A moins d’une semaine de l’Armada, les quais se sont peu à peu recouverts de tentes blanches et les visiteurs comptent les jours avant l’arrivée des premiers bateaux. Une période riche, aussi, pour les entreprises rouennaises.
Armada, J-6. Les produits dérivés sont fin prêts, les quais, encore accessibles pour quelques jours en voiture, les restaurants du bord de Seine s'organisent pour répondre à la demande, et les premiers grands voiliers devraient accoster d'ici trois à quatre jours.
Pour les entreprises, l'événement représente une occasion supplémentaire de se faire connaître... Ou de booster leurs ventes. Même si certaines dénoncent de grosses contraintes pour leur activité.
"C'est un très bel outil de communication"
Les dix jours de l'Armada, Florent Poirier les envisage avec une grande sérénité. Et beaucoup d'enthousiasme. Au-delà des bénéfices économiques, le PDG de la marque rouennaise de maroquinerie Paul Marius y voit une opportunité de conquérir un nouveau public.
Car la griffe ouvrira son propre pop-up store – une boutique éphémère de 150 m2, à proximité immédiate des quais. "On est là pour présenter nos collections à la vente, nos éditions limitées, nos collections capsule, mais aussi pour se nourrir d’échanges, de partage, de voyages", avance l'homme d'affaire. "Quand un événement comme l’Armada se porte à nous, c’est une obligation d’y être."
"Je pense que la rentabilité de l’événement ne se fait pas que sur du financier, mais aussi sur l’ouverture, le partage et la rencontre."
Florent Poirier
Pour disposer d'un espace privilégié au coeur de l'événement, il a fallu débourser 100 000 euros. Une dépense que Florent Poirier ne regrette pas. "On a décidé, comme lors de la précédente édition, d’avoir une structure volumineuse, on a beaucoup de choses à montrer. C’est un très bel outil de communication. Quand vous allez à l’Armada, vous voulez découvrir de beaux voiliers, monter sur des bateaux. On part du principe qu’on va communiquer avec des personnes qui ne s’attendaient pas à nous voir."
" C’est le cœur qui arbitre. Nous sommes une entreprise rouennaise, fièrement ancrée à Rouen depuis 13 ans. Il y a quatre ans, c’était un plaisir pour Paul Marius de rencontrer les visiteurs."
Florent Poirier
"C'est comme si on m'avait mis au placard"
Deux salles, deux ambiances. Propriétaire de la péniche La Bodega, située près du Pont Flaubert, à l'emplacement même de l'Armada, Eddy Monard voit rouge. Le directeur des bateaux de réceptions et de croisière Bodega&Co dénonce l'augmentation exponentielle de la location de l'emplacement, une hausse de 90%.
"Grosso modo, on a été obligé d’augmenter le prix des billets d’à peu près 60%. Le bateau a un taux de remplissage de 70%, on n’est pas complet. D’habitude, on est complet trois mois avant, on refuse du monde tous les jours", assure-t-il.
"Les clients nous disent ‘c’est trop cher, c’est devenu du business’. Des fois on se fait balader au téléphone parce-qu’on est des voleurs, qu’on augmente les tarifs. Les gens ne se rendent pas compte de toutes les charges qu’on peut avoir."
Eddy Monard
Les tarifs augmentent, pour tenter de pallier la flambée des charges... Et depuis quelques jours, La Bodega a accosté sur la rive gauche, poussée vers la sortie pour libérer les quais de la rive droite. Mais le nouveau lieu ne remplit pas les objectifs de fréquentation d'Eddy Monard. "Je me sens exclu de l'Armada. Je suis très en colère", admet-il. "Le fait de déménager c’est une injustice totale."
"Aujourd’hui, je demande à Haropa Port de m’aider. Ils ne se rendent pas compte de toutes les contraintes que je peux avoir. Le modèle économique a un vrai problème. Je suis une entreprise locale, rouennaise, et personne ne me soutient."
Eddy Monard
Eddy Monard hésite maintenant à poursuivre l'aventure. "J’ai pensé à ne pas participer, mais je me suis dit que je n’allais pas baisser les bras comme ça parce-que je suis un compétiteur", souligne-t-il. "Je suis rouennais. Je suis passionné par la Seine, amoureux de la ville et de l'eau. J'aime emmener les clients sur le fleuve et leur faire découvrir notre ville."
Concluant : "Par contre, je me suis dit est-ce que l’année prochaine, je vais refaire l'Armada ? Je me pose plein de questions. On va faire intervenir d’autres entreprises chez nous. Moi, je suis acteur tous les jours de l’année."