Des ballots contenant de la cocaïne ont été découverts, une nouvelle fois, sur les côtes normandes, vendredi 20 septembre. En 2023, plus de deux tonnes et demie de cocaïne s'étaient déjà échouées sur des plages du Cotentin dans la Manche. Mais d'où vient la drogue ? Est-elle tombée accidentellement d'un bateau ou a-t-elle volontairement été jetée par-dessus bord ? On vous explique comment ces paquets ont pu se retrouver sur le littoral.
Les côtes normandes de nouveau touchées par des "marées blanches". Ce vendredi 20 septembre 2024, plusieurs ballots, contenant chacun une cinquantaine de kilos de cocaïne, ont été retrouvés échoués sur les plages de Courseulles-sur-mer et de Graye-sur-mer (Calvados) ou encore à Quinéville ou sur la plage des Gougins, à Saint-Marcouf (Manche).
Des scènes déjà vues en 2023, dans le Cotentin. Alors forcément, les questions suivantes se posent : La cocaïne est-elle tombée accidentellement d'un bateau ou a-t-elle volontairement été jetée par-dessus ? Est-ce même le fruit d'une organisation bien ficelée ?
La route de la cocaïne
À l'époque, plus de 2 tonnes de cette substance illicite s'échouaient sur les plages du Cotentin, à Réville, dimanche 26 février, puis quelques jours plus tard, un peu plus au nord, à Néville et Omonville-la-Rogue. Des faits étonnants : "C'est une prise exceptionnelle en Normandie. Retrouver autant de cocaïne dans cette partie de la région, c'est vraiment rare", nous explique Manuela Dona, douanière et secrétaire générale de la CGT au Havre.
La "route de la cocaïne" est bien connue. Généralement, elle part d'Amérique du Sud ou des Antilles pour terminer aux portes de l'Europe dans des ports comme Marseille, le Havre, Rotterdam ou encore Anvers. Mais bien des fois, les bateaux sont contraints de jeter leur marchandise par-dessus bord.
"C'est ce qu'on appelle de l'échouage dans l'urgence, par crainte de contrôle, ou quand des douaniers maritimes sont localisés en mer. Quand les trafiquants empruntent certaines voies maritimes sur des plus petits bateaux, ils préfèrent prévenir et attachent donc la drogue à une masse flottante" explique Manuela Dona. Les ballots sont alors arrimés à la coque du bateau et non pas placés à l'intérieur. Ils peuvent donc se décrocher en fonction de l'état de la mer.
Cette douanière en poste au Havre ajoute : "Concernant les ballots trouvés sur les plages normandes, c'est peu probable que ça soit tombé accidentellement d'un porte-conteneur". Selon l'enquête, les sacs retrouvés en 2023 avaient été fabriqués au Brésil, et provenaient de ce pays d'Amérique du Sud.
Un échouage organisé ?
"La drogue a été jetée à la mer lors d'un contrôle inopiné d'un navire ou bien ça été organisé. Plus de 800 kilos qui s'échouent sur la plage de Réville, l'année dernière, ce n'est pas rien ! Et toute cette quantité arrivait en flottaison, je vois mal le côté urgence". Elle ajoute :
Il est possible que la drogue ait été mise volontairement à l'eau, je penche plus pour ça.
Valérie GiardAvocate au Havre
En effet, les 800 kilos de cocaïne retrouvés par des promeneurs sur cette plage, dimanche 26 février 2023, étaient répartis en une quarantaine de paquets reliés entre eux et équipés pour ne pas couler. Avec un total de plus de 2 tonnes en comptant la drogue échouée à Néville et Omonville-la-Rogue, la valeur marchande au détail est estimée à près de 150 millions d'euros, selon une source proche du dossier. Une hypothèse, donc, qui pourrait être plausible pour Manuela Dona :
Vu la quantité, ça donne quand même l'impression que c'est une opération mise en place.
Manuela DonaDouanière et secrétaire générale de la CGT au Havre
Et si c'est le cas, les narcotrafiquants auraient donc étudié leur coup : "Dans la Manche, les cargaisons ne peuvent pas être larguées n'importe où. Ici les courants sont très tournants, entre vents, marées et tempêtes en mer. Ils ne prendraient pas le risque balancer ça n'importe où", précise cette dernière.
Si l'on s'en tient à cette option, les sacs de cocaïnes auraient été jetés en mer, sur une courte distance, pas loin des côtes du Cotentin :
Le courant est étudié pour viser au mieux certaines plages peu fréquentées l'hiver et proche d'un axe routier. Cela facilite la tâche de ceux qui réceptionnent la drogue à terre.
Manuela DonaDouanière et secrétaire générale de la CGT au Havre
À terre justement, le maire de Réville, Yves Asseline, avait fait le constat suivant à l'époque : "On a vu pas mal de gens cagoulés circuler sur la plage avec des lampes frontales pour probablement retrouver quelque chose".
Un trafic qui serait donc organisé. Mais impossible de savoir d'où viendraient ces navires : "Ça peut être des Îles Britanniques, d'Anvers ou de Rotterdam. Vous savez, on a déjà eu des affaires ou par exemple, c'est un voilier qui remontait depuis le Maroc, faisait une escale au Portugal en livrant la drogue alors qu'on pouvait penser que c'est un banal voilier qui fait le tour du monde" raconte Manuela Dona. L'enquête avait montré que ces ballots flottants retrouvés en 2023 étaient destinés au Royaume-Uni.
Entre Cherbourg et Ouistreham, des voies maritimes moins surveillées
Avec les questions migratoires, les côtes de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) ou de Cherbourg sont très surveillées par les garde-côtes. En revanche, les côtes et plages allant de Cherbourg à Ouistreham sont moins fréquentées par les administrations maritimes. Il y a donc moins de contrôles aériens et en mer : "On manque d'effectifs, donc on ne peut pas être partout. On a une brigade des douanes à Cherbourg, une à Ouistreham, mais entre les deux, il y a moins de contrôles. On a beau avoir l'expertise, les techniques, mais on n'a pas assez d'hommes".
Alors forcément, les narcotrafiquants sont toujours à la recherche de nouvelles ruses pour faire entrer la drogue en Europe. Pour Manuela Dona : "Ils ont toujours fait preuve d'une grande imagination. Ils sont futés. En Normandie, le port du Havre est depuis un moment sous les feux des projecteurs". Par conséquence :
Ils trouvent d'autres idées pour notamment détourner l'attention des autorités. Et livrer le long du littoral peut-être, en effet, une nouvelle ruse.
Manuela DonaDouanière et secrétaire générale de la CGT au Havre
Les enquêteurs ont désormais la tâche de trouver d'où viennent et à qui étaient destinés tous ces ballots de cocaïne découverts, ce vendredi 20 septembre 2024, sur le littoral normand.