Le 2 octobre 2017, en Saône-et-Loire, Valérie Bacot, 37 ans, est interpellée. Elle avoue avoir tué Daniel Polette, son mari violent après avoir été son beau-père incestueux. 4 ans après l'affaire Jacqueline Sauvage, c'est par une balle de revolver que Valérie Bacot a mis fin à son calvaire.
En juin 2021 aura lieu le procès de Valérie Bacot. Elle est accusée d'avoir assassiné son mari Daniel Polette. Violences, viols, prostitution, durant 24 ans, ce dernier a fait vivre l'enfer à celle qui a d'abord été sa belle-fille avant de devenir son épouse.
Cet article est le premier d'une série de 3 reportages consacrés à cette affaire hors norme.
La maison du calvaire
Le 13 mars 2016, Valérie Bacot, 36 ans, tue son mari Daniel Polette, de 25 ans son aîné. Depuis 18 ans, le couple et ses 4 enfants vivent à Baudemont en Saône-et-Loire, dans un quartier pavillonnaire. A deux kilomètres, La Clayette, bourg centre de ce canton rural. C'est dans ce tout petit périmètre que Valérie Bacot vit ce qu'elle décrit aujourd'hui comme un enfer quotidien.
Le quartier est un îlot de plusieurs petites impasses. Au fond de l’une d’elles, se trouve la maison que loue le couple. A l'entrée du lotissement, un calvaire... Valérie Bacot le croise chaque fois qu'elle quitte ou rejoint son foyer. Le calvaire, elle le vit aussi derrière les volets bleus de leur maison.
Une enfance sans repères
Valérie est née en 1980. Son père, décrit comme un homme au tempérament discret, s'efface rapidement de la vie de Valérie et de ses deux frères. La mère de Valérie, elle, possède un tempérament plus trempé. Elle est commerçante et tient une mercerie dans le centre de La Clayette.
Valérie est confrontée à la sexualité dès l'enfance. Lors de l’une de ses auditions, elle déclare avoir subi des attouchements de la part d’un de ses frères alors qu’elle avait à peine 5 ans. Elle précise en avoir parlé à sa mère. Celle-ci ne se serait pas offusquée et n’a rien vu de mal dans cet acte.
A l’école, Valérie est une élève qui rencontre des difficultés. Elle redouble plusieurs fois. Selon un de ses instituteurs de l’école primaire, elle n'est pas une élève qui laisse un grand souvenir. Il l'a décrit comme une personnalité effacée, presque absente. "Valérie, elle était incolore et inodore", dit-il.
L'amant de sa mère
Valérie a 12 ans lorsque l’amant de sa mère, Daniel, entre dans sa vie et intègre le domicile familial. S’il est plutôt brutal avec ses deux frères, il gâte Valérie et la couvre de cadeaux.
L'attitude ambiguë de Daniel Polette attire les soupçons de deux de ses sœurs. Elles préviennent les gendarmes. Valérie a 14 ans lorsqu’une enquête est ouverte. Des préservatifs sont retrouvés au domicile familial dans la poubelle. L’adolescente explique avoir subi plusieurs fois des rapports sexuels avec son beau-père.
En 1995, Daniel est jugé et condamné à 4 ans de prison pour viol sur mineure de moins de 15 ans. Depuis sa cellule, il écrit à Valérie. Selon celle-ci, sa mère l’oblige à lui répondre. Elle lui impose également d’aller lui rendre visite au parloir en prison.
La mère de Valérie tient une mercerie au centre-ville de La Clayette. La commerçante est réputée pour avoir un fort caractère. Des commerçants qui la côtoient depuis des années parlent d’une femme qui aime les hommes et "forte en gueule". "Elle parlait affreusement je dirais, mais toujours des autres et jamais d’elle", indique l'un d'eux. Contactée à plusieurs reprises, la mère de Valérie Bacot refuse de parler à la presse.
La sortie de prison et l'explosion de la famille
Daniel sort de prison deux ans et demi après sa condamnation. Il réintègre le domicile familial, comme si rien ne s’était passé. Les rapports sexuels avec Valérie reprennent. A 17 ans, elle tombe enceinte de ce beau-père âgé de 25 ans de plus qu’elle.
La mère de Valérie a laissé faire les attouchements à 5 ans. Elle a au moins fermé les yeux quand son amant violait sa fille de 14 ans. Mais la naissance d'un enfant semble changer la donne. Cette fois, Valérie est jetée dehors par sa mère. Elle part alors s’installer avec Daniel.
Le couple loue une maison à Baudemont. Le début d’un nouveau huis clos familial sordide qui durera 18 ans. Le couple se marie et a 4 enfants. Progressivement, Daniel et Valérie n'ont plus de contacts avec leurs familles respectives. Leur vie sociale se restreint au strict nécessaire.
Les enfants du couple sont scolarisés à Beaudemont, dans les mêmes écoles que ceux de Sandrine. Cette mère de famille côtoie parfois Valérie à la sortie des classes. Elle se souvient. "C’était la seule présente à tous les horaires d’école. C’était presque la seule qui ne travaillait pas. C’était quelqu’un qui était toujours seule. Elle paraissait très vulnérable et très fragile". Sandrine décrit une femme "pâlichonne, maigre" et à l'attitude renfermée. "Elle ne parlait pas, à part deux ou trois banalités. Juste une fois dans un parc, elle m’a expliqué qu’elle était fâchée avec sa maman, car elle était mariée avec l'ancien compagnon de celle-ci." D’autres parents d’élèves se souviennent d’une femme qui ne perdait pas de temps à discuter. Elle se garait au plus près de l’école comme pour pouvoir repartir le plus vite possible.
