De retour de la COP15 de Montréal, Emmanuel Maquet, député LR de la 3e circonscription de la Somme, s'est montré très enthousiaste vis-à-vis de l'accord signé par les pays participants pour protéger la biodiversité. Le texte est pourtant critiqué par les défenseurs de l'environnement pour son manque d'ambition.
Interviewé sur le plateau de France 3 Picardie à son retour de la COP15 de Montréal pour la protection de la biodiversité, le député LR de la troisième circonscription de la Somme Emmanuel Maquet, membre de la commission développement durable du Parlement, se montre très enthousiaste. "Pour la première fois dans l'histoire du monde, un accord international, 190 pays à l'unanimité reconnaissent que la sauvegarde de la biodiversité, c'est essentiel à la vie sur Terre", salue-t-il. La situation est en effet pressante : un million d'espèces sont en voie d'extinction, ce qui représente plus de 10 % des espèces connues.
Le texte adopté le 19 décembre, appelé accord de Kunming-Montréal, est pourtant critiqué par les associations de défense de l'environnement. En premier lieu parce qu'il n'est pas contraignant : il fixe 23 "cibles" pour préserver la biodiversité, mais ne prévoit aucune sanction pour les États ne les respectant pas. Pour mémoire, c'est en juin 1992 à Rio que la première convention sur la protection de la biodiversité a été ratifiée par 193 pays. Elle n'était pas contraignante.
Les objectifs forts de l'accord
La mesure qui fait couler le plus d'encre, c'est la protection de 30 % de la surface de la planète. Actuellement, 17 % des terres et 10 % des océans sont des aires protégées. "La France est avant-gardiste", a salué le député Emmanuel Maquet. Les chiffres vont dans ce sens : en 2022, 33 % des eaux territoriales françaises sont déjà protégées.
Ce que certaines associations soulignent, par contre, c'est le manque d'efficacité de cette protection pour empêcher l'effondrement de la biodiversité. Ainsi, l'ONG Bloom critique le fait que la pêche industrielle continue à dépeupler des zones pourtant protégées de l'océan, comme au début du mois de décembre où huit chalutiers industriels ont pêché dans des aires marines protégées au large de Calais et Dunkerque. Une situation qui impacte aussi les petits pêcheurs français.
"Il y a déjà un millefeuille administratif pour protéger la biodiversité, souligne Patrick Thiery, président de Picardie Nature. Mais c'est toujours aux associations de défense de l'environnement de faire constater les manquements, alors que nous sommes majoritairement des bénévoles". Cette inadéquation entre les textes et la réalité, le militant écologiste la constate dans la baie de Somme, où la présence d'embarcations touristiques mène parfois à la séparation de jeunes phoques de leurs mères.
"Il faut inverser la charge de la preuve"
Patrick Thiery, président de Picardie NatureFrance 3 Picardie
"Cela devrait être aux opérateurs de prouver qu'ils n'ont pas d'impact, pas à nous de montrer qu'il y en a un, il faut inverser la charge de la preuve", ajoute Patrick Thiery. Il explique que malgré les lois qui existent déjà pour protéger la biodiversité, elle continue à s'effondrer. "La population de chauve-souris noctule est en nette diminution, c'est dû aux éoliennes, détaille-t-il, pourtant il y a une loi pour les brider la nuit. Mais dans les faits, on en arrête qu'une, alors qu'en Allemagne par exemple, c'est tout le parc qui est éteint la nuit. Donc les politiques choisissent de privilégier l'électricité sur la biodiversité, même si dispositifs existent".
Son association ne s'oppose pas aux éoliennes mais souhaiterait que les préfets mettent en œuvre les mesures nécessaires pour réduire leur impact sur les chauves-souris, dont toutes les espèces sont protégées. Picardie Nature salue néanmoins quelques progrès, comme dans l'Aisne où le parquet de Lens a sommé des agriculteurs de replanter des haies, alors que 70 kilomètres avaient été arrachés ces dix dernières années.
La difficile question des pesticides
L'accord du 19 décembre fixe l'objectif de réduire les risques associés aux pesticides de 50 % d'ici à 2030. Sur les terres agricoles de la Somme, de l'Aisne et de l'Oise, l'enjeu est de taille. "Les chercheurs doivent nous proposer des solutions alternatives", souligne le député Emmanuel Maquet. Il cite notamment l'exemple de la culture de la betterave pour laquelle l'utilisation des néonicotinoïdes, une famille de pesticides connue pour décimer ses effets délétères sur le vivant, a été autorisée jusqu'en 2023.
Une opinion partagée par un agriculteur qui explore ces solutions alternatives. Dans l'Yonne, Arnaud Rousselat est agriculteur bio et cultive, entre autres, des betteraves sucrières. Une culture très technique pour laquelle les risques sont nombreux. "Les risques commencent dès la préparation du sol, où nous devons nous assurer qu'il ne se dessèche pas, explique-t-il, car pour réduire le risque de pucerons nous cultivons la betterave plus tard que dans l'agriculture conventionnelle donc nous sommes plus exposés à l'aléa climatique. Il y a aussi une moisissure qui s'installe dans les galeries creusées par un charançon, contre cela nous testons des micro-organismes qui la concurrencent, avec de bons résultats. Il y a enfin la difficile question de l'azote avec laquelle on nourrit les cultures, qui augmente le taux de sucre, mais attire aussi les insectes".
"Nous avons un grand pas à faire sur les connaissances agronomiques"
Arnaud Rousselat, agriculteur bioFrance 3 Picardie
Ces solutions basées sur la biodiversité, Arnaud Rousselat les expérimente par défi, mais il reconnaît que le prix auquel il vend ses betteraves sucrières biologiques n'est pas incitatif face à tous les risques qu'entraîne cette culture. Pour lui, "l'agriculture a beaucoup progressé sur la mécanisation, mais maintenant nous avons un grand pas à faire sur les connaissances agronomiques. Il faut s'approprier les mécanismes naturels, nos connaissances sont encore trop limitées. Avec un travail sur la vie du sol, les rotations et sur les variétés, cela offrira des solutions".
D'après Arnaud Rousselat, c'est une meilleure utilisation de processus naturels qui permettra aux agriculteurs d'utiliser moins de produits phytosanitaires, car l'interdiction d'une substance ne suffit pas. "Si l'on interdit les néonicotinoïdes, mais qu'à la place on se retrouve à pulvériser trois autres produits dans l'air, souligne Arnaud Rousselat, ce n'est pas forcément une solution". Les filières doivent évoluer pour permettre une transition sans mettre la survie des agriculteurs en péril.
La difficulté à faire émerger un nouvel équilibre agricole illustre bien le fond des critiques émises sur la COP15 sur la biodiversité : la conscience de l'urgence de la situation est partagée, mais les actions se font encore attendre. Comme le souligne le président de Picardie Nature Patrick Thiery, "la réglementation existe déjà, ce qui manque pour protéger réellement la biodiversité, c'est la volonté politique pour faire appliquer ces lois. C'est une machine infernale qui est en route et pour l'instant, nous n'avons pas d'autre solution que le rapport de force".