal administratif en septembre 2020 pour suspendre l'arrêté, sans succès.
Le Conseil d'Etat avait lui aussi rejeté leur recours.
"La préfecture attendait cette décision pour savoir si elle pourrait reprendre un nouvel arrêté", le dernier en date courant jusqu'au 19 septembre, a souligné Me Spinosi. "En l'état de la décision rendue, cela semble pour le moins improbable".
Avec AFP