Mercredi 2 février, un chauffeur de bus est poignardé à trois reprises par un passager qui refusait d'éteindre son joint à Avion, près de Lens. Marc Clément, délégué CFDT, est l'un de ses collègues. Il se veut rassurant sur son état de santé et témoigne du quotidien sur le réseau Tadao.
Le réseau de transport en commun Tadao, géré par la société Transdev compte près de 540 salariés dont 360 conducteurs pour 350 bus sur les réseaux de transports des villes de Béthune, Bruay-la-Buissière, Hénin-Beaumont et Lens dans le Pas-de-Calais.
En grève depuis l'agression de leur collègue, les chauffeurs ont décidé jeudi en fin de journée de reprendre le travail vendredi 4 février après avoir obtenu de la sous-préfecture davantage de présence policière sur les axes à risques et de leur direction l'emploi en CDI de trois personnes qui étaient intérimaires dans les Patrouilles Ambiance Sécurité Fraude (PASF). Trois autres intérimaires seront recrutés.
Comment va votre collègue ?
Il est à l'hôpital. Il a pris trois coups de couteau, deux dans le bras, un dans le dos. Il est sorti des soins. Apparemment, heureusement, aucun organe n'aurait été touché, mais il est très choqué.
Et les équipiers et vous-même ?
C'est la première grosse agression sur le secteur. Les incivilités, les insultes, c'est courant, mais là on est tous choqués. On a donc décidé avec mon collègue de l'UNSA d'exercer notre droit de retrait dès hier.
Votre quotidien et celui de vos collègues s'est-il dégradé ?
J'ai 55 ans et 34 ans de maison. Quand j'ai débuté, il n'y avait pas ce type de problème. Là, ça va crescendo. Les petits trafics au chaud dans le bus, les incivilités, les agressions verbales explosent. Pour certains, le bus leur appartient. Avant, c'étaient seulement certains quartiers qui effrayaient, maintenant je trouve que ça peut survenir n'importe où. Ce qui favorise le stress.
Je ne vais pas travailler la boule au ventre... Mais il y a une appréhension, un stress croissant aujourd'hui.
Marc Clément, chauffeur de bus Tadao-Transdev
Comment réagissez-vous face au danger ?
Pour ma part, je ne vais pas la boule au ventre au travail. Pourtant, il y a 15 ans, en écartant un contrôleur malmené, je me suis pris une raclée par cinq personnes dans mon bus avec pour conséquence 3 ou 4 jours d'ITT. Mais il y a une appréhension, un stress croissant aujourd'hui... Que je trouve plus fort chez les plus jeunes conducteurs que chez les anciens, qui se sont un peu blindés, forgés une carapace. Pour ma part, je fais abstraction de tout, sinon, je me prendrai la tête continuellement avec certains usagers.
Avez-vous des chiffres qui montrent la progression des incivilités ou des agressions dernièrement ?
Non, pas actuellement. Mais je peux vous dire qu'il n'y a pas un mois sans agression verbale ou claque ou gifle. Souvent cela va au tribunal mais souvent aussi, pour les agressions verbales, les chauffeurs ne le disent plus. Ca passe parfois par-dessus la tête.
Comment expliquez-vous cette montée en tension ?
On est en contact avec tout le monde. Les gens sont stressés, certains sur les nerfs, d'autres malades voire dangereux. Comme on est en costume ou en cravate, on représente parfois à leurs yeux une autorité dont ils ne veulent pas.
Comment appréhendez-vous les 7 ans qu'il vous reste avant la retraite ?
Avec appréhension. Maintenant, ça se surmonte. Si j'angoissais je n'irai pas. Et puis, il faut gagner sa croûte, même si ça devient un métier dangereux.