Occupation de l'aéroport, barrage filtrant aux urgences : les grévistes de la clinique de L'Ormeau à Tarbes multiplient depuis le 8 novembre les opérations coups de poing pour une revalorisation salariale. Mais le conflit s'enlise et commence à affecter l'accueil des patients.
Le bras de fer entre les grèvistes et la direction de la polyclinique de l'Ormeau est entré dans son deuxième mois. Et paraît devoir encore durer :confie la psychologue grèviste Joëlle Ducos."On ne lâche rien, on n'est pas fatigués",
"RAS LA BLOUSE"
explique pour sa part une cadre, parlant de "détresse" dans le milieu déjà "violent" de la santé, où "notre champ de bataille, c'est la mort"."Nous sommes maltraités dans notre institution",
A la polyclinique de L'Ormeau, le mouvement dure depuis le 8 novembre, touchant entre 45 et 60% du personnel soignant selon les sources. Et un mois après ses débuts, les négociations étaient dans l'impasse jeudi entre les grévistes et le groupe Médipole partenaires, qui contrôle l'établissement.
Témoins de l'enlisement du conflit, les banderoles ont fleuri aux fenêtres de la clinique, sur la façade mais aussi dans les couloirs du site principal qui abrite les urgences et les services administratifs.
"Ras la blouse", "Noël 2016: les salariés n'ont que les boules" ou encore "soignants maltraités, santé en danger", autant de slogans que le patient découvre à son arrivée dans la clinique de 300 lits et 500 emplois.
Depuis dimanche, des matelas jonchent le sol du hall d'accueil. Entre 25 et 40 personnes, selon la CGT, y dorment chaque nuit: "On a décidé d'investir la clinique, parce qu'on est chez nous, après tout", explique Isabelle Gérard, aide-soignante CGT. Certains ont muré des bureaux, à l'aide de parpaings et de ciment.
Les grévistes réclament une revalorisation salariale de 3% ainsi que le versement d'une prime annuelle de 1.600 euros. Ils dénoncent aussi "la dégradation constante des conditions de travail": manque de moyens et d'effectifs, affectations forcées.
Au service des soins palliatifs, où Joëlle Ducos exerce, "certains soignants sont arrivés en ayant peur, en pleurant, cela a provoqué un stress et des dysfonctionnements", témoigne la psychologue, qui avait "alerté" la direction dès l'été.
PAS DE NEGOCIATION "SOUS LA CONTRAINTE"
Les négociations, plusieurs fois interrompues, n'ont rien donné. Même sous l'égide de l'Agence régionale de la santé et de la préfecture des Hautes Pyrénées. "La négociation ne peut pas se faire sous la contrainte", explique-t-on à la direction. Les revendications des grévistes représenteraient selon elle une hausse de 9,2% de la masse salariale: "Quel hôpital public et quelle clinique privée peut accéder à cette demande?", interroge-t-elle.
"Il y a des écarts de 300 euros par mois avec le secteur hospitalier", rétorque François Dousseau, secrétaire général de l'union départementale CGT.
Les grévistes, après avoir occupé l'aéroport de Tarbes-Lourdes occasionnant des retards d'avions, ont investi la fédération de l'hospitalisation privée à Toulouse, bloqué l'accès aux services administratifs de la clinique, et filtré l'entrée des urgences. Une manifestation a dégénéré le 29 novembre quand deux protestataires disent avoir été blessés par le véhicule d'un médecin qui voulait forcer leur barrage filtrant.
Ils ont porté plainte pour "violences volontaires", selon la CGT.
"Le conflit est très dur", abonde François Dousseau, et en raison du mouvement, "le fonctionnement de la clinique n'est pas satisfaisant, il y a un risque potentiel, la sagesse voudrait aller vers une fermeture administrative".
De fait, les praticiens non grévistes de la clinique déplorent "la tournure des évènements qui impactent la prise en charge des patients". "Plus de 1.500 d'entre eux n'ont pu être soignés, 600 sont en attente de diagnostic" depuis le début du mouvement, estiment-ils dans un communiqué, parlant de "retards de traitement" et de "drames humains". Une situation que la direction qualifie d'"intolérable".
DES SOUTIENS DE PERSONNALITES NATIONALES POUR LES GREVISTES :
Deux personnalités nationales ont annoncé qu'elles viendraient apporter leur soutien aux grèvistes : le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez samedi et l'urgentiste du Samu de Paris Patrick Pelloux dimanche.
En vidéo, le reportage de Yann-Olivier D'Amontloir, Régis Cothias et Emmanuel Fillon :
Après plus d'un mois d'un conflit dur à la clinique de l'Ormeau à Tarbes, les salariés grévistes poursuivent le mouvement et multiplient les formes de mobilisation.