Selon Le Parisien/Aujourd'hui en France, la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), "gendarme" financier" du foot français, enquêterait actuellement sur les fonds versés cette saison au RC Lens, provenant d'Azerbaïdjan.
Le Racing Club de Lens a rendez-vous fin mai à la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) pour présenter ses comptes et son budget pour la prochaine saison. Selon Le Parisien/Aujourd'hui en France, l'instance de régulation financière du football français - qui avait demandé l'été dernier le maintien du club artésien en Ligue 2 - a déjà commencé à se pencher sur le dossier. Elle enquêterait notamment sur "l'argent versé ou promis en provenance d'Azerbaïdjan", dixit le quotidien francilien.
On le sait, l'actionnaire majoritaire du RC Lens, l'homme d'affaires azerbaïdjanais Hafiz Mammadov, s'est retrouvé l'été dernier en fâcheuse posture dans son pays et dans l'incapacité de financer le club après la perte de nombreux actifs et le gel de ses comptes. Les Sang et Or se sont ainsi vus privés de recrutement pour leur grand retour en Ligue 1. Dans le budget qui avait été présenté à la DNCG, "Hafka" s'était engagé à verser des fonds en deux fois : 4 millions d'euros en octobre 2014 et 14 millions en janvier 2015. Mais ce montant n'a jamais été atteint. "M.Mammadov, il a envoyé des virements qui ne sont jamais arrivés", ironisait en décembre dernier le président lensois Gervais Martel, dans une interview accordée à Canal +. "Si (Mammadov) n'a pas les solutions, il ne va pas nous emmener tous au cimetière", s'agaçait-il encore début mars, dans une interview à L'Equipe. "Si le club est cédé, ce sera pour 1 euro symbolique. Il doit comprendre qu'on est au bord du précipice et qu'on doit s'en sortir. Avec l'image qu'il a depuis six mois, c'est un moyen pour lui de dire : désolé je n'ai pas pu, maintenant je sors".
L'Etat azerbaïdjanais s'est-il substitué à Mammadov ?
Pour autant, quelques millions sont bien arrivés cette saison dans les caisses du club artésien, en provenance d'Azerbaïdjan. 1.5 million avaient été officiellement annoncés en octobre puis 2.5 millions en décembre, juste avant un rendez-vous à la DNCG. Début avril, le journal But! Lens a même évoqué la somme de 8 millions d'euros au total, versée "cette année". Et si ce n'est pas Hafiz Mammadov, qui donc a payé à sa place ? Sur le virement de décembre, Gervais Martel avait évoqué "une grosse société azérie" qui aurait injecté de l'argent "auprès de Baghlan Group", le conglomérat d'Hafiz Mammadov, détenteur de 99.99% du capital de RCL Holding, la société parisienne qui possède le RC Lens. Selon La Voix du Nord, il s'agissait d'une off shore baptisée Point to Point, liée à un certain Anar Mammadov (sans lien de parenté avec Hafiz), fils de l'influent ministre des transports azerbaïdjanais Ziya Mammadov.
Le 18 mars dernier, sur le site de France 3 Nord Pas-de-Calais, le sénateur UMP André Reichardt, président du groupe interparlementaire France-Caucase pour l'Azerbaïdjan, livrait une toute autre version : selon les informations que lui a données l'ambassadeur d'Azerbaïdjan en France, c'est l'Etat azerbaïdjanais qui serait en fait intervenu financièrement. 10 millions d'euros auraient ainsi été versés en deux fois. "Il y a eu deux versements : un premier de 7 millions d'euros et un second de 3 millions", nous avait expliqué le sénateur alsacien, fin connaisseur du pays. "Il s'agissait de sauver les meubles à titre gracieux. Mais maintenant, ce n'est plus possible. C'est ce que m'a dit l'ambassadeur d'Azerbaïdjan en France. L'Etat d'Azerbaïdjan souhaite désormais que des solutions soient trouvées entre les personnes impliquées dans cette affaire privée." Interrogé sur un éventuel versement effectué par l'Etat azerbaïdjanais, le ministre des Sports Patrick Kanner, qui suit attentivement le dossier lensois au sein du gouvernement, n'avait pas démenti. "Tout ce qu'on sait, c'est que l'argent est arrivé mais on ne sait pas d'où il vient...", nous avait-il confié.
Gervais Martel entretient le flou
Début avril dans une interview accordée à But! Lens, Gervais Martel avait démenti avoir touché directement de l'argent de l'Etat azerbaïdjanais... mais sans vraiment l'exclure totalement. "J’en ai marre de tous ces gens qui se font des films, qui ne sont pas à notre place, qui ne sont pas dans les dossiers…. J’ai encore vu un député (sic) dire que le pays avait payé. L’Azerbaïdjan n’a jamais rien payé ! Tous les fonds sont passés par le Baghlan Group. Après, s’il y a eu des interventions là-bas, c’est leur sauce. Je n’ai pas à m’en mêler." "De toute façon, on ne pourrait pas recevoir d’argent d’un pays", avait ajouté, dans ce même entretien, son directeur financier Gilles Deshayes. "Seul l’actionnaire peut verser sur les comptes courants. Après, on a quand même le nom du pays sur le maillot. L’Etat azerbaïdjanais doit certainement se sentir concerné".Bref, selon les dirigeants lensois, de l'argent est bien arrivé sans qu'on sache vraiment comment. Pas sûr que dans un mois, la DNCG se satisfasse d'une telle opacité, alors que l'avenir financier du RC Lens semble toujours aussi incertain, si on en juge les récents propos tenus par l'entraîneur des Sang et Or, Antoine Kombouaré. Rappelons que, d'après les règlements de l'instance, la DNCG est en droit d'"obtenir des clubs tous renseignements, utiles aux procédures de contrôle, concernant les entités se rattachant juridiquement ou économiquement à eux et en particulier des comptes consolidés et/ou combinés" et de "contrôler la situation juridique et financière des clubs sur pièces ou sur place en procédant à des enquêtes et vérifications qui leur sont demandées par la F.F.F., la L.F.P. ou la Ligue régionale suivant le cas ou qu’elles jugent utile d’entreprendre" (article 11).
Fin mars en tout cas, les comptes de RCL Holding - la société par laquelle ont transité ces fonds azerbaïdjanais avant d'être reversés dans les caisses du RC Lens - n'avaient pas encore été transmis au greffe du tribunal de commerce de Paris. Et pour cause : les deux actionnaires - le Baghlan Group d'Hafiz Mammadov et GIM2, la société de Gervais Martel - n'avaient toujours pas organisé l'assemblée générale ordinaire censée les valider. RCL Holding a même demandé un délai supplémentaire pour les transmettre, ce que le tribunal de commerce a accepté. Arrêtés au 31 décembre 2014, ils devaient être normalement transmis au plus tard le 30 juin 2015. L'échéance a été repoussée au 31 juillet 2015. Mais la DNCG devrait les exiger bien plus tôt pour évaluer la situation réelle des Sang et Or.