Emmanuel Macron, en terre picarde pour deux jours, ne pouvait faire l’impasse sur une rencontre avec les ex-Whirlpool, dont le sort a connu de bien tristes rebondissements ces deux dernières années. Ce 22 novembre, le président est attendu au tournant.
Avril 2017, à l’entre deux tours de la présidentielle. Le candidat Macron rencontre les syndicats de Whirlpool à la chambre de commerce d’Amiens. La campagne bat son plein et pendant qu’il échange avec l’intersyndicale, Marine Le Pen lance les hostilités : sur le parking de l’usine, elle prend la pose avec certains salariés et irrigue les réseaux sociaux à grand renfort de selfies. Cette séquence, véritable coup de communication politique de la candidate frontiste sur les terres de son opposant, ouvre alors le dossier Whirlpool pour celui qui n’est pas encore élu. Whirlpool, ce sont près de 300 salariés et autant d’intérimaires dont l’emploi est menacé. Mais le candidat tient bon et ne tarde pas à répliquer.
Quand il se rend finalement sur le parking de l’usine quelques heures plus tard, c’est pour rassurer les salariés : “Il y a pas de recette miracle, je ne suis pas venu vous promettre des monts et merveilles, mais j'ai pris deux engagements pour Whirlpool, le combat je le mènerai.” Les salariés lui rappellent à son bon souvenir François Hollande et Florange, la promesse que l’ancien président n’aurait, peut-être, pas dû tenir. Le spectre des hauts-fourneaux mosellans plane alors sur la visite du candidat Macron. “La difficulté dans ce genre de situation, souligne Alexandre Delaigue, enseignant en économie à l’Université Lille I, c’est que certains cas de restructuration ou plans de licenciement émergent parfois dans le monde médiatique et parviennent à avoir un écho."
Même salle, autre ambianceMais c’est pas parce que quelque chose a un écho que le problème va être facile à résoudre.”
Pourtant, six mois plus tard, c’est une toute autre ambiance qui règne sur le site alors que le président de la République vient échanger avec les salariés. Le picard Nicolas Decayeux a présenté un plan de reprise, le groupe Whirlpool a accepté l’offre au début du mois de juillet et promesse est faite de sauver ainsi la quasi totalité des emplois, 277 sur 290. L’heure est à la fête en ce début d’octobre 2017 : même si l’usine est promise à la fermeture le 31 mai 2018, elle sera donc remplacée par WN - pour Whirlpool Nicolas.
La production de sèche-linge est délocalisée à Lodz en Pologne, où le salaire minimum est fixé à 540 euros par mois et la nouvelle activité du site n’est pas encore connue avec précision. Qu’importe, le président l’assène : le plan de sauvegarde de l’emploi est “exemplaire” et la réussite repose sur des “salariés [qui] ont un savoir-faire et n'ont jamais joué la politique du pire.
Apostrophé par François Ruffin, le natif d’Amiens défend ses réformes.Ils n'ont jamais pris l'usine en otage [...] Quand les salariés savent faire cela, ça paye.”
Une embellie de courte durée
Le 31 mai 2018, le dernier sèche-linge sort de la ligne de production, c’est le 200è de la nuit. Dès le lendemain, toute la chaîne sera démontée et le site sera occupé par WN, la nouvelle société, pour produire des casiers réfrigérés et des pièces de voiture électrique. 186 ex-Whirlpool doivent commencer à travailler en septembre après une formation. L’État mettra la main à la poche à hauteur de 4,5 millions, Whirlpool 11 millions. Au même moment, Emmanuel Macron fête la première année de son quinquennat, et donne une réception en l’honneur des personnalités engagées pour le patrimoine : il présente ce jour-là le loto du patrimoine, porté par l’animateur Stéphane Bern.
Un an après, c’est un fiasco : les salariés sont désoeuvrés, le carnet de commande ne se remplit pas suffisamment, la gestion semble hasardeuse et le 3 juin 2019, l’entreprise est placée en redressement judiciaire. Deux mois après, le 30 juillet, l’offre de reprise - partielle - d’Ageco agencement est validée par le tribunal de commerce. C’est la fin pour la majeure partie des salariés puisque le repreneur ne peut s’engager que sur 44 emplois.
“Ce qu’on apporte en médiatisant répond aux besoins de la médiatisation. Or le temps de la médiatisation n’est pas le temps de l’entreprise, et il va exiger des résultats immédiats”, précise Alexandre Delaigue qui ajoute : “L’on se souvient encore de Lionel Jospin qui avait déclaré que l’État ne peut pas tout, et combien les politiques lui sont ensuite tombés dessus. [...] Ce n’est plus que de la communication, et dans cette logique, il faut promettre beaucoup et laisser les problèmes pour plus tard.
Le risque pour les salariés étant de se retrouver instrumentalisés dans une stratégie de communication.”
Si le candidat Macron ne s’était engagé à rien tout soutenant le combat des salariés, le président avait chanté les louanges de la reprise. Le revoilà en terres amiénoises et à la rencontre d’anciens syndicalistes et salariés de Whirlpool et de WN. Attendu au tournant, il se défendait dans les colonnes du Courrier Picard : “C’est moi qui ai demandé à les voir. Parce que je suis venu en campagne à un moment où ils avaient peur pour leur avenir. (...) Et comme eux, j’y croyais. Comme eux, j’ai été déçu.” Une catastrophe pour François Ruffin, un échec pour les familles sur le carreau. Et une épine dans le pied du quinquennat du candidat “ni de gauche, ni de droite”: les anciens Whirlpool sont allés à la rencontre d'Emmanuel Macron pour le voir en dehors du huis-clos prévu ce vendredi 22 septembre, peine perdue. Le cortège d'une centaine de personnes s'est heurté à une fin de non recevoir. De quoi chauffer les esprits d'ici l'échange prévu à 9h30.