Coup de frein pour la filière biologique. Des agriculteurs, qui avaient beaucoup investi et appris de nouvelles méthodes de travail, rendent leur certification. Le bio nécessite un plan de relance. La Normandie compte seulement 6,7 % de surface agricole en bio, ce qui la met à la 11e place des régions sur 13.
Dans cette exploitation du pays de Bray, entre Gournay et Forges-les-Eaux en Seine-Maritime, les vaches laitières, filière agriculture biologique, sont choyées. Leur lait est transformé à la ferme en fromage de Neufchâtel bio. Une autre partie est vendue à la laiterie.
L'éleveur Matthias Moinet prend le relais de son père avec conviction. "C'est une reprise familiale, la ferme était en bio et c'est aussi ce en quoi je crois".
La période est plus difficile mais le ciel s'éclaircit. "Le printemps 2022, on a pris cher, on a fait - 30 % de vente.", explique le père du jeune éleveur.
"Aujourd'hui, on s'en sort, parce qu'on transforme le lait en fromage d'appellation protégée" complète Matthias.
La vente du lait bio, elle, ne compense pas le coût de production : 550€ pour produire1 tonne de lait, rémunérés 480€.
Des économies faites sur le budget alimentation
En 2022, l'inflation a détourné beaucoup de consommateurs des produits bios. Un coup de frein après la croissance des années 2000. Des magasins de grande distribution ont réduit leurs rayonnages de cette gamme.
"Il y a ancré dans les esprits du consommateur que le bio, c'est très cher. En période d'inflation, ils ont arbitré en réduisant leurs achats de bio." regrette Laurent Moinet.
Les confinements ont aussi mis en valeur les produits en circuits courts. La grande distribution a beaucoup développé son offre de produits locaux. Ils ne sont pas toujours issus de cultures biologiques.
"Cela m'inquiète pour le développement de la filière bio, et ce que cela apporte pour la qualité de l'eau et de la biodiversité" explique le jeune éleveur de Dampierre-en-Bray Matthias.
Reportage de Grégory Archiapati et Patrice Cornily à Dampierre-en-Bray (76)
Des aides à la baisse
L'exploitation a perdu 10.000 € d'aide annuelle au maintien en agriculture biologique. Cette subvention ne fait plus partie du programme de la Politique Agricole Commune.
Après les mouvements des agriculteurs de l'hiver 2024, le gouvernement français a déployé un plan de soutien national au bio.
En Normandie, les agriculteurs qui demandent l'arrêt de leur certification bio sont peu nombreux mais le taux a doublé en un an.
Pour la première fois en 2023, le solde est quasi nul : on enregistre autant d’arrêts de certification bio (tous motifs d’arrêt confondus) que de nouvelles exploitations engagées en AB. Ainsi, fin 2023 la région compte 2 335 exploitations bio (seulement 3 de moins qu’en 2022).
Chambre d'agriculture de Normandie, 24 juin 2024
Dans la filière bio, l'élevage bovin (lait et viande) et les grandes cultures rencontrent plus de difficultés. La moitié des agriculteurs qui souhaitent cesser leur expérience dans la filière biologique poursuivent leur activité sans ces méthodes plus incertaines et avec moins de rendement.