VIDEO. Couac au spectacle de Noël de la mairie : l'artiste slamme sur la guerre à Gaza

“Ça gaze à Gaza” : c’est avec ces mots que l’artiste Yo du Milieu débute le spectacle du calendrier de l’Avent de Caen. Cette évocation de la guerre au Proche-Orient n’était pas prévue et a suscité de nombreuses réactions. Face à la mairie en colère, l'artiste assume son choix.

Un funambule, des fanfares, des chants de Noël ou encore un concert de Joseph Kamel. Depuis le premier décembre, les fenêtres de la mairie de Caen dévoilent chaque soir une festivité dans un calendrier de l'Avent géant. Mais le jour de la quinzième case, le spectacle offert a quelque peu décontenancé le public et la mairie.

Il est 18 heures ce dimanche soir. L'esplanade devant la mairie caennaise est remplie. "Je devais venir samedi avec mes enfants mais il n'y avait pas de place pour se garer. Alors nous y sommes retournés le lendemain pour terminer le week-end", explique Marion, venue d'Escoville, à vingt minutes de là.

Après avoir flâné dans les allées du marché de Noël, la famille se presse devant la mairie, dans les premiers rangs. Non loin d'elle, Romain est lui aussi avec ses filles de 2, 9 et 12 ans. "C'était bondé de chez bondé ! En plus, il ne faisait pas trop mauvais", se souvient le père de famille, venu pour voir "un spectacle féerique".

"Ça gaze à Gaza", un slam du calendrier de l'Avent

L'heure d'ouvrir une nouvelle case du calendrier de l'avent arrive. Ce soir, le public a droit à des notes d'accordéon et des chants depuis une autre fenêtre avant que Yohan Leforestier, un artiste caennais connu sous le nom de Yo du Milieu ne prenne le micro. "Ça gaze... à Gaza...", entame-t-il dans un rythme de slam.

durée de la vidéo : 00h00mn10s

Dans son slam, Yo du Milieu raconte le Noël d'un enfant gazaoui. • ©Document remis par un spectateur

"Là, j'ai commencé à me demander ce que j'avais devant moi. J'ai trouvé ça très limite et surtout très mal placé. Je n'ai pas trop osé partir, mais on n'est resté que cinq minutes", témoigne Romain, qui n'a pas été le seul à quitter l'esplanade plus tôt que prévu. "Mes enfants m'ont dit 'Maman, c'est nul ! On part'", ajoute Marion. "C'est vrai que c'était assez déconcertant, et surtout particulièrement inadapté pour un spectacle de Noël."

Pendant dix minutes, Yo du Milieu raconte dans son slam le Noël d'un enfant, Amar, depuis Gaza. Un texte écrit avec des allitérations en "A", qui a donc étonné une partie du public. Mais surtout, la mairie de Caen est furieuse. Pour elle, le cahier des charges n'a pas été rempli correctement par l'artiste. "On demande aux artistes de ce calendrier de l'Avent de faire quelque chose de festif, pour les enfants et dans le thème de Noël", rappelle le cabinet du maire.

En colère, la mairie de Caen se dit "piégée"

Surtout, la municipalité assure s'être fait "piéger" par Yo du Milieu. "En répétition, il n'y a pas eu cela. Ce devait être à la base un slam avec un accordéon pour raconter Noël. Mais il a enchaîné sur un deuxième texte avec un propos pas du tout approprié !", s'insurge le cabinet qui tient à "s'excuser" auprès du public, comme l'a fait le maire (DVD) Aristide Olivier sur Facebook.

"Il est sorti du cadre. Pourtant, nous l'avons choisi parce qu'il a déjà fait des spectacles pour des jeunes, que ce soit dans des MJC ou ailleurs. Mais là, il nous a joué un mauvais tour. Parce qu'une fois qu'il a le micro, il a le micro, on ne va pas lui couper", s'agace Thierry Malon, de l'agence événementielle Utopia, qui gère les spectacles proposés sur ce calendrier de l'Avent géant.

Ce dernier a d'ailleurs pris à partie le slameur à sa sortie de scène, lui rappelant que ce qu'il venait de faire n'était pas dans la commande initialement prévue. "Hier soir, on était tous en colère ! Le projet de calendrier de l'avent est génial et ce type nous prend en otage. La mairie t'ouvre une porte et toi, tu la mets à l'envers", poursuit Thierry Malon.

L'artiste assume son "parti pris poétique"

Nous avons contacté l'artiste, Yohan Leforestier qui assume sa prestation. "Je savais que le texte pouvait déranger, comme il pouvait en ravir d'autres. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de retours de gens qui ont apprécié, me disant que c'était beau, bien que triste", répond le slameur, qui assure avoir fait des répétitions chez lui avant. "Par contre, lors des balances, on n'a pas eu beaucoup de temps. Donc je n'ai pas pu tout faire", rétorque-t-il à la mairie.

Les enfants passent à côté des paroles, ils sont plus touchés par la musique

Yo du Milieu

Slammeur caennais

L'artiste caennais explique que ce texte, écrit en 2008 lors de l'opération militaire d'Israël sur Gaza juste après Noël, avait toute sa place à la fenêtre de la mairie. "Peut-être que les gens n'ont pas saisi tous les sens des mots, avec les allitérations et les mots en arabe qu'il pouvait y avoir. Mais on m'a demandé un spectacle tout public, ce que j'ai fait. Les enfants passent à côté des paroles, ils sont plus touchés par la musique. Souvent, ce sont les parents qui ont peur que ça dérange les enfants."

Soucieux de "transmettre des mots qui touchent les gens", Yo du Milieu se défend. "J'ai eu envie de faire ce qui me semblait le plus juste, sans provoquer. Je n'ai pas eu de propos outranciers. C'est un parti pris, mais un parti pris poétique. Je voulais rappeler qu'il y a des endroits où Noël, ce n'est pas comme ici", continue-t-il en se référant à "La petite fille aux allumettes" d'Andersen. Et d'assurer : "Je ne voulais pas choquer mais délivrer un message de paix et d'union."