"Les commissions baissent mais pas notre charge de travail" : En période de Noël, le revers de la médaille des commerces estampillés point relais colis

En période de fêtes, certains commerces estampillés points relais du centre-ville de Caen (Calvados) réceptionnent et expédient jusqu'à 150 colis par jour. Ce complément de salaires de plusieurs centaines d'euros n'est pourtant pas toujours perçu comme étant à la hauteur du travail fourni.

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Dans son pressing du centre-ville de Caen, Sylvie se fraye un chemin entre des dizaines de colis pour atteindre son comptoir. Ils se trouvent au pied de vêtements, sous la table à repasser, glissés sous des couettes fraîchement nettoyées... difficile de les stocker dans 30m². "Je ne les garde que cinq jours lors des fêtes alors les clients oublient de les récupérer. Cette année, c'est pire que jamais. Il y en a toujours plus".

Des colis entre 3 et 20 centimes

À une semaine de Noël, mercredi 18 décembre, Sylvie Lefèvre va réceptionner et expédier 140 colis en une seule journée. Alors le matin, elle embauche plus tôt que d'habitude, vers 7h, pour "faire son pressing" et consacre sa pause déjeuner aux machines à laver. "Je prends de l'avance pour être totalement disponible pour les colis entre 17h et 19h. C'est en soirée que les clients sont les plus nombreux", explique la commerçante de soixante ans.

Entre l'étiquetage et le stockage, je consacre 4 heures de ma journée aux colis. Les comissions baissent mais pas notre charge de travail.

Sylvie Lefèvre

Gérante d'un pressing à Caen

Malgré les efforts fournis, la rémunération de Sylvie n'a jamais été aussi basse en huit ans de service pour un célèbre réseau de points relais. "Je me suis aperçue que certains colis n'étaient facturés que 3 centimes... notre commission a encore baissé au mois d'octobre, regrette la commerçante, avertie par mail. En général, il faut compter entre 10 et 20 centimes, au lieu de 30 centimes auparavant". Avec le rush des fêtes, elle espère gagner "au moins 300 euros" grâce à son activité parallèle.

Alors pourquoi continuer ? "Pour les clients, il faut bien que quelqu'un se dévoue...Ils ont besoin de ce service, même si c'est au détriment des commerces", répond-elle. Sa clientèle de quartier apprécie justement le côté "pratique" des larges amplitudes horaires de la boutique. "J'ai réalisé presque tous mes achats de Noël en ligne, sourit Marine, cliente de 37 ans, qui récupère un cadeau pour sa fille. Là, c'est vrai que le pressing déborde. Je pense qu'il y a plus de colis que de vêtements en ce moment".

"Il n'y a que des aspects négatifs"

Dans le centre-ville de Caen, une trentaine de commerçants ont converti leur local en point de retrait et dépôt de colis. Les sociétés de livraison − Chronopost, Relais Colis, Mondial Relay ou encore Vinted Go pour les plus connus −, fixent leur propre grille de tarifs en fonction de la taille du paquet. Ces commissions subissent régulièrement des évolutions mais ne s'alignent pas sur le temps de travail des commerçants. À eux de s'organiser au mieux pour rendre rentable cette activité secondaire.

Le gérant d'un tabac presse, qui souhaite préserver son anonymat, affirme pouvoir payer son loyer mensuel grâce aux colis. "Je fais cela uniquement par intérêt économique car autrement, il n'y a que des aspects négatifs", témoigne ce commerçant d'une cinquantaine d'années. Le véritable problème provient selon lui de la charge de colis "trop importante" − et vraisemblablement connue des sociétés de livraison −, et de l'attitude des clients. "Pendant les fêtes, ils sont plus nerveux et ne respectent pas les règles, comme celle de nous présenter leur carte d'identité", ajoute-t-il.

Depuis plusieurs mois, certaines boutiques se sont équipées de box pour se délester d'une partie de cette charge. Ces sortes de casiers – vous connaissez peut-être Vinted Go ou Amazon et Mondial Relay lockers –, permettent aux clients de se charger eux-mêmes de l'expédition de leur paquet en le plaçant dans une boîte, sans entrer nécessairement en contact avec les vendeurs.

1 800 colis en transit

Penché au-dessus d'un grand sac en toile, Hervé Marguin range soigneusement un carton qu'un client vient de déposer. Depuis le 1er décembre, plus de 1 800 colis ont transité dans son magasin de jeux vidéo − l'un des plus grands points de retrait et dépôt de colis du centre-ville de Caen –, mais son rendement habituel avoisine plutôt les 3 000 transactions mensuelles. "Cette année, nous avons un flux plus linéaire que les hivers passés. On ne peut pas dire que nous ayons été dépassés", note le gérant.

"Quand un client nous apporte un colis, c'est 10 centimes et quand il le réceptionne, c'est 30 centimes. Vous imaginez que ce n'est pas cela qui fait vivre un magasin. 

Hervé Marguin

Gérant d'un magasin de jeux vidéo

Conscient que les commissions n'apportent qu'un "petit complément" de salaire, le commerçant mise plutôt sur la "visibilité" offerte par cette activité. "Notre but est que les gens découvrent notre boutique donc nous avons volontairement un flux important tout au long de l'année", explique-t-il. Une grande partie de sa réserve de 50 m² sert à stocker les paquets à expédier "pour être certain de ne pas les confondre avec ceux à réceptionner" et ainsi s'éviter les "avis négatifs" de clients sur Google. 

Dans son pressing, Sylvie Lefèvre n'a jamais refusé de colis, même quand son local déborde. Pour autant, elle rêve déjà de l'accalmie, attendue pour le 24 décembre : "Il n'y aura plus rien, ça me fera tout drôle. Je respirerai de nouveau", s'exclame la commerçante dans un rire teinté de soulagement.

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