Pendant toute son année de 4ème, Lola*, a subi des insultes, moqueries et menaces dans un collège de la Somme. Ses parents ont alerté la direction de l'établissement, mais n'ont pas été satisfaits par la prise en charge et l'ont changée de collège. Si le quotidien s'est amélioré pour l'adolescente, la situation reste très difficile. Sa mère se confie à France 3.
C'est avec beaucoup d'émotion dans la voix que la maman de Lola*, aujourd'hui en classe de troisième, se confie sur le calvaire de sa fille. Tout serait parti d'une dispute entre Lola et sa meilleure amie de l'époque, en septembre 2022. Les parents ont rapidement découvert que ce différend avait dégénéré.
"Petit à petit, de moins en moins de personnes parlaient à ma fille, ensuite ça a continué par des insultes, des moqueries", nous racontait la maman au mois de mars 2023, alors que sa fille n'allait plus au collège.
"Ma fille ne voulait plus se nourrir, et ça a continué par des scarifications. On n'a pas envie qu'un drame arrive"
Mère de Lola
À l'époque, après plusieurs mois d'échanges avec le rectorat et la direction de l'établissement, la solution proposée pour permettre à Lola de retourner au collège n'avait pas satisfait les parents. "Ils nous ont proposé que ma fille se rende au collège par demi-journées, et qu'elle soit, pendant la récréation, devant le bureau de la principale avec une copine. J'estime que ce n'est pas à ma fille de se cacher, de s'isoler, elle a le droit de vivre, d'être entourée."
Une plainte classée sans suite
Les parents décident alors de respecter le souhait de leur fille de 14 ans et de l'inscrire dans un autre établissement, à une vingtaine de kilomètres de là. Aujourd'hui, la mère assure que cette décision a changé le quotidien de sa fille. "Elle a repris les cours dans son nouvel établissement en mai 2023 et ça se passe très bien. Elle a été bien accueillie, ils ont très bien compris et elle est bien entourée : elle est super contente."
Quelques semaines plus tard, ils apprennent que la plainte qu'ils ont déposée contre trois harceleurs présumés a été classée sans suite. Un nouveau coup de massue pour les parents. "Je suis très en colère contre la justice, si les choses avaient été faites correctement dès le début, on n'en serait pas là et on aurait pu reprendre une vie normale. Ce n'était pas à ma fille de changer d'établissement", confie la mère.
Pour la bâtonnière de l'Ordre des avocats d'Amiens, Sérène Medrano, il est nécessaire que "la peur change de camp" et que "ce soit le harceleur qui change d'école". Mais elle souligne tout de même que le classement sans suite est tout de même à relativiser. "Déjà, on peut faire un recours, mais surtout "classé" ne veut pas dire "complètement arrêté". Si d'autres éléments sont apportés au dossier, il peut tout à fait être réactivé. C'est un sentiment de frustration pour les victimes qui ont l'impression que la justice ne les soutient pas dans leur combat, mais en réalité, la justice est présente", estime-t-elle. L'avocate admet néanmoins qu'il faut faire avancer les choses. "
Des insultes au-delà des murs du collège
Dans le cas de Lola, malgré le changement d'établissement salvateur, les plaies ne sont pas complètement pansées, et pour cause : d'après la maman, le harcèlement continue en dehors de l'environnement scolaire, avec un nouvel événement survenu au début de l'été. "On a découvert un live sur un réseau social. La harceleuse a réussi à se mettre en contact avec des élèves du nouvel établissement de notre fille, et on a vu des insultes, raconte-t-elle. Peu importe où elle ira, ça continuera toujours. (...) Quand ma fille se balade avec son cousin dans le village, si elle a le malheur de les croiser, elle se fait insulter de tous les noms."
