L’avocate Nathalie Tomasini, figure de la défense des violences faites aux femmes a déposé une plainte auprès du parquet d’Evreux. Elle accuse le garde des Sceaux de l’avoir menacée lors du procès de Jean-Marc Capron en février 2020.
En février 2020, le procès en appel de Jean-Marc Capron se tient à Evreux. Parmi les avocates de sa victime Claire Besnard, Maître Nathalie Tomasini. Depuis quelques années, l’avocate est une figure de la défense des violences faites aux femmes. Elle a notamment défendu Jacqueline Sauvage. Face à elle lors du procès Capron le tenor du barreau Eric Dupond-Moretti. C’est au cours de ce procès que Maitre Tomasini reproche au ministre de l'avoir insultée, ainsi que sa consoeur. M. Dupond-Moretti, qui défendait l'accusé, aurait qualifié les deux avocates des parties civiles de "hontes du barreau", "commerçantes du malheur", d'"hystériques" et de "saloperies de putes", selon une copie de cette plainte consultée par l'AFP.
L'avocate Nathalie Tomasini, a déposé plainte le mardi 21 septembre 2021 pour "menaces" et "violences psychologiques". La procureure d'Évreux Dominique Puechmaille a précisé à l'AFP ne pas avoir encore pris de décision sur les suites à donner à cette plainte :
"Je ne suis pas certaine que les qualifications délictuelles avancées tiennent. Et je m'interroge sur une éventuelle prescription si nous étions face à des injures et que les faits étaient avérés".
Dans ce document, la magistrate Brigitte Blind, représentante du ministère public au procès, atteste avoir vu M. Dupond-Moretti "vociférer en direction des avocates des parties civiles tout en agitant vers elles le poing". Une des parties civiles évoque également un "déchaînement de violences verbales et gestuelles" de M. Dupond-Moretti.
Invitée de Jean-Marc Morandini, Maitre Tomasini détaille les échanges qu'elle aurait eu avec Me Dupond-Moretti
Maitre Tomasini a déposé plainte contre #DupontMoretti. Suite à un procès d assise où elle défendait une victime de violences conjugales contre un client du ministre de la justice. Lors d'une interruption de séance, il a insulté et menacé l'avocate, qui indique avoir des témoins. pic.twitter.com/1ERpYVvl4d
— ?????lp30 vk.com/brunolp30vk (@brunolp30) September 23, 2021
"Une tentative de chantage"
Pour l'entourage du ministre, nommé à ce poste en juillet 2020, cette plainte est une "tentative de chantage". Les proches du garde des Sceaux affirment que M. Dupond-Moretti envisagerait une plainte pour dénonciation calomnieuse. L'entourage du ministre a estimé auprès de l'AFP que "cette plainte tardive" n'était "que l'aboutissement d'une tentative de chantage qui n'a pas fonctionné" et qu'elle s'apparentait "à une instrumentalisation politique".
"Depuis novembre 2020, alors qu'Éric Dupond-Moretti a toujours nié avoir proféré les insultes, les gestes ou les menaces dont il est calomnieusement accusé, (la plaignante) a tenté à plusieurs reprises d'en profiter pour intégrer, contre son silence, des commissions lancées par le garde des Sceaux", indique-t-on de même source.
David Koubbi, l'avocat de Me Tomasini à répondu à nos questions à ce sujet : "il y a là une duplicité. Eric Dupond-Moretti n'est plus avocat on le sait bien puisqu'il est ministre de la Justice. Il sait que Me Tomasini et moi-même sommes tenus au code de déontologie des avocats et à la confidentialité. Il sait qu'il n'est pas possible pour nous de sortir d'éventuels échanges qui auraient existés et qui montreraient que c'est très exactement le contraire de ce qui est indiqué par la Chancellerie. En revanche, puisqu'il y a une tentative de chantage d'après E. Dupond-Moretti, je l'invite à déposer une plainte. Puisque déposant cette plainte, nous serons autorisé pour les besoins de la défense de Nathalie Tomasini, de vous montrer qu'il n'y a pas eu tentative de chantage."
Et d'ajouter : "Je comprends qu'il faut s'en sortir à partir du moment où on a décidé de ne pas assumer de traiter une femme en robe d'avocat de "saloperie de pute". Dans ces cas-là c'est toujours la même mécanique : on crie à la calomnie, on annonce une plainte pour dénonciation calomnieuse, on dit que c'est diffamatoire et à la fin de l'histoire on ne dépose aucune plainte."
Le ministre de la Justice qui se dit féministe a traité une de ses consœurs, a brandi son poing en l'invectivant, en lui disant je ne sais pas ce qui me retient.
"On a tout fait pour que je ne dépose pas cette plainte"
De son côté, Me Tomasini à précisé à l’AFP que : "C'est totalement faux (…) Il inverse l'histoire. On a tout fait pour que je ne dépose pas cette plainte. On m'a tout proposé", a ajouté l'avocate qui réclame un euro de dommages et intérêts.
Le ministre s'étonne en outre que sa consoeur "n'ait pas immédiatement signalé" les faits au président de la cour d'assises, au bâtonnier local et à son bâtonnier. Me Tomasini a précisé à l'AFP avoir déposé une plainte déontologique auprès du conseil de l'ordre des avocats dès mars 2020 et avoir attendu la fin du procès très médiatisé de Valérie Bacot en juin 2021, pour porter plainte au pénal :"Je ne voulais pas que les affaires s'entrechoquent", a-t-elle assuré.