Témoignage. Florence Crimon, journaliste amiénoise en Italie : "avec des sacrifices le confinement ça fonctionne"

Publié le Mis à jour le Écrit par Eline Erzilbengoa
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Amiénoise d'origine, Florence Crimon travaille depuis 6 ans comme journaliste au bureau de France 2 à Rome. Depuis le début de la crise sanitaire, elle couvre l'actualité italienne. Alors que le nombre de morts du coronavirus n'a jamais été aussi élevé, elle évoque certains signes encourageants.

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Cela fait depuis bientôt 3 semaines que les Italiens sont confinés, comment le vivent-ils ?

Quand les premières mesures ont été annoncées par le gouvernement de Giuseppe Conte, on a vu de vraies scènes de panique en gare de Milan où les Italiens du Nord essayaient de fuir vers le sud du pays pour ne pas être enfermés dans la région de la Lombardie, car au départ c’était la seule zone rouge.
 

Ça fait un choc, on se dit qu’on ne pourra plus rien faire, qu’on ne pourra plus sortir. Finie la Dolce Vita. 


Deux jours après, il annonce que tout le pays est désormais une grande zone rouge, mêmes restrictions aussi bien pour la Lombardie que pour toutes les autres régions du pays. Là je me suis dit, wow, on pensait que ce n’était qu’une histoire chinoise, mais nous voilà nous aussi touchés de plein fouet en Italie. 
 
Ça fait un choc, on se dit qu’on ne pourra plus rien faire, qu’on ne pourra plus sortir. Finie la Dolce Vita. Quand je me déplace dans la rue pour aller travailler, les rues sont désertes et c’est encore plus flagrant le soir quand on regarde par la fenêtre, c’est beau de voir les Italiens chanter à 18h au balcon mais c’est très étrange de voir les terrasses vides des restaurants fermés. Les seuls passants dans mon quartier sont ceux qui font la queue en dehors du supermarché où chacun attend son tour pour rentrer, masqués, à 1 mètre de distance l’un de l’autre.

La semaine dernière le long du Tibre, j’ai aperçu certaines personnes se promener, faire leur footing mais le jour suivant, seule une voiture de la police patrouillait sur les rives du fleuve. La police a intensifié les contrôles et fait, chaque jour, la chasse aux fraudeurs qui se déplacent sans certifications.


Le nombre de morts ne fait qu'augmenter, on se dit quoi à ce moment-là ?

Tous les jours à 18h, la protection civile italienne donne le bilan des dernières 24h, les chiffres sont terribles, chaque jour en Italie, il y a environ 700 morts. 969 aujourd’hui (vendredi 27 mars) ... C'est une très mauvaise nouvelle, c’est le chiffre le plus élevé depuis l’épidémie en Italie. Mais les résultats positifs des mesures de confinement ne peuvent pas être immédiats, alors on se dit et on espère que les efforts que chacun fait au quotidien se verront dans les semaines à venir et que la courbe du nombre de morts finira par s’inverser.
 


Est-ce que les Italiens ont un regard sur ce qu'il se passe en France ? 

Quand on a vu les Français, en masse, aller au parc par un jour de beau temps, on s’est dit non ne faites pas cette erreur, évitez les sorties inutiles, regardez ce qui se passe juste à côté chez nous en Italie, regardez le nombre de cas de contagion, regardez le nombre de morts. Car dans cette crise, l’Italie a de l’avance sur la France, il y a environ une semaine de décalage entre nos deux pays, ce qui se passe ici risque malheureusement de se produire en France ensuite.
 

C’était assez déplacé de voir les scènes de joie après le match PSG-Borussia Dortmund à l’extérieur du stade, quand l’Italie, elle, compte ses morts
 

Et puis vous connaissez la passion des Italiens pour le football… C’est terrible pour eux que le championnat soit en suspens voire totalement suspendu, finis les matchs du samedi ou du dimanche, alors c’était assez déplacé de voir les scènes de joie après le match PSG-Borussia Dortmund à l’extérieur du stade, quand l’Italie, elle, compte ses morts. Incompréhension aussi de voir que le premier tour des municipales s’est tenu, pourquoi appeler les Français à aller aux urnes et en même temps les inviter à rester chez eux ?


Comment cela se passe pour vous en tant que journaliste ?

Au bureau de Rome, nous avons réagi très vite, dès le début de cette actualité. J’étais en tournage sur l’ile d’Elbe, avec le correspondant Alban Mikoczy, le 21 février dernier, puis on a vu qu’il y avait 6 cas de Coronavirus dans le nord du pays, dans la petite ville de Codogno, alors sans attendre on a repris le bateau pour le continent puis 4 longues heures de route en voiture pour rejoindre le nord de l’Italie, dans la soirée les cas étaient déjà de plus en plus nombreux, il y en avait des dizaines et des dizaines…
 
Le lendemain de notre arrivée on est allé dans les rues de Codogno pour recueillir les témoignages des quelques habitants de sortie, ils faisaient leurs courses. Nous n’avions pas de masque, car comme pour tout le monde, c’était la rupture de stock dans toutes les pharmacies, on en a récupéré les jours suivants à l’hôpital de Piacenza. Pour les interviews on essayait le plus possible de maintenir une certaine distance avec les interlocuteurs et on se lavait les mains constamment. On est resté une semaine entre Codogno, Piacenza et Milan pour réaliser des reportages pour les JT de France 2 de 13h et de 20h. Puis nous sommes rentrés à Rome et on s’est mis en quarantaine, en auto-confinement pour ne pas contaminer les amis ou les collègues.


Et désormais, vous êtes toujours sur le terrain ? 

Je retravaille depuis deux semaines, on monte des sujets depuis Rome, en récupérant des images, notamment sur la ville de Bergame qui connaît une vraie hécatombe. Demain (samedi 28 mars), nous repartons dans le foyer de l’épidémie, là où tout a commencé, à Codogno. Pour montrer la situation un mois après car il y a des signes encourageants, le nombre de patients qui sortent des hôpitaux est supérieur aux nouvelles admissions des cas de Covid-19. Pour montrer que le confinement, avec le temps, avec un peu de patience et quelques sacrifices, ça fonctionne et que c’est important de rester chez vous !
 
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