Depuis quatre ans, Francis Meyer a aménagé un pressoir sur son exploitation agricole à côté de Sarre-Union (Bas-Rhin). Pour le rentabiliser, il y accueille d'autres agriculteurs ainsi que des particuliers, heureux de disposer de ce genre de service près de chez eux.
Dans la descente vers Sarre-Union, à un petit kilomètre de la grande entreprise JFA (Jus de fruits d'Alsace), un panneau indique "lieu-dit du Buscherhof". C'est là, à l'arrière d'un immense bâtiment partiellement désaffecté, que Francis Meyer a aménagé son pressoir dans une ancienne porcherie.
Le jeune agriculteur est originaire du village d'Adamswiller, à douze kilomètres de là, où il vit toujours – d'où le nom officiel de son exploitation, "Ferme d'Adams". En 2018, il a racheté ce site, à l'origine une ferme maraîchère et d'élevage, reprise durant une trentaine d'années par la coopérative agricole Jucoop. Cette dernière avait planté plusieurs vergers, avant de mettre la clé sous la porte en 2017.
Après s'être porté acquéreur de l'ensemble, Francis Meyer a rapidement constaté que son projet initial, revendre ses pommes à des industriels, n'était pas rentable. "Le prix était trop bas pour moi, reconnaît-il. J'ai donc eu l'idée de les presser moi-même, pour mieux les valoriser." Il a donc créé son propre pressoir dès 2019.
"La première année, on a uniquement pressé nos propres produits, et ceux de quelques copains, car il fallait se familiariser avec le fonctionnement des machines, se souvient-il. Mais dès la deuxième année, on a accueilli des particuliers. Et ils reviennent, donc ils doivent être contents. Pour moi, c'est important que les gens du coin puissent participer cette activité, ce pressoir est là pour ça."
Un pressoir ouvert à tous
Une bonne odeur de pommes broyées et de jus frais accueille le visiteur. Devant la salle où s'activent quatre salariés, de grosses caisses de pommes attendent leur tour. "Elles sont versées dans un bac plein d'eau, pour les laver. Puis elles passent dans le broyeur qui les déchiquète, avant d'atterrir dans le pressoir" détaille Frédéric Rieger, saisonnier de la ferme d'Adams.
Le pressoir est constitué de plusieurs rouleaux qui écrasent les morceaux de fruit afin d'en extraire tout le jus. Les résidus, "certains les prennent pour nourrir leurs bêtes, et le reste passe sur le compost" ajoute le jeune saisonnier.
Le jus, lui, est amené par un tuyau jusqu'à de grandes cuves. "Il n'est pas filtré, précise Francis Meyer. On le laisse simplement décanter durant quatre à cinq heures." Ensuite, il est pasteurisé à 80 degrés, et immédiatement mis en bouteilles.
"On a des petites cuves pour les petits clients et de grandes cuves pour nos gros clients" précise Francis Meyer. Parmi ces derniers, un grossiste, qui lui livre de grandes quantité de fruits. Et un autre, "qui vient l'hiver, faire lui-même son jus. Ça permet de faire tourner les machines." Et de donner du travail supplémentaire aux salariés de la ferme d'Adams durant l'hiver.
Mais régulièrement, d'autres agriculteurs-producteurs, tout comme des particuliers qui ont un ou deux arbres dans leur jardin, profitent également de ses installations.
Christophe Stutzmann, un petit producteur du secteur, passe justement pour prendre rendez-vous. "C'est très pratique, c'est tout près de chez moi, s'exclame-t-il. Je lui amène mes pommes, je lui laisse tout, et deux jours plus tard, je récupère le jus en bouteilles. C'est bien pour lui, et c'est bien pour nous, les gens des alentours."
