La tempête Ciaran a secoué le Nord-Pas-de-Calais à la fin du mois d’octobre, provoquant des inondations. À la veille de Noël, les familles sinistrées appréhendent les fêtes, entre regroupement ou isolement, difficultés à faire des cadeaux et esprit de Noël à maintenir auprès des enfants.
Alors que les magasins sont pris d’assaut pour les achats de Noël de dernière minute, Vincent Maquignon, lui, consacre son week-end de fête aux travaux de rénovation de sa maison à Blendecques. Samedi matin, il a rendez-vous avec un artisan. Budget, délais et modalités du chantier sont au cœur des discussions, loin devant la bûche et les cadeaux.
“On sacrifie Noël parce qu’on n’a pas le cœur à faire la fête”, explique celui qui admet avoir “eu de la chance d’avoir retrouvé un logement.” Mais “ce n’est pas chez nous” argue celui qui est également adjoint au maire de Blendecques, sinistré depuis près de deux mois.
Sûre que ses deux garçons de 11 et 16 ans sont assez grands pour comprendre que la période est compliquée, Virginie Drouette a à cœur de ne pas passer à côté de cette fête. “Déjà qu’on a tout perdu, si en plus on ne faisait pas Noël, ça aurait été trop dur pour eux”, explique la sinistrée du marais de Guînes, relogée chez ses beaux-parents. Elle fête Noël “en famille et c’est le principal.”
Tout faire pour "ne pas perdre la tradition" de Noël
Parmi les sinistrés, certains avaient prévu d’être l'hôte du repas de Noël, comme Bénédicte Loison. Sinistrée de Guînes relogée dans une maison grâce à des amis, elle reçoit pour le déjeuner du 25 décembre (presque) comme si de rien n'était. “On va chercher des affaires tous les jours dans l'autre maison, on attend les devis et les experts, on a quand même les inondations dans le coin de notre tête”, explique-t-elle.
Mère d'une petite fille de 8 ans, elle “essaie quand même de faire le Noël le plus familial pour ne pas la traumatiser.” Pour l'enfant, il était “important de recevoir les cousins et cousines pour ne pas perdre la tradition et garder l’esprit de Noël”, confie Bénédicte Loison.
Au lieu d’avoir un jouet à 100€ ce sera un à 20€ ou 30€
Bénédicte Loison
Pour le réveillon, Louison Decalf “aurai[t] pu installer tout l’électroménager commandé et passer un bon Noël”. Des problèmes avec la banque l’en empêchent, “elle me donne l’argent au compte-gouttes, je suis sinistré, je viens de recevoir les sous de l'assurance, j’en ai besoin” s’indigne cet habitant de Guînes. Il a dû faire une croix - pour l’instant - sur sa commande de 4 000€ pour remeubler son logement. “Je n’ai plus de congélateur, plus de four” continue-t-il en expliquant qu’“il est techniquement impossible de recevoir [s]es enfants comme prévu.”
Chez Bénédicte Loison, le repas de Noël se fait avec parcimonie. “On fait le minimum, on priorise” explique l’hôte qui remercie ses proches pour leur compréhension car “tout le monde amène quelque chose à manger pour réduire le budget.”
Les économies se font aussi sous le sapin, avec des cadeaux moins chers ou d’occasion confie la mère de famille. “Au lieu d’avoir un jouet à 100€ ce sera un à 20€ ou 30€” admet Bénédicte Loison qui a aussi dû “expliquer à la famille que cette année on ne peut pas en offrir à tout le monde.” Sur sa liste de vœux au père Noël, la famille aurait voulu pouvoir demander “un petit chèque”.
Acheter un cadeau, ce n’est pas l’histoire
Vincent Maquignon
À ses enfants, Virginie Drouette a dû leur expliquer “sans tourner autour du pot” que cette année, il est “plus compliqué d’avoir les cadeaux qu’ils voudraient.” Les travaux de la maison ne sont pas encore chiffrés, mais “rien que pour le matériel, j’en ai pour plus de 7 000€” confie-t-elle.
Chaque parent sinistré adapte ses cadeaux
Pour le père de deux garçons de 15 et 20 ans, “acheter un cadeau, ce n’est pas l’histoire.” Lui, il apprécie de se retrouver en famille. Cette année, il sacrifie ce moment, au profit de sa bataille quotidienne avec les assurances. “On se demande ce qu’ils nous accordent”, soit 800€ mensuels pendant six mois pour le loyer de la maison dans laquelle ils sont relogés.
Noël c'est moins les cadeaux mais plus la famille, pour se retrouver.
Bénédicte Loison
À 8 ans, la fille de Bénédicte Loison “ne croit plus au père Noël”, ce qui rend moins difficile l’explication des restrictions financières autour des cadeaux. L’enfant comprend tout à fait et relativise sa liste de vœux “ça maman je n’en ai pas besoin, je ne vais pas jouer avec” lui a-t-elle dit. “Elle voulait une grande dînette en bois et m’a dit ‘on ne va pas l’offrir à Noël parce qu’on n’a pas la maison’, donc ça sera pour son anniversaire en mai, si on est à nouveau à la maison” raconte la maman, étonnée “d’entendre ces paroles d’adulte” de la bouche de sa fille.
Dans ce parcours sinueux, la sinistrée de Guînes revoit sa vision de Noël qui représente “moins les cadeaux mais plus la famille, pour se retrouver.” Cette année elle est aussi détachée de l’esprit des fêtes “on fait les choses à la dernière minute, parce qu’il faut mais on n’a ps l’esprit de Noël” déplore la mère de famille. Cela reste une “parenthèse de 2 ou 3 jours où ça fait du bien de penser à autre chose” reconnaît-elle finalement.