Un mois après le viol barbare d'une jeune femme à Cherbourg, un collectif d'ultra-droite baptisé Argos est venu faire une manifestation coup de poing dans la capitale du Cotentin. Qui sont-ils et quelles sont leurs revendications ?
Ils appellent la jeunesse à " l'autodéfense pour contrer la démission totale de l'État face à l'ultraviolence que des criminels de plus en plus barbares infligent aux Français". Une trentaine de membres du collectif Argos, jeunesse alternative, a manifesté samedi 9 septembre 2023 dans le quartier des Provinces, à Cherbourg (Manche).
L'action qualifiée de haineuse par la préfecture de la Manche s'est tenue devant l'immeuble où résidait Oumar N, qui a reconnu être l'auteur du viol barbare de Mégane, 29 ans, au début du mois d'août.
À l’issue de cette manifestation inopinée et non autorisée par la préfecture, 12 activistes ont été arrêtés. Placés en garde à vue durant 48 heures, ils ont été présentés devant le tribunal correctionnel de Cherbourg en comparution immédiate ce lundi, pour plusieurs motifs : organisation d'une manifestation non déclarée, incitation à la haine et p rovocation à la commission d’un crime ou d’un délit en raison d’un slogan inscrit sur une banderole, et port d'armes de catégorie D.
En l'espèce, plusieurs manifestants étaient munis de couteaux et de matraques. Les accusés ont demandé un renvoi, leur jugement a été reporté au 16 octobre.
Un collectif bâti sur les ruines de Génération Identitaire
Créé à l'été 2022, Argos se veut "le défenseur de la civilisation française et européenne". Le collectif reprend le discours et les codes de feu Génération identitaire, le groupuscule d'extrême droite dissout par l'État en mars 2021, après des opérations anti-migrants aux frontières alpestres et pyrénéennes.
Après dissolution, Génération identitaire a éclaté en de multiples structures. Argos en est une émanation. Ultra-conservateur, antisystème, le collectif alternatif dépeint "une France meurtrie, déstabilisée par les ghettos, la précarité, la culture de l'instantanée et la mondialisation".
" Nous sommes dans une guerre spirituelle, contre un système qui cherche à tuer notre peuple. Notre avenir est de nous reconnecter avec notre histoire et de réapprendre notre éthique européenne", avancent-ils dans une vidéo publiée l'an dernier.
Face à ces menaces qui pèsent sur les " autochtones", Argos entend rassembler une jeunesse française et européenne de souche " trop pâle pour être plainte, trop seule pour être crainte". Ainsi, elle propose à ses adeptes de " forger son corps et son esprit", en organisant notamment des treks, des entraînements et combats de boxe, des ateliers et des conférences.
L'action cherbourgeoise du collectif est la plus retentissante qu'il ait organisée. Il s'agit de la deuxième opération orchestrée par Argos depuis sa création, après une manifestation devant une salle de shoot parisienne l'hiver dernier.
On voulait dénoncer l'inaction de l'État et de la justice face à des fous qui vivent à côté de chez nous. Oumar était connu des services de police, il avait 17 mentions à son casier judiciaire, cinq condamnations. Ce n'est pas normal qu'il puisse être dehors. Face à ça, notre message, c'est l'autodéfense, dans un cadre légal. Le réflexe de s'en remettre à l'État ne fonctionne pas. On n'est pas dans des rhétoriques de guerre civile, notre idée est de monter aux jeunes qu'on peut réagir en se défendant par des moyens légaux.
Benjamin, porte-parole d'Argos
Sur le plan politique, ils soutiennent " la sanctuarisation du domicile", principe selon lequel n'importe quel citoyen a le droit de se défendre contre celui qui viole son domicile, dénonçant le sort réservé à René Galinier et Daniel Malgouyres.
Argos milite aussi pour la refonte de la légitime défense sur le modèle suisse, pour soit pris en compte " l'état de stress psychologique, et que le principe d'immédiateté soit remplacé par celui du temps global de l'action, plus réaliste".
Environ 200 membres revendiqués en France
Pour autant, des couteaux et des matraques ont été retrouvés par les gendarmes ayant arrêté la douzaine de membres du collectif, samedi après-midi. " Il s'agissait de deux couteaux de cuisine et d'une matraque, qui ont été retrouvés dans le coffre d'une voiture de l'un de nos membres", explique Benjamin, porte-parole d'Argos.
" Quand on est arrivé dans le quartier des Provinces, la police était déjà au courant qu'il allait se passer quelque chose puisque trois cars de CRS étaient stationnés à proximité, poursuit-il. On a dû faire très rapidement l'action, avec une quinzaine de militants alors qu'on était une quarantaine. Après, on a vu trois cars de gendarmes arriver pour nous arrêter, mais les militants se sont dispersés et aucun de nous n'a été interpellé sur place".
C'est en fait bien après l'action, sur le retour de Cherbourg, que deux véhicules se sont fait intercepter par un barrage routier. Les armes de catégories D ont été découvertes à ce moment-là, et les douze activistes arrêtés. Après deux jours de garde à vue, ils ont comparu ce lundi devant le tribunal correctionnel de Cherbourg, et sont ressortis libres.
Originaires de Lyon, Paris, Nantes et Marseille, ces jeunes adhérents (le plus âgé a 28 ans) connaîtront leur sort prochainement. Argos revendique environ 200 membres disséminés aux quatre coins de la France, notamment à Rouen et dans la région.