Quelques minutes plus tard arrive la camionnette de Thierry Schmitt, producteur de fruits à Niederstinzel (Moselle), à dix kilomètres de là. "Je connais Francis depuis longtemps, c'est un copain, avoue-t-il. Toutes mes pommes qui sont trop petites pour la vente, ou celles qui sont tombées, je les ramasse et les lui ramène immédiatement. Ensuite je récupère les bouteilles, et peux les écouler dans les magasins que je livre (…) Pour moi c'est très simple de venir ici, c'est près, et ça va vite. De plus, il est équipé pour étiqueter les bouteilles."
Des jus de fruits et de légumes
A côté de ses vergers, Francis Meyer s'est aussi lancé dans le maraîchage. Poireaux pommes de terre, oignons, toutes sortes de choux, légumes d'été, diverses variétés de salades, mâche, produits de saison… "Et tout est cultivé en bio, précise-t-il. C'est ma philosophie, proposer des légumes sains."
Des légumes qui, eux aussi, finissent parfois en jus. Car son pressoir lui permet toutes sortes d'expérimentations. Pour les carottes, pas de problème. "Elles sont broyées ("geràtzt" comme les pommes, dans la même machine. Ça prend un peu plus de temps parce que le produit est plus lourd. Mais ça marche. Et ça nous plaît."
Il a donc concocté quelques mélanges vitaminés qui ont vite trouvé preneurs : pommes-carottes-citron et pommes-betteraves-citron. "Le processus est le même. On mélange le jus de légumes à du jus de pommes, on pasteurise, et on ajoute un peu de citron pour la conservation." Du jus de citron également réalisé à la ferme, à base de citrons bio achetés en Corse, qu'il presse durant l'hiver.
D'autres tentatives, pourtant réussies, ont eu moins d'écho, à son grand regret : "On a déjà passé d'autres légumes, même des salades ou des épinards. Mais bon, les clients n'aiment pas trop les jus verts."
Il réalise aussi des mélanges plus classiques du style pommes-fraises, pommes-poires ou pommes-coings. Ses jus et ses légumes sont livrés à des restaurants, des collectivités, des écoles et des crèches des alentours. Et vendus directement à la ferme, dans le magasin qui propose aussi de la sauce et du jus de tomates, préparés par les parents de Francis Meyer.
Pain et viande
Le jeune agriculteur a aussi fait l'acquisition d'un petit moulin, histoire de produire sa propre farine à partir de son blé. Un boulanger en fait du pain, également revendu à la ferme. Et comme cet infatigable touche-à-tout ne peut pas se contenter de vergers et de maraîchage, il exploite encore deux autres sites en plus du Buscherhof, dont l'un à Adamswiller.
Il s'est lancé dans l'élevage de poules pondeuses, pour pouvoir proposer des œufs dans son magasin. Et tant qu'à faire, il a acheté 200 brebis, qui entretiennent ses vergers avant de finir en gigot. Et a complété son cheptel par 80 bovins, pour pouvoir diversifier les produits carnés pour sa clientèle.
"J'aime l'idée d'avoir une certaine autonomie alimentaire" s'amuse-t-il. Mais pour lui, se diversifier, c'est aussi "sécuriser les emplois" de ses salariés, qui correspondent déjà à six équivalents temps pleins. "En cinq ans, c'était un peu dur, reconnaît-il. Mais quand j'ai quelque chose en tête, je fonce. Ceux qui me connaissent le savent. Si j'ai une idée, je la mets immédiatement en pratique."
Pour preuve, ses nouvelles créations de jus, sur le point de compléter sa gamme. "Là on teste pomme-gingembre et pomme-piment. D'abord on teste, on goûte, et si c'est bon, et qu'on ne tombe pas malades, on les vend" rit-il. Et ses clients, et ceux des restaurants des alentours, sont déjà aux aguets.
L'ensemble de ses produits sont vendus à la ferme
- à Adamswiller le vendredi de 15h3à à 18h30
- au Buscherhof à Rimsdorf, près de Sarre-Union, le mercredi de 15h à 18h30 et le samedi de 9h30 à 12h30