Publié le Mis à jour le Écrit par Alexandra Huctin

Oléna et Tatiana sont ukrainiennes et normandes d'adoption, à la tête d'une association en lien avec des enfants ukrainiens. L'une est professeur de Russe à Caen, l'autre réside à Bagnoles-de-l'Orne. Oléna a passé la nuit devant sa télévision à regarder les images des premières attaques russes. En sanglots, elle s'inquiète pour les enfants.

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Il est difficile de joindre Olena ce jeudi 24 février 2022, à Bagnoles-de-l'Orne. Depuis 3 heures du matin,  elle est imperturbable, scotchée à sa télé avec le téléphone à l'oreille. A l'autre bout, ses amis, sa famille. Elle échange avec tous ceux qu'elle connaît sur place. Le jour se lève, elle n'est pas encore habillée ."Je viens d'avoir une amie à Kiev. On se dit que maintenant que Poutine a fait bombarder les aéroports et les zones militaires, il va attendre la réaction internationale. Pour combien de temps ?" 

A Caen, dans le Calvados voisin, Tatiana, professeur de Russe au Lycée Fresnel est dans sa voiture à 7 heures 30 et elle pense déjà à ce qu'elle va devoir dire à ses élèves. La nuit n'a pas été bonne non plus. L'émotion est palpable dans sa voix. Elle se dit en état de sidération.  "Je suis devant ma télé depuis le petit matin, incapable de décrocher. Je n'arrive pas à y croire. tous ceux que je connais vont bien. Mais certains entendent des explosions, pas loin."

Les enfants au centre des préoccupations

"J'ai contacté l'une des deux coordinatrices de l'association. Elle habite à la campagne et elle a une cave chez elle. Et pourra accueillir du monde pour se protéger en cas de bombardements. On essaie de tout prévoir" La grande chaîne de solidarité a déjà commencé. Et de France, Tatiana tente d'établir les contacts avec tout le monde. Sur place, comme d'habitude, Galina et Elena (photo ci-dessus) vont assurer le relai. Tatiana préside l'association humanitaire Enfants de l'Ukraine qu'elle a créée en 1993. Elle vit en France depuis 36 ans et enseigne aujourd'hui le russe dans plusieurs établissements de Caen, dont le Lycée Fresnel.

J'essaie de savoir si tous nos protégés sont à l'abri. Je m'inquiète pour un jeune homme de 20 ans que l'on accompagne depuis longtemps. Que va t-il devoir faire? Aller se battre? A Lviv, c'est l'état de guerre

Tatiana Dehaye, ukrainienne et professeur de russe

Sa famille ? "J'attends des nouvelles de mon cousin qui est marin et en mer. Je suis profondément choquée. Même s'il fallait s'y attendre."

En attendant, Tatiana déroule sa vie en France. Elle a déjà rejoint ses élèves au Lycée Fresnel à Caen. Deux heures plus tard elle est au CDI avec eux. Ils travaillent sur un carnet de voyage. En Avril, dans quelques semaines, ils avaient le projet pédagogique de visiter Kiev. "Le voyage bien sûr ne se fera pas."

"On le savait. Tout le monde là-bas était prêt pour 3 heures du matin, heure française"

Oléna Mistal se sent après ces premières heures de conflit, comme perdue et profondément en colère. "On le savait. Ce n'est pas une opération militaire comme je l'entends sur toutes les chaînes françaises. Tout le monde était prêt là-bas. On avait même l'heure depuis hier : 3 heures du matin pour nous, 4 heures en Ukraine."

C'est une guerre et pas une opération militaire. Il a tout organisé depuis 8 ans. C'était prévu !

Oléna Mistal

Tous ses proches lui expliquent qu'il n' y a pas de panique en Ukraine. "Les gens sont prêts. Ceux qui devaient partir l'ont déjà fait. Maintenant il y a ceux qui restent et les enfants qu'il faut mettre à l'abri.'

L'association Franco-Ukrainienne Château des Arts, qu'elle préside, assure depuis Bagnoles-de-l'Orne (61) des échanges culturels. Elle accueille des enfants ukrainiens  à chaques vacances scolaires.

"Dans notre petite commune de l'Orne, les gens les connaissent bien : c'est tout petit ici. Tous les enfants qui sont venus cet été vont bien. Les prochains devaient arriver fin mars." Dans un mois débutent en Ukraine les vacances de printemps. "Je dis à tous les parents que j'irai les chercher moi-même jusqu'en Pologne s'il le faut. Il faut qu'on trouve des solutions pour les accueillir deux ou trois semaines loin de tout ça."

"Jamais je ne refuserai mon aide à une famille là-bas"

Elle espère qu'ils trouveront des solutions pour continuer les échanges. Mais déjà elle se promet de remuer ciel et terre, prête à mener son combat, celui pour la liberté. "Je vais faire toutes les démarches possibles. Jamais je ne refuserai mon aide à une famille de là-bas qui me demande de prendre son enfant." Sa voix change de ton, les sanglots s'entrechoquent. "Heureusement, depuis ce matin, je reçois plein de textos d'amis français, de Bagnoles et des environs qui me disent "on pense à toi !""

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