Les Hauts-de-France leaders de la méthanisation, une ambition qui divise les élus dans les communes

Alors que le projet de méthaniseur d'Auneuil, dans l'Oise, est confronté a des difficultés et a mené à une démission massive du conseil municipal, à Amiens, la méthanisation a fait débat lors du conseil communautaire du 15 décembre. La région Hauts-de-France veut devenir leader de la méthanisation mais sur le terrain, le risque politique est bien réel.

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À Auneuil, dans l'Oise, un projet de méthaniseur divise la commune depuis 2019 et a récemment mené à la démission de 14 membres sur les 27 que compte le conseil municipal. Du côté d'Amiens, deux recours au tribunal administratif ont été déposés contre un projet de méthanisation d'Amiens Métropole entre Dreuil-lès-Amiens et Ailly-sur-Somme. Lors du conseil communautaire du 15 décembre, c'est le projet de méthaniseur à Saleux qui a divisé les élus.

La région Hauts-de-France veut être leader de la méthanisation

D'après une étude menée en 2021 auprès de 1 000 habitants des Hauts-de-France par GRDF, 79% se déclarent prêts à consommer du "gaz vert", c'est-à-dire du gaz produit par méthanisation. Mais seulement 49% savent que ce gaz est produit de façon locale. C'est peut-être cet écart qui explique la forte opposition à l'installation de méthaniseurs dans les communes : l'idée de consommer du "gaz vert" ne dérange pas, celle d'avoir ces cuves à côté de chez soi, si.

La tension se renforce dans le contexte actuel, avec la volonté gouvernementale d'une plus grande autonomie énergétique. Le biogaz produit par les méthaniseurs est considéré comme une énergie renouvelable, son développement peut donc aider à atteindre l'objectif de 40% d'énergies renouvelables d'ici 2030, fixé par l'État. C'est à Lille que du gaz produit par méthanisation a été injecté pour la première fois dans le réseau d'approvisionnement français, en 2011.

La production locale de gaz est un enjeu majeur pour la région : 50% des foyers des Hauts-de-France sont alimentés par cette énergie, contre 35% à l'échelle nationale. L'État encourage le développement de cette énergie. En 2018, les règles se sont assouplies : pour installer une unité où moins de 100 tonnes de matières sont amenées chaque jour, un enregistrement en préfecture suffit. L'avis des conseil municipaux et de la population est uniquement consultatif. Au delà de cette quantité, il faut une enquête publique.

Sur le terrain, les projets font débat

La plupart des projets de méthaniseurs récents prévoient donc de "consommer" environ 90 tonnes de matière par jour. C'est par exemple le cas du projet de méthaniseur à Auneuil, près de Beauvais dans l'Oise, qui prévoit l'apport de 99,7 tonnes de matières premières par jour. Porté par le maire et 16 autres agriculteurs, il semble en mauvaise voie. Le 14 décembre, la majorité au conseil municipal de la commune, qui avait voté contre le méthaniseur en octobre, a démissionné. Tout repose maintenant sur la décision de la préfecture de l'Oise, qui semble pour l'instant hostile au projet.

Mais le maire de la commune, Hans Dekkers, est prêt à user de tous les recours, jusqu'au tribunal administratif, pour que le projet voit le jour. "Des gens ont démissionné, mais je vais retourner au charbon, je ne vais pas lâcher, déclare-t-il. Je ne fais pas ça pour remporter une victoire mais pour la commune. Je suis ingénieur et je sais que c'est une solution positive pour l'environnement".

Amiens Métropole veut aussi promouvoir la méthanisation. La communauté de communes a publié un appel à manifestations d'intérêt (AMI) pour l'installation de quatre méthaniseurs d'ici 2026. Mais les projets déjà en cours divisent aussi : l'installation d'une infrastructure entre Dreuil-lès-Amiens et Aillly-sur-Somme a fait l'objet de deux recours au tribunal administratif en 2021, le tribunal n'a pas encore rendu sa décision.

"Notre rôle n'est pas de jeter le doute sur la filière mais de le lever"

Julien Pradat, membre du groupe d'opposition d'Amiens Métropole

Un autre projet a fait son entrée sur le devant de la scène politique lors du conseil communautaire d'Amiens Métropole le 15 décembre. Le groupe d'opposition Amiens c'est l'tien a interpelé la majorité sur l'enregistrement par la préfecture, le 7 novembre 2022, du futur méthaniseur de Saleux. Pour Julien Pradat, membre du groupe qui a questionné la majorité, "notre rôle n'est pas de jeter le doute sur la filière, mais de le lever, puisqu'il reste des doutes sur la proximité des habitations et les zones d'épandage. Nous soutenons la méthanisation, mais nous souhaiterions une meilleure information des populations". En novembre, les élus d'opposition de Saleux envisageaient un recours au tribunal administratif.

Les raisons de la colère

Les registres des consultations publiques le montrent, les populations s'opposent à l'installation des méthaniseurs pour plusieurs raisons. Ils craignent d'abord la circulation de poids-lourds et tracteurs qui amènent les matières premières des méthaniseurs, souvent des fumiers, déchets agricoles, agroindustriels et parfois des graisses industrielles.

La perte de valeurs des habitations proches est également évoquée. Marc Chantrelle, retraité habitant d'Auneuil, écrit ainsi lors de la consultation publique : "Ma maison a déjà perdu de sa valeur du fait de ce projet (...) j'ai vraiment peur pour la suite des événements". Pour le maire d'Auneuil, ces craintes sont infondées car le futur méthaniseur est éloigné des habitations et les camions ne traverseront pas le bourg. C'est également un point de contestation du projet de Saleux, qui n'est qu'à 430 mètres des premières habitations.

Le risque de pollution de l'eau et de nuisances olfactives est aussi très présent dans les craintes formulées par les habitants. Outre le gaz, un méthaniseur produit du digestat : les restes solides et liquides des déchets après la production de méthane. Ce digestat est parfois enfoui, le plus souvent, il est épandu dans les champs comme un engrais. Si les défenseurs de la méthanisation le présentent comme une solution écologique remplaçant les intrants chimiques, des chercheurs soulignent l'absence de recul sur l'impact de cette matière sur les sols. La nature des digestats varie selon les méthaniseurs et leur matière première. Des études sont en cours pour collecter des données sur les effets de leur utilisation.

Dans l'incertitude, si la méthanisation fait rêver certains décideurs, la conduite des projets tourne parfois au cauchemar politique.

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