Elle assure également avoir été la cible, avec son mari, d'insultes et de menaces de la part des parents de l'adolescente qu'elle accuse de harcèlement. "Nous habitons dans la même rue que cette famille, et quand on les a croisés, le papa nous a dit, 'vous vous êtes attaqués à ma fille, vous allez vous en rappeler toute notre vie'. Par chance, notre fille a filmé, c'est ce que la gendarmerie nous avait conseillé de faire si on les croisait. Le papa a menacé mon homme de lui mettre une balle dans la tête, et plein d'autres insultes et menaces qui sont dans cette vidéo", raconte-t-elle. Ils ont déposé plainte à la suite de cet événement, mais ne voient pas d'issue à cette situation. "Depuis un an, noter vie est devenue infernale et invivable, c'est pour ça qu'on envisage de quitter la région, de déménager, de tourner la page et de ne plus les voir, pour que notre fille et notre famille retrouvent une vie normale", confie la mère de famille.
Notre fille a beaucoup trop souffert et souffre encore, elle est encore très fragile.
Mère de Lola
Lola, elle aussi, aimerait déménager. "Elle est encore très fragile, on a cette impression qu'elle va beaucoup mieux, et je pense que ça va quand même mieux, mais dès qu'il se passe une nouvelle chose, elle rechute. C'est pour ça qu'elle veut qu'on parte." D'autant que l'année prochaine, Lola passe au lycée, et risque de se trouver à nouveau dans le même établissement que la jeune fille qu'elle accuse de harcèlement.
"L'enfant harceleur est peut-être un enfant en souffrance"
Pour la maman, la bataille judiciaire n'est pas terminé. Si la plainte contre les adolescents a été classée sans suite, elle n'a pas de nouvelle de la plainte qu'elle a déposée contre l'établissement pour non-assistance en personne en danger.
De son côté, le rectorat assure que des interventions de sensibilisation contre le harcèlement scolaire ont été organisées l'année dernière dans l'ancien collège, et d'autres sont prévues pour cette année. Il indique également que la jeune fille "a bénéficié d'une attention et d'une vigilance particulières de la part de toute l'équipe éducative pour que son intégration se passe dans les meilleures conditions possibles" dans son nouvel établissement.
Pour la bâtonnière d'Amiens, en amont de l'aspect judiciaire, il est important d'aider la communauté éducative à lutter efficacement contre les situations de harcèlement.
"Il faut faire en sorte que l'enfant se sente en confiance avec les adultes, qu'il y ait suffisamment de moyens donnés à l'éducation nationale, suffisamment de professeurs et des classes qui ne soient pas surchargées, pour pouvoir voir si les relations entre les enfants se déroulent correctement
Sérène Medrano, bâtonnière du barreau d'Amiens
"Il faut aussi voir que l'enfant harceleur est peut-être un enfant en souffrance. Il n'est pas harceleur par hasard. Mais tant qu'il est enfant, on a encore des outils pour l'amener à comprendre. Là, on voit que c'est quelqu'un qui s'accroche, c'est inquiétant sur le profil. Est-ce qu'elle a été prise en charge, est-ce qu'elle a été punie ? Est-ce qu'elle a compris ce qu'il s'était passé ? On n'a pas l'impression, et c'est vraiment inquiétant", poursuit l'avocate.
La mère de Lola espère aujourd'hui que le harcèlement contre sa fille soit reconnu par la justice, afin d'aider l'adolescente et toute la famille à tourner définitivement la page. "On va continuer notre combat pour notre fille et toutes les victimes. Il faut que ça cesse, on entend trop d'adolescents qui mettent fin à leurs jours à cause de ces personnes. Il faut que la justice fasse quelque chose. Quand la justice commencera à mettre des choses en place contre les harceleurs, les élèves vont peut-être prendre conscience qu'il faut arrêter." Elle ne s'interdit pas de faire appel à des associations spécialisées pour l'accompagner.
Si vous êtes victime ou témoin d'un cas de harcèlement, vous pouvez joindre le 30 20, ou le 30 18 en cas de cyberharcèlement. Plus d'informations sur le site de l'académie d'Amiens.
Avec Lucie Cailleret / FTV