Une famille en vase clos
En passant devant la maison du couple le week-end, Sandrine voit parfois Daniel jouer au cerf-volant avec les enfants. Mais pas Valérie. "Je me disais que la maman devait être aux fourneaux ou à entretenir la maison. Quand on les voyait, c’était toujours la maman et les quatre enfants, ou avec le papa. Mais, jamais on ne les voyait l’un ou l’autre seul."
Rare sortie que la famille s'accorde dans la commune, la fête de l'école en fin d'année. "Au spectacle, on les voyait alignés en rang d’oignons au fond de la salle. Mais lorsque venait le moment de convivialité où on boit un coup, ils repartaient, ils n’y assistaient jamais." Lorsque les garçons vont jouer au foot, la même barrière semble se mettre en place. "Leurs enfants faisaient du football avec les nôtres. Mais avec eux, on ne partageait pas les voitures. Pour les déplacements, ils ne prenaient pas d’autres enfants dans leurs voitures et leurs enfants n’allaient pas dans d’autres voitures."
Deux semaines de travail
Dans la commune de 650 habitants, tout le monde se connait. "C’était des gens qui ne posaient pas de problème, mais c’est vrai qu’ils ne participaient à aucune activité de la commune" reconnait Robert Thomas, le maire de Baudemont. "Ils ne recevaient personne. Ils vivaient en vase clos." Valérie n’a pas d’autres activités que celles vécues à l’intérieur de la famille. Elle va tout de même avoir une expérience professionnelle.
Il y a quelques années, la commune lui propose un travail d’agent d’entretien à raison de 20 heures par semaine. Mais l’expérience ne dure que deux semaines. "On a vite mis fin à l’expérience, car elle n’a fourni qu’à peine 10 heures par semaine, explique l'élu. Elle avait toujours un truc à faire pour ses enfants et elle ne venait pas. Et quand elle venait, son mari la surveillait. Il venait vérifier qu’elle était bien là et pas ailleurs. Pour lui, une femme qui travaille c’est une femme qui "va au cul" qu’il disait. Alors, au bout deux semaines, on a préféré arrêter."
Après son interpellation, Valérie lève le voile sur ce qu'il se passe à l'intérieur du foyer. Elle parle aux enquêteurs de coups reçus par son mari. Reçus par elle, mais également par ses enfants. Elle décrit un quotidien de quasi esclave domestique. Elle raconte que parfois Daniel "foutait tout en l’air dans la maison" et lui ordonnait de ramasser.
Après les viols, la prostitution
Valérie explique également que son mari l’obligeait à se prostituer. Une entreprise organisée par le chef de famille, selon Valérie Bacot. Daniel recrutait des clients par petites annonces et sur des aires de repos en bord de la RCEA (Route Centre Europe Atlantique) vers Paray-le-Monial à une trentaine de kilomètres. Pour ces activités, Daniel avait aménagé le monospace de la famille. Il équipait Valérie d’une oreillette durant les passes et donnait ses instructions.
C’est après une de ces passes que Valérie le tue. Le 13 mars 2016, elle tire une balle de revolver dans la nuque de Daniel. Le matin, elle avait tenté sans succès de l'empoisonner. Après le meurtre, Valérie enterre le cadavre de son mari dans le bois situé derrière le château de La Clayette. Pour dissimuler le corps, elle est aidée de deux de ses fils âgés de 16 et 17 ans et du petit ami de sa fille qui a 16 ans.
C'est par la mère du petit copain que le secret de famille finit par fuiter. Au printemps 2017, elle répète aux gendarmes les révélations que son fils lui a faites quelques mois plus tôt. Les conditions de la disparition de Daniel Polette sont alors dévoilées.
Devant la justice
Une information judiciaire est ouverte pour assassinat. Valérie Bacot et ses enfants sont interpellés le 2 octobre 2017. Aux enquêteurs, la mère de famille déclare que peu de temps avant sa mort, Daniel a demandé à leur fille âgée de 15 ans "comment elle était sexuellement". Un évènement qui, selon elle, a pu déclencher son passage à l’acte.
La mère de famille est incarcérée et placée en détention provisoire. Elle est mise en examen pour assassinat et risque la prison à perpétuité.
Le 19 décembre 2019, le tribunal pour enfants de Mâcon a condamné les trois garçons mineurs au moment des faits à des peines de six mois de prison avec sursis.
Sa vraie prison, ce n’était pas la maison d’arrêt, c’était chez elle dans sa maison. C’est dur de se dire que là-bas elle se sentait en sécurité.
C’est au moment de son incarcération que Sandrine, la mère de famille de l'école, décide de prendre contact avec Valérie, de lui écrire, puis de lui rendre visite au parloir. Elle a le souvenir d’une femme chétive et s’attend à la retrouver plus fragile encore. "J’avais cette image de Valérie maigre et pâle. Quand je l’ai vue, je ne l’ai pas reconnue physiquement, elle était métamorphosée. Elle avait laissé pousser ses cheveux, les avait teints. Elle avait grossi et elle était souriante. J’ai compris à ce moment-là que sa vraie prison, ce n’était pas la maison d’arrêt, c’était chez elle dans sa maison. C’est dur de se dire que là-bas elle se sentait en sécurité."
En septembre 2018, après un an de détention, Valérie Bacot est remise en liberté sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès. Elle est défendue par Me Janine Bonaggiunta et Me Nathalie Tomasini, les deux avocates de Jacqueline Sauvage.