Du 8 au 11 juin aux assises de la Somme, la famille d’Isabelle Mesnage, une jeune informaticienne tuée et violée près d’Amiens en 1986, fait enfin face au tueur en série, accusé d’avoir commis, comme il l’avait avoué avant de se rétracter, son "tout premier meurtre".
Il est déjà condamné à perpétuité mais mardi 8 juin, Jacques Rançon fait de nouveau face à une cour d’assises. Le "tueur de la gare de Perpignan" est cette fois jugé à Amiens dans l’affaire Isabelle Mesnage, un "cold case" vieux de 35 ans, à l’époque où l’accusé vivait encore dans la Somme.
Le papa a 88 ans. Je ne suis plus sûre qu’il soit en état de venir à l’audience. Mais lui comme la maman, le frère et la belle-soeur, attendent ce procès. Pas forcément des détails, c’est tellement terrible ce qu’Isabelle a subi. Mais que justice lui soit rendue, parce qu’elle a trop longtemps été la victime oubliée, abandonnée, mise de côté.
Le 3 juillet 1986, le corps de l’informaticienne de 20 ans, violée, est découvert dans un bois de Cachy, près de Villers-Bretonneux. En 1992, l’enquête débouche sur un non-lieu. Mais quand Jacques Rançon est arrêté en 2014, l’avocate Corinne Herrmann, spécialiste des tueurs en série, établit un lien avec l’affaire samarienne non-résolue qu’elle surveille de loin depuis une dizaine d’années. En 2018, elle obtient l’ouverture d’une enquête préliminaire et un juge d’instruction finit par rouvrir le dossier.
Quel est ce lien ? Essentiellement une mutilation du corps. "Je travaille sur les tueurs en série depuis 25 ans et je n’ai jamais vu ce type de blessure sur d’autres victimes que celles de Perpignan et Isabelle Mesnage", confie Maître Herrmann.
Après avoir avoué, l’accusé nie toute implication
Le 20 juin 2019, Jacques Rançon avoue le meurtre de la Samarienne, en donnant "des détails qu’on n’avait pas et que seul le tueur pouvait connaître", précise l’avocate des parties civiles. Transféré en juillet à la maison d’arrêt d’Amiens pour faciliter l’enquête, le suspect est emmené sur le lieu du meurtre et invité à préciser ses dires. Mais le 18 octobre, il revient sur ses aveux.
Présumé innocent, l’accusé reste sur sa position de l’automne : "Il n’a jamais vu cette jeune fille", martèle son avocat, qui le suit depuis 2014 et considère qu’on veut "le faire rentrer au chausse-pied dans ce carcan".
Ses aveux ont été obtenus au bout de 40 heures de garde-à-vue, dans des conditions douteuses, vue la façon dont les choses ont été amenées. Il les avait réitérés sur la lancée devant le juge d’instruction, mais je l’avais trouvé épuisé : je crois qu’il en avait un peu marre et qu’il a dit au juge ce qu’il voulait entendre. C’est du Rançon.
Xavier Capelet assure que, dans l’enquête et les autopsies de l’époque, "à aucun moment il n’est question de mutilation". Quant aux nouvelles analyses du corps exhumé : "les experts ne sont pas du tout d’accord sur l’interprétation à donner au peu de traces visibles aujourd’hui", affirme l’avocat, qui raille "l’intuition d’une avocate qui a apparemment des dons de voyance". La défense annonce qu'"il y aura des explications à obtenir des enquêteurs et du procureur des éléments volontairement occultés parce que ça ne colle pas".
"À part les plus pervers comme Fourniret, tous les tueurs font ça, se rétracter après avoir avoué en garde-à-vue, Jacques Rançon l’avait déjà fait pour Perpignan", rétorque maître Herrmann. Elle prévient qu’au-delà de la mutilation, d’autres éléments à charge seront détaillés à l’audience.