Le manger sain et local a le vent en poupe et fait vivre certains producteurs. Sophie D’Hoine s’est installée dans la plaine de Caen en 2018. Cette maraîchère en permaculture écoule sa production en circuit court. Elle était même l'ambassadrice du Calvados au Salon de l'agriculture.
Elle a prêté son image au Calvados pour la campagne « ICI on cultive le bien manger » aux côtés de 4 autres producteurs locaux. Sophie D’Hoine est devenue l’ambassadrice de la filière maraîchage du département. En à peine 3 ans sa petite affaire connaît déjà le succès, prouvant que permaculture et vente en circuit court font vivre.
La permaculture : la vie dans le champ
Le champ de Sophie est une oasis de 5 hectares située au milieu des exploitations céréalières à 15 kilomètres au Sud de Caen. La maraîchère a opté pour la permaculture. Elle cultive des légumes racine, des asperges, des choux, des poireaux, en plein champ, au ryhme des saisons et de la nature. Dans cette méthode, la terre n'est pas travaillée et tous ceux qui y vivent sont respectés : ici les vers de terre grouillent, signe de bonne santé du sol. Les rongeurs aiment ses légumes et lui en grignotent une partie dans son champ.
Exit les pesticides et insecticides, en permaculture on pratique l'assolement, la rotation des cultures afin de conserver la fertilité du sol. Les poireaux sont plantés à côté de carottes pour utiliser leur capacité à faire fuire les insectes. Autant de combines qui résultent de l'observation et de la volonté de s'adapter au milieu naturel.Je sème davantage car je sais que je dois partager une partie de mes légumes avec les mulots.
Sophie D'Hoine
C'est d'ailleurs la subtile différence entre la production "bio" et celle issue de la permaculture. Dans le bio l'utilisation de produits chimiques est proscrite, mais certains pesticides peuvent être utilisés s’ils font partie d’une liste blanche du cahier des charges AB. Sophie, elle, n'utilise aucun produit en "-cide" (insecticide, pesticide).
Au bio, je préfère le raisonné, éthique et local.
Sophie D'Hoine
Sophie d'Hoine dit se définit comme une "maraîchère de bien-être". A 25 ans, suite à un accident, le diagnostic d'une maladie orpheline tombe. Durant sa longue convalescence, Sophie emprunte une partie de l'exploitation familiale pour cultiver des légumes, qu'elle consomme sous forme de jus. "J'ai progressivement cessé tous les médicaments qui m'avaient été prescrits pour me soigner uniquement avec mes jus de légumes." La jeune femme décide alors de laisser tomber sa carrière de designer pour dessiner une autre page de sa vie, en reprenant l'exploitaiton familiale.
Une exploitation familiale modèle de transition agricole
Dans ce champ, le père de Sophie a cultivé pendant des dizaines d'années des poireaux en monoculture, destinés à des centrales d'achat. "Dans les années 70 et 80 ça été le boom des pesticides. J 'ai tout employé, j'ai mis de la merde. D'ailleurs j'ai beaucoup de copains qui sont déjà partis et je sais pourquoi " , raconte Régis d'Hoine. A 71 ans, l'agriculteur est fier du travail accompli par sa fille pour transformer une exploitation intensive en production raisonnée.Dans le champ aujourd'hui, le calibrage n'a pas lieu d'être. Désormais les légumes, notamment les légumes racine, poussent comme ils peuvent : Sophie trouve régulièrement des persils tubéreux enlacés, des carottes aux formes peu conventionnelles, des panais tordus, ... Et c'est là tout le charme des "bons légumes de Sophie": la diversité des produits fait la diversité des clients, et donc la variété des circuits de distribution.
Chaque légume est destiné à un circuit court
Au printemps, Sophie D'Hoine produit des asperges. En hiver, elle cultive des légumes de saison comme les carottes, betteraves, persil tubéreux, panais, scorsonères, ... L'agriculture que pratique Sophie D'Hoine est peu mécanisée, elle ramasse chaque jour à la main ses légumes arrivés à maturité. Ils sont ensuite lavés dans une machine équipée d'un tambour qui ressemble à s'y méprendre à un lave-linge. Mais certains comme le persil tubéreux sont si fragiles qu'il doivent être lavés à la main. Munie d'une douchette, Sophie les nettoie un par un.Les maraîchers ne cultivent pas beaucoup de légumes d'hiver: ce lavage au jet est le quotidien. il fait froid, il y a de la terre, il faut laver légume par légume.
Sophie D'Hoine
Mais pour Sophie cette dureté du travail est compensée par le contact direct avec les clients. Elle a connu "l'expédition froide et stérile" des palettes de poireaux destinées au centrales d'achat que fournissaient son père. Elle, a choisi des circuits courts pour écouler toute sa production. Une fois lavés, les légumes de Sophie sont triés en fonction du client auquel ils sont destinés.
Le prix varie du simple au triple, selon un seul critère : l’esthétique. Le goût, lui, reste le même, que la carotte soit tordue ou bien droite. Sophie livre deux restaurants gastronomiques à Caen. Elle fournit plusieurs magasins en ville, dont une coopérative de producteurs locaux dans le centre-ville de Caen. Elle tient un stand tous les samedis matin au marché de Falaise.
Sophie lutte contre le gaspillage et au sein de son exploitation son combat est gagné : les carottes trop abîmées pour être vendues aux particulier sont destinées à ses chevaux. Ils produisent ainsi un fumier de qualité, engrais idéal en permaculture : la boucle est bouclée !
Prochain projet : un distributeur automatique
Sophie vend une partie de sa production directement sur place à la ferme, dans un chalet ouvert seulement le mercredi et le vendredi après midi, le reste du temps étant consacré à la culture et aux livraisons.
Afin que ses clients puissent accéder à tout moment à sa cueillette du jour, Sophie voudrait installer un distributeur automatique de légumes devant sa ferme.
Pour mener à bien ce projet, elle a mis en place une cagnotte sur le site Miimosa.
Circuit court : on se partage les recettes
Un distributeur automatique, une idée qui pourrait pourtant déshumaniser un peu cette relation client qui tient tant à coeur à Sophie D'Hoine. Ce contact direct sur le marché, dans les boutiques lors des livraisons, quand elle partage une recette de cuisine du chou kale avec une cliente. Ou bien encore au restaurant lorsqu'elle peut répondre à la commande spéciale du chef Frédéric Deménois de l'auberge de l'île enchantée, qui souhaite "une pomme de terre peu chargée en amidon".
Dans le modèle économique des circuits courts, l'acheteur doit composer avec la saison. Le vendeur, lui, peut cibler les besoins de ses clients.
dans son établissement, Frédéric Deménois cuisine les bons légumes de Sophie et en assure la promotion. En réalisant des chips de salsifis, il valorise un légume que beaucoup associent à la cantine de leur enfance. Il surprend ses clients qui s'informent sur le lieu de production de ces goûteux végétaux.
De leur côté, les restaurateurs de "la vraie vie" à Caen n' hésitent pas à partager leurs recettes à la radio.
Dans les boutiques et les restaurants que livre Sophie on s'échange des fiches recettes pour cuisiner les persils tubéreux et autre scorsonaires. Histoire de faire vivre ce réseau qui permet au consommateur de payer le juste prix à un agriculteur soucieux de la qualité de ses produits.