Un berger de la baie du Mont Saint-Michel affirme qu'une de ses brebis a été dévorée par un loup dans la nuit du 14 au 15 avril. Après un siècle d'absence, le loup pourrait être en train de s'installer durablement en Normandie.

Au petit matin du lundi 15 avril, François Cerbonney, éleveur de brebis dans la Manche, a eu le cœur serré. Venu retrouver son cheptel, en pâturage dans la baie du Mont Saint-Michel, il découvre l'une de ses bêtes, une brebis adulte, morte et éventrée. "J'exerce ce métier depuis 22 ans. Je n'ai jamais vu d'attaque comme ça", témoigne l'agriculteur, dont le troupeau compte près de 350 brebis et autant d'agneaux.

L'épaule de l'animal est déchiquetée, son ventre est ouvert et ses côtes cassées. Deux semaines plus tôt, une autre de ses brebis avait subi le même sort. "Ça ne peut pas un être un chien ou un renard", pense François Cerbonney, dont le cheptel a déjà connu des attaques de prédateurs, mais jamais un pareil dépeçage. Le soupçon se porte alors sur un autre coupable. "À l'automne, un loup a été vu dans ma commune par une dame et son fils", rapporte l'éleveur.

Le loup de retour ?

Seulement voilà : officiellement, le loup n'existe pas en Normandie. S'il y a bien été observé jusqu'au début du 20ᵉ siècle, il est censé avoir disparu depuis plus de cent ans. La cartographie de l'Office français de la biodiversité (OFB) ne reconnaît sa présence régulière que dans les Alpes, les Pyrénées, le Massif Central et en Alsace.

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En quête d'une réponse, François Cerbonney partage les photos du cadavre de ses brebis sur un groupe Facebook d'éleveurs. Il est rapidement contacté par des membres de l'Observatoire du loup, une association qui agît pour la reconnaissance de la présence du prédateur dans plusieurs régions. Selon eux, c'est bien un loup qui est responsable de l'attaque. L'éventrement dont la brebis de l'agriculteur manchois a été victime est même caractéristique d'une attaque de ce canidé, avance Jean-Luc Valérie, le porte-parole de l'association. "Il a soulevé les côtes pour accéder aux viscères rouges", analyse-t-il. Pour lui, "il n'y a pas de doute", c'est bien le mode opératoire d'un loup.

Une perte pour les éleveurs

Trois agents de l'OFB sont venus à la rencontre de François Cerbonney, le 17 avril, pour constater les faits, sans se prononcer sur l'hypothèse du loup. "L'OFB a cherché, mais n'a pas trouvé de poils, de crottes ou d'empreintes", rapporte le berger.

"Ce n'est jamais agréable pour un éleveur de perdre ses bêtes", témoigne François Cerbonney. En plus du choc symbolique, la perte est aussi économique. "La valeur marchande d'une brebis, c'est 450 euros. Et les brebis qui ont été tuées avaient des agneaux. Il faut acheter du lait et les allaiter au biberon", ce qui coûte en temps et en argent, note-t-il. "L'indemnisation par une assurance ne peut jamais compenser la perte d'un animal", ajoute l'éleveur.

Alors, depuis la création de l'Observatoire du loup, en 2013, Jean-Luc Valérie s'affaire pour récolter les indices de l'arrivée du canidé dans les régions de France où l'OFB ne reconnaît pas sa présence. Ce qui est en jeu, c'est l'obtention de précieuses aides de l'État pour les éleveurs dont les troupeaux pourraient être menacés, par exemple pour l'achat d'un chien de garde et la construction de clôtures. Car si François Cerbonney dispose bien d'un chien de troupeau, sa seule présence n'a pas suffi à éviter ce qu'il croit désormais être une attaque de loup.

"Phase d'installation"

Pour Jean-Luc Valérie, l'installation du loup en Normandie ne fait plus aucun doute. "Les premiers indices qui laissaient suspecter des individus remontent à 2014", évoque-t-il. Les premiers spécimens seraient arrivés de Belgique et de région parisienne. Depuis, le groupe a prospéré, selon l'Observatoire du loup, en témoigne l'apparition de specimens dans le Calvados en 2021, dans la Manche en 2023 – comme l'a observé l'OFB lui-même – et en Seine-Maritime en février dernier. "Les signalements de loups dans une région entre mars et novembre ne signifient pas qu’une meute est installée", soulignait l'OFB en septembre 2023.

"Quand ils commencent à attaquer les troupeaux, c'est qu'une meute est en phase d'installation", rétorque Jean-Luc Valérie. Selon lui, les structures de l'État manquent de moyens humains pour cartographier avec exactitude la présence de l'animal. Pour limiter les dégâts de la bête, "il faut anticiper largement", fait valoir Jean-Luc Valérie. Mais, faute de sa reconnaissance par l'OFB et la préfecture, "on n'est pas encore dans l'anticipation", déplore-t-il.

Selon l'Observatoire du loup, une dizaine de loups seraient établis en Normandie. Ils seraient répartis en deux meutes, l’une dans l’Eure, l’autre dans la Manche. La meute manchoise serait composée de trois individus, avance l'association.

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